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La voiture de Sanae démolie pendant son sommeil à Molenbeek: que peut-elle espérer comme remboursement?

Sanae est en colère. Un conducteur peu délicat a embouti sa voiture il y a quelques jours à Molenbeek. Il a pris la fuite. Peut-elle espérer un geste de son assurance? Dans quels cas celle-ci intervient-elle? Lorsqu’aucun contrevenant n’a été identifié, le fonds commun de garantie automobile prend le relais, mais pas lorsqu’il y a uniquement des dégâts matériels. L’auteur d’un délit de fuite risque gros: jusqu’à plusieurs années de prison, avec de lourdes amendes.

Jeter un dernier coup d’œil par la fenêtre à sa voiture garée le long de la route, avant d’aller dormir. Se réveiller le lendemain, et la retrouver complètement amochée après avoir été emboutie par un conducteur peu délicat, qui a pris la fuite. Voilà une situation que personne n’espère avoir à vivre, car même s’il ne s’agit que de dégâts matériels, les conséquences d’un tel incident sont loin d’être agréables: des réparations coûteuses, des démarches administratives avec les assurances, et puis des ennuis dans l’organisation de la vie quotidienne. C’est pourtant un problème qu’a bien été obligée de connaitre Sanae.

Cette Molenbeekooise nous a envoyé il y a quelques jours un message via le bouton orange Alertez-nous. "Une voiture a enfoncé ma voiture durant la nuit", déplore-t-elle. "Ils ont pris la fuite et ont abandonné leur voiture plus loin. Je suis dégoûtée… La galère pour aller travailler ou pour déposer les enfants à l’école", soupire Sanae.

Si la voiture de notre alerteuse n’est pas entièrement accidentée, plusieurs réparations s’imposent. Tout le côté avant-gauche du véhicule a été défoncé: la portière, l’aile, l’enjoliveur de la roue, ou encore une partie du pare-chocs. Le conducteur en tort a pris la fuite et ne semble, jusqu’à présent, pas encore avoir été identifié.

Que faire dans un tel cas? Que peut espérer Sanae ?

L’octroi d’une intervention financière dépend de nombreux critères.

Avant toute chose, qu’est-ce qu’un délit de fuite?

"Le concept de délit de fuite est un concept de droit pénal", commence Wauthier Robyns, le porte-parole d’Assuralia. "Il consiste à ne pas rester sur place lorsqu’on a été impliqué dans un accident. Alors qu’on est supposé le faire: être à disposition des forces de l’ordre, ou encore se faire connaitre auprès des autres personnes impliquées dans l’accident."

Si vous vous retrouvez dans le cas du conducteur malheureux, il y a d’abord un réflexe tout simple à avoir. "Si on a subi des dommages dus à autrui, la première chose à faire c’est de porter plainte auprès de la police. C’est nécessaire pour vous, mais aussi pour elle. Avec cette plainte, elle pourra avoir une vue claire de la criminalité dans sa zone, y compris du phénomène de délit de fuite." 

On peut dire que le phénomène des délits de fuite prend de l’ampleur

Et les statistiques en la matière sont très impressionnantes. "De manière générale, on peut dire que le phénomène prend de l’ampleur", commente Benoit Godart, le porte-parole de l’institut Vias. Il a publié il y a quelques mois un rapport sur le nombre d’accidents corporels (avec morts et/ou blessés) avec délits de fuite pour l’année 2018. Il y en a eu 4.433, contre 4.199 l’année précédente. Il s’agit donc d’une augmentation de plus de 5%. "La proportion d’accidents avec des délits de fuite est en augmentation aussi par rapport au nombre total d’accidents." En 2018, cette proportion a été de 11,5%, contre 11% en 2017. Et si on prend du recul, cette proportion a fortement augmenté ces 10 dernières années: + 23%.

