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"Journée morte" des barreaux contre une réforme de la justice "illisible" et "inhumaine"

Une justice "déshumanisée" servant une "logique purement comptable": vent debout depuis des mois contre le projet de réforme de la justice, les avocats se mobilisent à nouveau jeudi dans toute la France, en plein examen du texte à l'Assemblée nationale.

Le texte porté par la garde des Sceaux Nicole Belloubet entend moderniser une institution à bout de souffle, avec des tribunaux engorgés et des prisons surpeuplées: elle se veut "globale et concrète", au service d'un citoyen qui attend de trop longs mois pour être jugé ou obtenir réparation.

Si l'adoption d'une loi de programmation, qui aura fait progresser le budget de la justice de 6,7 à 8,3 milliards entre 2017 et 2022, est bien accueillie sur le principe, les grands axes de la réforme, qui prône une révolution numérique et la "simplification des procédures" civile et pénale, sont vertement critiqués.

La fronde pourrait être attisée par l'annonce surprise de Mme Belloubet mercredi sur un sujet hautement sensible: la garde des Sceaux a, pour la première fois, fait part de sa volonté d'utiliser son projet de loi pour permettre une réforme par ordonnances de la justice des mineurs afin notamment de les "juger plus vite".

Premier syndicat de magistrats, l'USM a fait part de sa "consternation", ajoutant que la "nécessaire" refonte du droit des mineurs devait se faire dans la "concertation" et sans "occulter" le débat parlementaire.

À Grenoble, Bordeaux, Lyon, Dax, Grasse, Rouen, Dijon ou en Corrèze, les conseils de l'ordre ont voté la grève et demandé le renvoi de toutes les audiences. À Paris, aucune consultation gratuite d'avocats n'était assurée.

"Le gouvernement nous annonce une justice plus efficace, plus accessible, plus humaine. C'est faux", a déclaré le bâtonnier de Lyon Farid Hamel devant les présidents des juridictions locales.

À Dijon, une "grève illimitée totale" des avocats a été décidée, selon la bâtonnière Me Dominique Clémang.

Dans une lettre ouverte à la garde des Sceaux, le bâtonnier de Grasse Roland Rodriguez a parlé de futur "dynamitage du maillage territorial par simple décret".

"Ce n'est pas un réflexe corporatiste, on manifeste pour défendre l'accès au droit, l'accès au juge", argue Me Sophie Michaux, présidente de la section du syndicat des avocats de France à Nantes.

"Un texte avait été discuté, négocié avec la garde des Sceaux. Aujourd'hui, ce texte est détricoté à l'Assemblée nationale par des députés de la République en Marche, des parlementaires issus de la même majorité que la ministre", déplore le bâtonnier de Béziers Eric Guilhabert.

Les principaux syndicats de magistrats ont apporté leur soutien au mouvement.

Principaux griefs: la fusion des tribunaux d'instance (TI, rebaptisé "tribunal de proximité") et des tribunaux de grande instance (TGI) et une réforme pénale qui renforce encore les pouvoirs du procureur, au détriment du juge et des droits de la défense, selon avocats et magistrats.

- "Dévitalisation" -

L'expérimentation d'une spécialisation des cours d'appel, initialement prévue dans deux régions sur treize, a par ailleurs été étendue à cinq par amendement.

Les magistrats sont eux particulièrement préoccupés par le sort du juge d'instance, qui tranche les petits litiges civils du quotidien (dettes impayées, expulsions locatives, tutelles).

L'USM souligne que le siège, le ressort et les compétences du futur "tribunal de proximité" "seront fixés plus tard par décret de sorte que rien ne garantit le maintien de tous les sites actuels".

Pour les robes noires, le projet de loi aura pour conséquence la disparition pure et simple de l'avocat dans plusieurs procédures en privilégiant la médiation et les règlements à l'amiable, ou encore en développant la justice "en ligne".

"On va vous donner de l'argent et on vous évacue du procès. Mais la victime ne vient pas uniquement chercher de l'argent, elle vient chercher du temps, de l'écoute", a affirmé la bâtonnière de Dijon Me Dominique Clémang.

Autre sujet de mécontentement: l'expérimentation de tribunaux criminels départementaux, à mi-chemin entre tribunal correctionnel et cour d'assises. "C'est une étape vers la disparition des cours d'assises" et du jury populaire, a dénoncé Christian Saint-Palais, président de l'association des avocats pénalistes.

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