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"Des arbres meurent autour des antennes": la 5G effraie Denise, mais est-elle vraiment plus dangereuse que la 4G ?

La nouvelle génération de télécommunications mobiles existe déjà dans certaines parties du globe. Elle a pris du retard en Belgique, pour diverses raisons. Un retard qui ne dérange pas une partie de la population, dont notre témoin habitant le centre de Namur. Denise estime que la 5G est dangereuse. L'occasion de faire le point sur la situation et sur les conclusions scientifiques.

Vous avez forcément entendu parler de la 5G, la nouvelle génération de communication mobile qui est en cours de déploiement dans le monde entier.

Les promesses sont immenses de la part des acteurs du secteur, et dépassent la simple augmentation de vitesse de téléchargement d'une vidéo sur un smartphone. Villes intelligentes, voitures autonomes: la 5G va permettre le déploiement final de technologies ayant un impact concret sur notre vie quotidienne.

Bien entendu, comme toutes technologies de télécommunication, la 5G vient avec son lot de nouveau matériel d'émission d'ondes (elles sont utilisées pour faire transiter les paquets de données que représente l'internet mobile), souvent plus puissant que l'ancien.

Ce qui effraie une partie de la population. C'est le cas de Denise (nom d'emprunt car elle souhaite rester anonyme), une quinquagénaire qui habite dans le centre de Namur. "C'est pas bon du tout, la 5G", nous a-t-elle expliqué après avoir contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous.

Des camions dans sa rue

C'est en apercevant des camions de Proximus dans des rues de Namur que Denise a commencé à se poser des questions. "Ils faisaient des travaux depuis quelques jours, il y avait des camions et des panneaux Proximus. J'ai posé la question aux ouvriers et on m'a dit qu'ils posaient la fibre optique pour la 5G".

Interpellée, notre témoin veut en savoir plus, et appelle le service clientèle de Proximus. "La première personne a vraiment nié l'affaire. La deuxième m'a pris de haut, et a fini par dire que c'était comme ça, que la 5G arrivait".

Une arrivée qui ne plait pas à tout le monde

Comme la 4G à l'époque, et comme d'autres appareils émettant des ondes (mais le spectre est très large), la 5G effraie une partie de l'opinion publique. Denise fait partie de ceux qui préfèrent s'en passer. "La 5G, je n'en veux pas. On ne connait pas les répercussions mais je pense que ce n'est pas bon du tout pour la santé et l'environnement. J'ai même lu qu'en France, sur des kilomètres autour des antennes, les arbres meurent".

Cette affirmation, Denise l'a trouvée sur une page Facebook, nous dit-elle. Le plus grand réseau social au monde héberge hélas de nombreuses sources d'information très peu fiables. Soit parce qu'elles veulent faire le buzz et tenter de gagner de l'argent en provoquant le clic et le partage, soit – et c'est plus dangereux - parce qu'elles veulent diffuser de fausses informations dans le but de manipuler l'opinion publique.

L'information des arbres qui meurent est fausse, bien entendu. La 5G est testée depuis des années par les fabricants télécoms (Huawei et ZTE côté chinois, Nokia et Ericsson côté européen), et elle est déjà implantée solidement aux Etats-Unis et en Corée du Sud, par exemple. Aucun arbre n'est jamais mort après l'installation d'une antenne.

Déjà avec la 4G, il y avait des mamans qui faisaient signer des pétitions pour l'interdire

Des "picotements" dans les mains

Qu'importe, Denise s'est forgé une opinion. "De toute façon, ça fait quelques temps que ça me travaille. Déjà avec la 4G, il y avait des mamans, je me souviens, qui faisaient signer des pétitions pour l'interdire", nous explique celle qui, cependant, a un smartphone équipé de l'internet mobile, et donc de la 4G. "J'en souffre parfois, j'ai des lancements, des picotements dans les mains".

Denise se rend bien compte, cependant, "qu'il n'y a pas le choix, il faudra passer par la 5G, mais je n'aime pas être mise devant le fait accompli".

