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Une page d'histoire se tourne: le dernier Sea King de la mer du Nord a pris sa retraite après 1757 vies sauvées (photos)

Le tout dernier vol opérationnel d'un hélicoptère Sea King a eu lieu ce jeudi 21 mars. L'armée belge, mais aussi toute la Côte belge et les millions de touristes qui s'y pressent d'année en année ainsi que les passionnés d'aviation, ont fait leurs adieux au légendaire hélicoptère, vétéran des missions de sauvetage - principalement en mer - au caractéristique nez "dayglow" (rouge-orange vif). Le dernier exemplaire a effectué son ultime vol au départ de sa base d'attache de Coxyde avant d'y revenir à l'issue d'un arrêt dans les communes littorales. Ce vol met un point final à 43 ans de service.

Ces hélicoptères sont surtout connus du grand public comme des véhicules de recherche et de sauvetage, "bien que l'éventail de leurs missions soit beaucoup plus vaste", souligne la Défense. Depuis leur mise en service en 1976, les cinq appareils Sea King ont totalisé près de 60.000 heures de vol et réalisé 3.309 missions de sauvetage. "Au total, nos équipages ont sauvé 1.757 personnes dans des circonstances souvent difficiles" pour les membres d'équipage, relève la Défense.

"L'hélicoptère est inextricablement lié à notre Côte belge", estime-t-elle. Au cours de ce dernier vol, un membre de l'équipage a planté "un drapeau de commémoration, marquant ses 43 ans de service, (...) sur la plage de chaque commune ou ville côtière."

Les nouveaux hélicoptères NH-90 reprendront intégralement en charge la mission de sauvetage. Ils pourront aussi être utilisés pour des opérations maritimes depuis les frégates de la marine belge. 



5 appareils à plus de 10.000 heures de vol

Ce dernier appareil était immatriculé RS-05. Lui et ses 4 homologues étaient arrivés à Coxyde le 8 novembre 1976 en formation de Grande-Bretagne, où ils ont été construits, après la formation des premiers équipages et techniciens sur la base britannique de Culdrose (Cornouailles, sud-ouest de l'Angleterre). Les Sea King avaient remplacé des Sikorsky HSS1 arrivés à bout de potentiel.

Le RS-05, porteur d'une livrée à dominante noire ornée des couleurs tricolores, a accumulé plus de 12.244,45 heures de vol - un nombre considérable pour une voilure tournante -, a indiqué le commandant de la base de Coxyde, le lieutenant-colonel Stéphane Roobroek, à l'agence Belga. "Tout le monde à la Côte a le souvenir d'un proche sauvé par le Sea King", a-t-il résumé à l'approche de ce dernier vol.

Les quatre autres Sea King Mk48 ont été graduellement retirés du service depuis 2009. Le cap des 58.000 heures avait été franchi en février 2016.

Le RS-01 a effectué 10.585,39 heures de vol, s'est posé pour la dernière fois le 17 décembre 2008, date de son arrivée au Musée de l'Air à Bruxelles, où de nombreuses pièces de rechange ont été prélevées pour maintenir les autres appareils en service.

Le RS-02 a réalisé 12.502,35 heures de vol, jusqu'à son dernier vol, réalisé le 13 janvier dernier. Il est stocké sur la base de Coxyde et sera mis en vente, comme deux autres appareils survivants, à l'exception de l'un d'entre eux qui a été offert à la commune de Coxyde (qui l'exposera dans l'enceinte de la base aérienne) et de celui qui se trouve au Musée de l'Air.

Le RS-03, retiré du service depuis le 29 août 2013, a effectué 11.851,44 heures.

Le RS-04, qui a réalisé son dernier vol le 15 février dernier - c'était donc l'avant-dernier exemplaire du Sea King en service sous les cocardes belges -, a accumulé 12.219 heures depuis sa sortie d'usine en 1976.

Les trois qui seront mis en vente le seront éventuellement pour servir de sources de pièces de rechange pour d'autres, devenus peu nombreux au fil des ans, opérateurs de Sea King.

Des hélicoptères à l'histoire émaillée d'actes de bravoure

Les hélicoptères Sea King de la 40e escadrille de Coxyde ont connu une histoire émaillée d'actes de bravoure de leurs équipages, tantôt très médiatisés, tantôt presque passés sous silence en raison de l'éloignement de l'exploit dans la distance et des conditions météorologiques.

