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La Belgique croule sous des tonnes de lait en poudre: "C'est comme ça que l'Europe gère les crises, c'est une honte pour la politique agricole"

A l'initiative du syndicat européen des producteurs de lait, plusieurs députés européens ont été invités à visiter un stock de lait en poudre à Herstal, près de Liège. L'objectif : qu'ils voient de leurs propres yeux les conséquences de la surproduction de lait. Vincent Jamoulle et Philippe Lefever ont assisté à cette visite.

Dans cet énorme entrepôt, 12 577 tonnes de lait en poudre. Il a fallu près de 100 millions de litres de lait liquide pour tout fabriquer. Ceci représente à peine un tiers des quantités stockées en Belgique sous forme de poudre, trois pourcents des stocks de l’Union européenne. Après la crise du lait en 2014, l’Europe s’est engagée à racheter les surplus qui s’amoncellent dans les entrepôts depuis plus de deux ans. "C’est comme ça que l’Europe gère les crises, dénonce Erwin Schöpges, producteur de lait et membre du syndicat European Milk Board. C’est comme ça que l’Europe travaille avec vos sous, avec les miens. Je pense que c’est une honte pour la politique agricole et la politique européenne".


"Tôt ou tard, on va devoir vendre"

Une dizaine de députés européens sont venus se rendre compte de la situation. Tout ce lait, il va falloir bientôt le vendre. Sa date de péremption approche. "C’est très préoccupant parce que ces stocks ne peuvent pas rester ici de façon indéfinie. Tôt ou tard on va devoir vendre, ce qui va tirer les prix vers le bas" s’inquiète Miguel Viegas, un eurodéputé portugais.

Le risque, c’est de provoquer une nouvelle crise pour les producteurs de lait. Eux souhaitent un retour à un système de régulation:  "Il faut mettre le marché en équilibre, demande Erwin Schöpges. Il faut forcer les agriculteurs à ne pas surproduire pour ne pas avoir ces stocks".

Dans toute l’Europe, la surproduction stockée sous forme de poudre depuis deux ans s’élève à 378 500 tonnes, l’équivalent de trois milliards de litres de lait. La quantité déjà vendue est négligeable.


Comment ça fonctionne ?

Le système de l'intervention permet à des Etats-membres de l'UE d'acheter du lait lorsque le prix de celui-ci descend sous un certain niveau. Le lait en poudre est alors stocké un certain temps pour être revendu, sur décision de la Commission européenne, lorsque le marché s'est redressé.
La crise aidant, les stocks de poudre de lait écrémé accumulés depuis 2015 atteignaient en novembre dernier 378.578 tonnes pour l'ensemble de l'Union européenne, dont 66.235 tonnes rien qu'en Belgique.


35 centimes le litre en 2017, et après ?

Cette montagne de poudre de lait inquiète les producteurs laitiers, qui ont bénéficié d'un répit en 2017 avec des prix moyens de l'ordre de 35 centimes le litre mais craignent une nouvelle chute des prix. "Nous venons de perdre 5 cents ce mois de janvier et nous avons peur pour l'année 2018. Et que va-t-on faire de tout cette poudre de lait? C'est le résultat de la libéralisation des marchés", déplore Erwin Schöpges. "Le niveau des stocks accumulés est incroyable. Ils inonderaient le marché. Il est nécessaire de prendre des mesures pour éviter cela", abonde Romuald Schaber, président de l'EMB, plaidant pour que les volumes de lait accumulés ne soient pas bradés.

Devant des murs de sacs de lait en poudre, les responsables de l'EMB égrènent leurs revendications: ne pas remettre sur le marché les stocks actuels, car cela ferait baisser davantage encore les prix du lait, ni les exporter en faisant du dumping dont sont déjà victimes certains éleveurs d'Afrique de l'Ouest.

L'EMB, qui a élaboré un "programme de responsabilisation face au marché" comprenant diverses mesures en cas de crise laitière, réclame également un plafonnement de la production laitière européenne au niveau de 2017 et un relèvement du prix d'intervention.

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