Et il y a aussi des chiffres pour ce qui est des accidents avec délit de fuite, n’ayant causé "que" des dégâts matériels. Ils sont eux aussi très élevés. "Il y en a eu, en 2017, pas moins de 71.640, selon Centrex, le centre de documentation de la police fédérale", ajoute Benoit Godard. Les données de 2018 n’ont pas encore été publiées.

Plusieurs cas de figure

A partir du moment où la plainte a été déposée, la police commencera son enquête. Deux grands cas de figure se présentent: soit elle retrouve le ou les auteur(s) des faits, soit elle ne le(s) retrouve pas... Et les conséquences pour le propriétaire du véhicule accidenté sont très différentes.

"Si on retrouve le propriétaire du véhicule et qu’il est avéré que c’est lui qui a commis la faute, l’entière responsabilité des faits lui incombe", assure Wauthier Robyns, d’Assuralia. C’est alors son assurance qui indemnisera l’automobiliste malheureux.

Mais parfois, on ne retrouve pas le contrevenant. Ainsi, il est possible que le propriétaire du véhicule en tort n’était pas au volant lors des faits, si, par exemple, sa voiture lui a été volée. Dans ce cas-là, ni son assurance, ni celle de la victime ne devront débourser d’argent.

Dès le moment où l’on ne retrouve pas l’auteur des faits, un autre mécanisme peut se mettre en place. "C’est le fonds commun de garantie automobile qui va intervenir."

Le fonds commun de garantie automobile, qu’est-ce que c’est?

Ce fonds permet d’indemniser les victimes, uniquement lorsque les coupables n’ont pas été retrouvés, à la suite d’un accident. Il intervient donc en lieu et place des compagnies d’assurance de ces derniers.

"Ce fonds, c’est un peu le bouche trou de la législation de l’assurance automobile, il prend en charge une série de cas où il n’y a pas de compagnie d’assurance qui peut assumer les frais", détaille Wauthier Robyns.

Tous ceux qui souscrivent une assurance cotisent en fait pour ce fonds. "Il est financé par l’ensemble des compagnies d’assurance, donc par ricochet à par l’ensemble des assurés. Une partie de la cotisation qu’ils versent à leur assureur est reversée au fonds commun."

Attention tout de même, le fonds n’interviendra pas pour des dommages uniquement matériels, lorsqu’il n’y a aucune preuve, aucune certitude, que ces dégâts ont été causés par un tiers. "Sinon, cela va ouvrir la porte à plein de dérives, à plein de remboursements. Par exemple, vous pourriez heurter un muret en reculant sur un parking, et venir dire que vous avez retrouvé votre voiture abîmée en revenant des courses, pour espérer avoir un remboursement du fonds commun. Et ça, ça ne va pas. C’est pour cela que le fonds n’intervient pas dans de pareils cas."

"Ils restent punissables"

Par contre lorsqu’il y a eu dégâts corporels, le fonds commun de garantie pourra bien verser une somme. Le porte-parole d’Assuralia prend un nouvel exemple, pour illustrer le cas. "Si un camionneur bouscule un cycliste à un feu rouge, qu’il ne s’en rend pas compte et qu’il s’en va, ça sera difficile de le retrouver, parce qu’on saura peut-être seulement dire que c’était un camion rouge, gris, etc. Dans ce cas-là, le fonds versera une indemnisation."

Et si finalement la police met plus tard la main sur les fautifs, le fonds fera en sorte de récupérer son argent. "De nombreux auteurs de délits de fuite sont par la suite identifiés, c’est donc normal qu’ils restent punissables. Et à ce moment-là, c’est leur compagnie d’assurance qui prendra en charge les dommages." Et si ces personnes sont en défaut d’assurance, le fonds les poursuivra en justice, pour pouvoir se faire rembourser.

Que-ce qui pousse le conducteur à commettre un délit de fuite?