Ces appareils ont assuré durant plus de 40 ans l'alerte SAR (Search and Rescue) consistant à intervenir à bref délai (15 minutes de jour, 30 de nuit) en cas d'incident en mer, dans la zone belge de mer du Nord ou plus largement dans la Manche à l'appel des pays voisins (France, Pays-Bas et Royaume-Uni). Ils comptabilisent ensemble plus de 59.000 heures de vol.

L'histoire du Sea King sous les cocardes belges est émaillée d'interventions quasi-quotidiennes - parfois pour rechercher un enfant porté disparu sur la plage de l'une des stations balnéaires de la Côte belge, récupérer un véliplanchiste ou des plaisanciers en difficulté et secourir l'équipage d'un chalutier en difficulté ou un passager d'un ferry pris d'un malaise.

Mais d'autres "scrambles" (décollages d'alerte) ont marqué les esprits ou sont passés à l'histoire par leur caractère spectaculaire, plus d'une fois réalisés aux limites des performances de la machine et de son équipage. L'exemple le plus célèbre est le naufrage du ferry "Herald of Free Enterprise" survenu le vendredi 6 mars 1987 en soirée au large du port de Zeebrugge et qui avait fait 193 morts, selon le bilan officiel Trois Sea King - certains membres équipages participant à la fête de base avaient littéralement sauté dans leur hélicoptère en revêtant leur combinaison de vol par dessus leur spencer - s'étaient relayés une bonne partie de la nuit pour évacuer vers des hôpitaux 28 personnes, en 22 heures et 56 minutes de vol.

Les Sea King de la 40e escadrille, vedettes de la série télévisée "Windkracht 10" de la chaîne de télévision publique flamande VRT, sont aussi intervenus lors de l'incendie de l'hôtel Switel d'Anvers - quinze morts le 31 décembre 1994 lors d'un réveillon du Nouvel An et des blessés graves à transporter au centre des grands brûlés de l'hôpital militaire Reine Astrid (HMRA) de Neder-Over-Heembeek - et lors de l'explosion d'un gazoduc le 30 juillet 2004 à Ghislengien (24 morts et 132 blessés, dont de grands brûlés).

Un autre sauvetage marquant s'est produit le 5 décembre 2012 lors du naufrage du navire "Baltic Ace" en mer du Nord au large des Pays-Bas qui avait fait onze morts, alors que trois personnes sont toujours portées disparues. Un Sea King et son équipage avaient bravé les averses de neige et de grêle pour secourir sept des treize membres d'équipage du navire et les ramener à Coxyde, avant leur hospitalisation dans des établissements belges.

Les hélicoptères de la 40e escadrille sont encore intervenus lors des attentats terroristes du 22 mars 2016 à l'aéroport de Bruxelles-National à Zaventem et de la station de métro Maelbeek à Bruxelles. Un Sea King et un NH90 NFH avaient transporté les blessés graves vers les hôpitaux de Louvain et de Neder-Over-Heembeek. La dernière intervention d'un Sea King remonte au samedi 9 mars au profit d'un navire navigant dans l'embouchure de l'Escaut, a précisé lundi un porte-parole militaire à l'agence Belga.

Ils ont également assuré d'autres tâches au profit de la population civile, comme le transport d'organes ou de charges lourdes et celui de personnalités - un appareil de ce type avait transporté le pape Jean-Paul II lors de sa visite en Belgique en mai 1985 - ainsi que de petites unités aéroportées.


Des caractéristiques techniques impressionnantes

Les cinq appareils ont été fabriqués sous licence par l'hélicoptériste britannique Westland, sur la base de la cellule du Sikorsky SH-3, celui qui récupérait les astronautes américains à l'issue des missions Apollo vers la Lune. Lors de leur entrée en service, ces appareils disposaient des technologies les plus avancées en matière de recherche et de sauvetage.

L'équipement se composait d'un radar de navigation et de recherche fournissant des informations jusqu'à une distance de 50 miles nautiques (90 kms), même par visibilité et plafond réduits ou de nuit.

Le Sea King était en outre équipé d'un système de navigation doppler, d'un système automatique de contrôle du vol sur trois axes.

Le Sea King MK48 était motorisé par deux turbines Rolls Royce Gnôme H 1400-1 de 1660 CV. Il a une autonomie de six heures et son rayon d'action atteint les 570 kilomètres. Sa capacité d'emport maximale est de 23 personnes.

Il est également équipé d'un treuil muni d'un câble de 80 mètres ainsi que d'un châssis sous le fuselage pour accrocher des charges allant jusqu'à 3 tonnes.

