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Atteint d’une tumeur gastro-intestinale rare, le navigateur Charlie Dalin a remporté le Vendée Globe en janvier dernier, tout en menant un combat discret contre la maladie. Il raconte son incroyable traversée dans un livre à paraître.
Quand Charlie Dalin franchit, souriant mais visiblement éprouvé, la ligne d’arrivée du Vendée Globe le 14 janvier dernier, rien ne laisse deviner qu’il vient d’accomplir bien plus qu’un simple exploit sportif. Derrière cette victoire historique, avec un record pulvérisé de près de dix jours (64 jours en mer), se cache une lutte intime et silencieuse contre une rare tumeur gastro-intestinale.
Le navigateur français de 40 ans dévoile aujourd’hui les coulisses de cette traversée hors norme dans un livre intitulé La Force du Destin, publié ce jeudi.
« J’ai eu l’impression de me prendre un bus »
C’est à l’automne 2023, alors qu’il s’apprête à prendre le départ de la Transat Jacques Vabre, que Charlie Dalin apprend qu’il est atteint d’une tumeur stromale gastro-intestinale (GIST) de 15 centimètres. « J’ai eu l’impression de me prendre un bus », confie-t-il. À ce moment-là, le marin ne pense plus à la compétition, mais à sa famille, à sa femme, à son fils : « Je me demande si je vais vivre, si je vais voir mes 40 ans. »
Il renonce à la course et entame un traitement d’immunothérapie à l’Institut Gustave-Roussy. Le protocole fonctionne. Un professeur le rassure même sur son projet de Vendée Globe : « Pour moi, le Vendée, ça peut le faire. » Une phrase qui redonne espoir au skipper.
Repartir, coûte que coûte
Porté par le soutien des quelques proches qui connaissent sa situation, Charlie Dalin se remet à l’entraînement avec un objectif : prendre le départ du Vendée Globe pour la deuxième fois. En avril 2024, il teste ses capacités en compétition. « J’étais très fatigué, je doutais : était-ce le traitement, la tumeur, le manque d’entraînement ? » Il s’adapte, fait du sommeil sa priorité, et remporte la course avec 17 heures d’avance.
Tu n’as pas le temps de t’occuper de ça
Le 10 novembre 2024, il quitte le ponton des Sables-d’Olonne pour son second tour du monde. Un scanner récent montre que la tumeur « n’a pas évolué ». À bord, il emporte son traitement. « J’étais déterminé, mais détendu. La maladie m’a fait relativiser. Pouvoir m’élancer, c’était déjà une victoire. »
« Chaque moment libre servait à dormir »
Une fois en mer, Dalin applique une discipline de fer : sommeil optimisé, alimentation pensée pour la récupération, intérieur du bateau adapté. « Chaque moment libre, je l’utilisais pour dormir », explique-t-il. Il passe Bonne-Espérance en tête, mais l’océan Indien lui réserve un défi de taille : une tempête monstrueuse que tous contournent, sauf lui.
« Décision compliquée », admet-il. Mais pas liée à la maladie : « Avoir déjà fait le Vendée m’a aidé à démystifier les mers du Sud. » Seul son ami Yoann Richomme réussit à suivre le rythme. Pendant cette course infernale, les douleurs au ventre reviennent parfois, mais Dalin s’efforce de les ignorer : « Je me suis juste dit : tu n’as pas le temps de t’occuper de ça. »
Une victoire, deux combats
À l’arrivée, le 14 janvier, Dalin savoure en silence. Il hésite à parler de sa maladie lors de la conférence de presse, puis renonce : « Je voulais juste profiter. Je crois aussi que je n’étais pas prêt. » Il sait déjà que la tumeur a « un peu progressé ». Il sera opéré en février, un mois après son triomphe.
Je vois ça comme une double victoire
« Je suis passé de l’apogée de ma carrière à un moment très difficile, très douloureux. Je venais de faire un tour du monde et un mois plus tard mon objectif était de réussir à faire le tour du service » , confie-t-il.
Près d’un an plus tard, alors qu’il combat toujours la maladie, le skipper normand a encore du mal à réaliser : « C’est sûr que ça compliquait un peu la tâche d’avoir cet intrus à bord. Aujourd’hui je vois ça comme une double victoire, sur la course et surtout sur tout ce qui m’est arrivé ».


















