Partager:
Il faut arrêter l’hémorragie. Ces dernières années, mon cœur de fan de foot ne cesse de saigner, avec les retraites de monuments de notre génération. Tous m’ont ému. Mais s’il y en avait un que je n’imaginais jamais partir, dans mon déni total, c’est Eden Hazard.
Le football, c’est simple, vous savez. Il suffit d’avoir 22 joueurs, 11 dans chaque camp, pour faire un match. Mais pour que le match soit inoubliable, il faut un artiste. Un chef d’orchestre. Un virtuose. Comme un musicien, Eden Hazard nous a sorti ses meilleures partitions pendant 16 ans. Si je voulais être un peu vanneur, je dirais 12 ans, en oubliant un passage au Real Madrid qui ressemble plus à un épisode de Ghost Buster qu’à autre chose.
Mais là n’est pas la question. Comment résumer un mec pareil ? Parce qu’on ne peut pas parler d’Eden Hazard comme d’un joueur classique. Ce serait manquer de lucidité, ce serait nier ce qu’il a apporté. Eden Hazard, c’est de l’art. C’est la pièce phare du musée, celle pour laquelle tu paies ta place. C’est l’inspiration, c’est le génie, c’est l’imprévu, c’est l’impossible en apparence, devenu possible en fulgurance. C’est cette impression que tu peux faire ce que tu veux, tu n’arriveras pas à le faire mieux que lui. C’est la magie, les yeux grands ouverts et le sourire aux lèvres.
C’est la simplicité poussée. C’est l’anti-foot système. Eden Hazard, c’est manger un burger et le dépenser dans la foulée en sortant trois roulettes, 8 petits ponts, une passe décisive et deux buts 90 minutes plus tard. Eden Hazard, c’est un malade. C’est un fou. C’est un code de triche dans la vraie vie. C’est le joueur qui fait rêver, celui qui fait naître des vocations et des passions. C’est celui qui soulève un stade à la simple prononciation de son nom.
On ne pourra jamais oublier. Et ceux qui, aujourd’hui, ont profité de ses difficultés pour dépeindre une image nauséabonde à gros coup de messages de haine n’ont rien compris à ce qu’il a fait. Parce qu’Eden Hazard, c’est la Belgique qu’on aime. Pas de prise de tête. Pas de déstabilisation, parce que pour se chambrer, il est meilleur que nous tous réunis. Et on est beaucoup, pourtant.
Je ne sais même pas par où commencer pour décrire ce que ce joueur m’a procuré. Pendant des années, il a donné l’impression d’être un extraterrestre, venu sur Terre pour nous montrer comment le football se jouait. Tout était trop rapide, trop juste, trop précis. On ne saura jamais ce qu’il serait devenu avec un rien plus d’abnégation et de « professionnalisme », mais on s’en fout, là n’est pas la question. Il a pris quelques repas à la table de Messi et Ronaldo, en demi-pension. Et il n’était pas serveur, il était convive.
Peu peuvent s’en vanter. Il a inspiré des joueurs, des enfants, des fans. Il a gagné le respect des plus grands. Eden Hazard, c’est le nom qu’on sortira, quand on sera vieux et que les jeunes nous diront ‘waw, lui c’est le meilleur joueur de l’histoire du football belge’ à propos d’un joueur qu’on ne connaît pas encore. Du haut de notre vieillesse, on leur sortira une photo d’Hazard pour leur raconter son histoire. C’est la définition même de l’héritage. C’est notre petit génie à nous, notre icône, notre porte-drapeau éternel.
Eden Hazard est la définition même du frisson qui parcourt ton corps. Vous vous souvenez, sa Coupe du Monde en 2018 ? Chaque fois qu’il avait le ballon, on se levait. Un réflexe. Comme si ton cerveau était conditionné : Eden Hazard + ballon = frisson. C’est fou, quand on y pense. Le monde du football n’était peut-être pas fait pour lui. Le sport, par contre, l’était. Et il nous l’a tellement bien rendu.
Après ces doux et délicieux services, Eden Hazard a décidé de raccrocher. Il ne nous doit plus rien, mais le football belge lui doit beaucoup. Un génie s’est retiré, le rideau s’est fermé. Et nous, comme quand on sort d’un bon film, on se dit qu’on irait bien le revoir une dernière fois. Merci, l’artiste. Pour tout. Vous aurez remarqué que j’ai écrit ce texte au présent, pas au passé. Parce qu’une légende s’en va, mais elle ne disparaît jamais.