Ces équipements ont fait l'objet dans les années 1990 d'une modernisation effectuée par la société aéronautique SABCA dans son usine de Charleroi-Gosselies. Elle a principalement porté sur la mise en place de nouveaux équipements de navigation et de recherche. Le nouveau radar Bendix RDR-1500B, placé derrière les turbines, a une portée de 0,625 nautique (1,16 km) à 160 nautiques (296 km), selon le site spécialisé Les Ailes militaires belges.

Deux caméras thermiques (FLIR) autostabilisées ont également été acquises pour accroître les capacités de détection par mauvais temps. La caméra était installée à l'avant gauche de l'appareil et actionnée par le navigateur. Elle peut détecter des différences de température de l'ordre de 0,16°C et distinguer une personne à une distance de 300 mètres. Enfin, le revêtement intérieur des appareils a été remplacé pour garantir une meilleure protection contre la corrosion.


Des nouveaux NH90 Caiman plus taillés pour la guerre : vers une privatisation de recherche et sauvetage?

La mission de "Search and Rescue" (SAR, recherche et sauvetage) des Sea King, principalement en mer, mais aussi à terre, est dorénavant reprise par les trois - et à terme - quatre nouveaux hélicoptères NH90 Caïman en version navale (NFH) commandés par le gouvernement en ... juin 2007 et revêtus d'une livrée gris clair, au départ de la base aérienne de Coxyde. La transition entre les deux types aura duré plus de cinq ans. Notamment en raison du nécessaire retour en usine de trois premiers NH90 qui n'avaient pas été livrés au standard définitif, a admis le "CO" (commandant de l'escadrille) en préférant garder l'anonymat.

Les nouveaux NH90 en version navale ("NATO Frigate Helicopter" ou NFH, car la Belgique a également acquis quatre autres hélicoptères en version de transport tactique, des TTH à la livrée kaki), n'ont en effet atteint leur capacité opérationnelle initiale (OIC) qu'en septembre 2016, après des livraisons étalées dans le temps. Le premier NFH - le RN-01 - était arrivé à Coxyde le 1er août 2013, avec des mois de retard sur le calendrier initial, et le dernier, le RN-04, en mars 2017, directement en provenance de l'usine du constructeur Airbus Helicopters située à Donauwörth, dans le sud de l'Allemagne.

Ce nouvel hélicoptère NH90 Caïman sera à terme capable d'effectuer de nombreuses autres tâches que le SAR, avec l'ambition à terme d'assurer des tâches - beaucoup plus ambitieuses - comme la lutte anti-sous-marine (ASW en jargon militaire) au départ des frégates de la Marine, à la fois les actuelles "M-fregatten" rachetées d'occasion aux Pays-Bas et les futurs bâtiments polyvalents à construire en collaboration avec la marine néerlandaise, a indiqué le commandant de la base de Coxyde.

Dès la fin de l'année 2020, les NH90 devront être capables d'embarquer à bord des actuelles frégates afin de remplacer graduellement les vénérables hélicoptères Alouette III, dont la fin de vie est prévue en 2021 en lien avec le retrait du navire de commandement et de soutien logistique A960 Godetia. Mais l'acquisition des équipements et du savoir-faire liés à la mission ASW - les hélicoptères NH90 devront embarquer à bord des spécialistes et être dotés du matériel adéquat (à la fois des consoles et des torpilles anti-sous-marines), qui reste à acquérir - fait que cette mission ne pourra être envisagée qu'à partir de 2025 environ, selon le lieutenant-colonel Roobroek. La Marine ne cache pour sa part pas son souhait de se concentrer - si le gouvernement issu des élections du 26 mai prochain l'accepte - sur l'aspect embarqué des tâches confiées au NH90.

Quitte, selon des sources informées, à privatiser la mission SAR pour laquelle plusieurs opérateurs privés, dont la société ostendaise Noordzee Helikopters Vlaanderen (NHV), se tiennent en embuscade, affirmant pouvoir l'assurer à une fraction du coût consenti par l'Etat pour cette mission considérée comme régalienne à gauche de l'éventail politique. Selon le commandant de la base de Coxyde, qui dépend du 1er wing de Beauvechain, la Défense doit entre-temps, pour pouvoir effectuer la mission ASW, former des "sensors operators" provenant de la Marine pour embarquer à bord des NH90, dans une enveloppe fermée de 150 heures de vol pour ses équipages.

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