Dans son étude, Vias a identifié trois grands facteurs. Le premier n’est autre que la conduite sous influence d’alcool, de drogues. L’automobiliste ne prend donc pas la décision la plus rationnelle, qui est celle de rester sur place, et s’enfuit. Il peut aussi agir de la sorte parce que ses documents ne sont pas en ordre. "Ou bien encore parce qu’il a des difficultés financières", ajoute Benoit Godard, le porte-parole de Vias. "Avec les difficultés financières que certains connaissent, le phénomène de la non-assurance a tendance à se développer un peu. Du coup, quand on emboutit une autre voiture, on ne s’arrête pas nécessairement."

Deuxième critère: la peur de l’image. Certains conducteurs ont peur pour leur réputation, et préfèrent fuir leurs responsabilités. Enfin, Vias pointe aussi l’absence de jugement moral, lorsque les contrevenants prennent presque le fait de fuir comme un jeu, un défi, et qu’ils ne tiennent pas compte des autres.
De ces constats, Vias a pu établir un profil-type, en se basant sur l’analyse du profil de 850 conducteurs ayant suivi un cours de sensibilisation après avoir commis un délit de fuite. La majorité de ces conducteurs (86%) sont des hommes. La moitié d’entre eux ont moins de 25 ans, 46% étaient sous l’influence de drogue ou d’alcool lors des faits.

L'omnium, seule solution pour être entièrement protégé

Les assurances proposent aujourd’hui de nombreuses formules, mais une seule vous protège entièrement en cas de dégâts matériels à votre véhicule: "L’omnium, l’assurance dégâts matériels, tout simplement", détaille Wauthier Robyns. "C’est la solution qui apporte le plus de tranquillité. On s’adresse à sa propre compagnie pour des dégâts matériels commis à son véhicule." Dans une grande majorité, les assurés font appel à leur assurance omnium pour des interventions suite à une collision, mais aussi, par exemple suite à des intempéries. "Tous ces cas, ce sont des risques qui ne sont pas couverts par l’assurance de responsabilité civile, qui elle vise les dommages causés à autrui. C’est donc à ça que sert l’omnium."

Si vous avez souscrit une omnium, votre assurance s’occupe de tout. Par exemple, elle gérera les démarches dans le cas où un autre conducteur doit être poursuivi. En gros, vous ne devez vous inquiéter de rien. "Par contre, si vous n’avez pas souscrit une omnium, l’intervention de votre assurance va dépendre de ce qu’on apprend sur les circonstances de l’accident." Et là, il s’agira plus de cas par cas.

Les piétons et cyclistes surreprésentés

Si notre alerteuse n’a pas d’omnium, elle n’aura donc pas d’autre choix que de sortir de sa poche l’argent nécessaire aux réparations de son véhicule. Fort heureusement pour elle, personne n’a été blessé. Car les chiffres en la matière présentés dans le rapport de Vias sont plus qu’interpellants. "Les cyclistes et les piétons sont respectivement impliqués dans 24 et 12% des accidents en général, mais dans 34 et 23% des accidents avec délit de fuite. Ils sont donc surreprésentés dans ce type d’accidents", peut-on lire dans ce rapport. "Plus de la moitié (54%) des usagers tués dans un accident avec délit de fuite sont des piétons et près d’1 usager sur 5 (18%) est un cycliste."

Quoiqu’il en soit, les contrevenants risquent gros. Les sanctions pour délit de fuite sont très sévères. "Il y a des sanctions pénales, et la peine tient compte de la conjonction d’irrégularités qui peuvent être constatées", explique Wauthier Robyns. "Plusieurs facteurs entrent en compte. Cela dépend des cas, mais aussi du parquet qui traite l’affaire."

De manière générale, si l’accident a fait des blessés, la peine de prison peut varier de 15 jours à 3 ans. Le fautif pourrait également débourser 3.200 à 40.000 euros d’amende et se voir retirer son permis de conduire pour 3 mois, 5 ans, ou définitivement. Et si l’accident a entraîné la mort, la peine d’emprisonnement peut grimper jusqu’à 4 ans. Le coupable pourra seulement reprendre le volant après avoir repassé le permis (pratique et théorique) et après avoir subi un examen psychologique.

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