Soyons pragmatiques et analysons la situation…

Rappel: la 5G, une révolution plus qu'une évolution

De manière générale, la 5G utilisera des fréquences d'ondes plus hautes: plus de capacité et de puissance, mais moins de portée, pour faire simple. Il y aura donc toujours les grandes antennes (les mêmes que celles utilisées pour la 4G), mais également une multitude de small cells, donc des petits relais localisés pour couvrir les zones plus densément peuplées ou atteindre des zones plus isolées. Ces small cells utiliseront des ondes millimétriques.

La 5e génération de télécommunications mobiles promet:

Des débits largement supérieurs: potentiellement plusieurs gigabits (mais dans la pratique, sans doute 1 Gb, soit 1.000 Mb) par seconde, alors qu'on plafonne à une centaine de mégabits (Mb) par seconde avec la 4G. Une vitesse de téléchargement qui serait donc 10 fois plus rapide qu'auparavant.  

Une stabilité accrue des connexions car la gestion des pics d'utilisation (trop d'appareils connectés au même moment) sera nettement meilleure, et que des petites antennes 'relais' pourront être placées facilement là où c'est nécessaire.

Une absence de latence: c'est-à-dire que le temps que mettent les paquets de données à transiter dans un sens ou dans l'autre frôlera le 0 (contre quelques millisecondes avec la 4G).

Ces caractéristiques font de la 5G une révolution, car elle décuple le potentiel d'usages, bien au-delà de la 3G ou de la 4G qui se concentraient sur l'augmentation de la vitesse. Exemple: pour diminuer les accidents de la route entre voitures, il faudrait une communication constante et instantanée entre véhicules. Avec la 5G, contrairement à la 4G, le temps de latence est pratiquement nul, donc une voiture à l'arrêt sur autoroute (embouteillage, accident) transmet immédiatement son état aux voitures qui suivent, permettant des freinages d'urgence efficaces. De 500 mètres avec la 4G (latence plus importance), on passerait à 50 mètres avec la 5G, pour schématiser.

A côté de la voiture autonome qui va véritablement éclore grâce à la 5G, il y a le passage au "tout connecté" grâce à la grande polyvalence de la technologie 5G. Caméras de surveillance, capteurs, compteurs: tout pourra se connecter, à sa manière (donc avec petits ou grands besoins en capacité ou en vitesse), aux différentes antennes 5G.

Plus dangereuse, la 5G ?

Le grand problème des technologies modernes qui ont décuplé la quantité d'ondes présentes en permanence dans les maisons ou dans les villes, c'est qu'on manque de recul. Et que la science et la médecine ne peuvent pas, par définition, prouver l'inexistence de quelque chose. Pour dire les choses autrement: actuellement, aucun lien direct n'a été établi entre une exposition aux ondes de haute fréquence et des cancers (certains vont hurler au complot, mais ce sont les conclusions de l'OMS, l'organisation mondiale de la santé). Les scientifiques ont tout essayé mais rien n'y fait. Ce qui ne veut pas dire que cette augmentation des ondes est forcément inoffensive. Ça veut juste dire qu'il est impossible de prouver aujourd'hui un lien de cause à effet.

Le principe de précaution dirait: "On ne sait pas, donc soyons prudents". Pensez à la cigarette, ou à la combustion du charbon: Londres a été irrespirable pendant des années quand des usines alimentées au charbon bordaient le centre-ville, des milliers de gens en sont morts. On l'ignorait, on a dit 'oups' et on a déplacé les usines.

Mais ce principe de précaution se heurte au rouleau-compresseur qu'est le progrès technologique. Depuis la révolution industrielle du 19e siècle, le monde occidental veut sans cesse tout améliorer, principalement dans le but de modifier et relancer l'économie, de créer de la richesse. La 5G est donc là, quoi qu'en dise.

La question est donc: est-elle plus dangereuse pour la santé que la 4G ? La réponse est non. Nos confrères du journal Le Monde ont décodé le "5G Appeal", un appel au boycott signé par des scientifiques, souvent utilisé par les opposants à la 5G. Malhonnêtement, ce texte choisit les conclusions de certaines études (même si elles sont isolées en termes de résultats) afin d'appuyer son propos, allant jusqu'à dire que la dangerosité des ondes est déjà avérée, ce qui est faux.

Donc, oui, potentiellement, il pourrait y avoir plus d'ondes à cause de la 5G, mais tant que rien ne prouve qu'elles sont dangereuses, il est difficile de tirer la moindre conclusion. Les ondes électromagnétiques des télécommunications sont classées dans le groupe 2B du Centre International de Recherche sur le Cancer (de l'OMS), donc "peut-être cancérogène". Cela peut effrayer, mais rappelons qu'on trouve dans ce groupe l'Aloe Vera et les cornichons en bocal. Bref, on en sait rien mais comme on n'est pas sûr…

Parallèlement, il y des personnes dans le monde qui souffrent, d'une manière ou d'une autre, de l'exposition aux ondes. Il y a quelques années, nous avions interrogé une personne électrohypersensible, qui disait ressentir maux de tête mais aussi picotements à la moindre exposition, surtout aux ondes des antennes de téléphonie mobile. Des symptômes que la médecine tente d'objectiver depuis plusieurs années, sans y parvenir (lire ces conclusions françaises de 2019). Le cauchemar de ces personnes va continuer, voire même s'accroître, car certains médecins estiment que c'est le fait de savoir qu'on est exposé qui provoque les douleurs.

Pour résumer: il est faux de dire que les ondes (5G ou toutes autres formes, elles sont nombreuses) provoquent le cancer. Mais en revanche, il faut que la science continue de faire des recherches pour donner pleine confiance aux citoyens (on l'espère) ou au contraire, prouver certains risques (là, ça changerait beaucoup de choses…). Le Monde rassure par rapport à la 5G dans son décodage: "Plus une onde est élevée, plus elle sera transformée en énergie thermique, donc la 5G aura un peu plus de mal que la 4G à traverser votre épiderme".

Où en est le déploiement de la 5G en Belgique ?

Début janvier, nous nous sommes entretenus de manière informelle avec le responsable des infrastructures de Proximus. La 5G dans notre pays, ce n'est pas pour demain. Il y a un agenda pour 2020, cependant, qui débutera par un feu vert de l'Europe. Elle va prochainement donner une liste de critères à respecter pour choisir le fournisseur de matériel 5G.

La situation est délicate, car les Etats-Unis et d'autres pays ont choisi de boycotter les fabricants Huawei et ZTE, évoquant un espionnage potentiel du gouvernement chinois (sans pouvoir prouver quoi que ce soit). Au centre de cette guerre qui est donc davantage commerciale et géopolitique que sécuritaire, l'Europe ne sait pas encore sur quel pied danser.

De toute façon, d'après Proximus, quelle que soit la liste, il est certain que Huawei et ZTE feront en sorte de rentrer dans le cahier des charges de l'Europe. Viendra ensuite les normes d'émission locales (chaque région de notre pays est souveraine en la matière): quelques mois pourraient être perdus, comme avec la 4G il y a 10 ans.

Place ensuite au choix des fournisseurs, qui auront alors toutes les informations nécessaires pour avancer. Proximus laisse la porte ouverte à tous les fabricants, même si en tant qu'acteur majeur des télécoms en Belgique, il aurait bien envie de favoriser Huawei, le seul capable d'implémenter plus vite que les autres les technologies et améliorations de la 5G. Mais l'efficacité énergétique peut aussi rentrer en compte, et là c'est d'autres fournisseurs qui pourraient gagner l'enchère.

Donc dans notre pays, les opérateurs sont prêts, ont déjà mené des tests de matériel, et utiliseront les antennes existantes dans un premier temps. On parle donc d'un 'simple' remplacement des émetteurs et du matériel 4G par l'équivalent 5G. Quelques mois de travail, théoriquement. Bref, c'est sans doute en 2021 qu'on pourra en profiter. Vu le peu de smartphones compatibles actuellement, rien ne presse, cependant. Les fabricants de puces comme Qualcomm ou Huawei ont donc le temps pour améliorer les minuscules modems 5G intégrés aux téléphones…

Dans d'autres pays d'Europe, qui se soucient moins de ce que va exiger l'Europe, le déploiement a déjà partiellement commencé. La 5G est opérationnelle dans les grandes villes des Etats-Unis, de Chine et de Corée du Sud.

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