Accueil Actu Belgique Faits divers

Procès des attentats de Bruxelles: le décès de son frère est un "moment crucial" dans le radicalisme d'Abrini, selon son avocate

La mort de son frère Soulaimane, tué d'une balle dans la tête en Syrie, est un "moment crucial dans l'engagement radical" de Mohamed Abrini, a expliqué jeudi matin l'avocate de ce dernier, Me Laura Pinilla, devant la cour d'assises de Bruxelles. Le décrochage scolaire, la "réalité de quartier", la prison et la mort d'un proche sont les facteurs qui permettent de comprendre pourquoi le Belgo-marocain en est arrivé à intégrer la cellule terroriste responsable des attentats du 22 mars 2016, a exposé la pénaliste.

Me Pinilla a entrepris, dans sa plaidoirie, de déconstruire le "mythe de l'homme au chapeau", cette histoire qui permet à chacun de se différencier de Mohamed Abrini, selon elle. L'avocate a tenté de démontrer que son client est "un homme banal" qui a commis des actes "qui, eux, ne le seront jamais".  

Celle-ci a ramené le jury d'assises à la naissance de Mohamed Abrini en décembre 1984 à Berchem-Sainte-Agathe, puis à son enfance et son adolescence à Molenbeek-Saint-Jean dans un quartier défavorisé "que la majorité des gens ici ne connaissent pas", a-t-elle dit. Ce quartier où des rapports de loyauté se créent. "Ce n'est pas un hasard si l'on retrouve dans ce dossier des fratries et des copains d'enfance", a fait remarquer l'avocate.  

Abrini a connu, à l'école secondaire, un décrochage scolaire, la violence et ensuite la délinquance. "Jusque-là, c'est le parcours de centaines de jeunes", a poursuivi l'avocate. Vient alors ce qu'elle qualifie de "catalyseur" et de "moment crucial" dans le radicalisme d'Abrini : le départ en Syrie de son petit frère Soulaimane, dont il était très proche, mais surtout, rapidement après, le décès de celui-ci, tué d'une balle dans la tête au combat.  

"Il est dans une incompréhension totale. Il est en prison et ne sait pas ce qu'il se passe ni en Syrie ni dans le quartier. Pourquoi partent-ils tous ? Il a un sentiment de colère et d'impuissance. La machine infernale commence alors à se mettre en route. Il va chercher des informations. Où ? En prison. Il visionne des vidéos montrant la mort de civils en Syrie. Naît alors ce besoin d'agir. Ça devient une question d'honneur. Le discours djihadiste a trouvé son parfait interlocuteur", a exposé Me Pinilla.  

Mohamed Abrini est ensuite allé en Syrie avec l'espoir de ramener la dépouille de son frère, en vain. Il est revenu peu de temps après en Belgique et a fait partie du commando armé parti à Paris le 13 novembre 2015. Commence alors, selon son conseil, un "processus de désenchantement" dans la tête de Mohamed Abrini. La pénaliste a choisi la métaphore d'un vase qui se fissure lorsque son client a renoncé à se faire exploser à Paris, puis celle d'un vase qu'on tente de re-consolider lorsque l'homme s'est laissé convaincre à rester ensuite dans les caches de la cellule à Bruxelles, et enfin celle du vase qui finit par se briser lorsqu'il a renoncé une seconde fois à se faire exploser à l'aéroport de Zaventem.   La pénaliste a alors prêté sa voix à "celui que l'on refuse d'entendre depuis sept ans". Ainsi, en pénétrant dans l'aéroport, Mohamed Abrini a eu un "sursaut de vie", après plus de quatre mois à passer de cache en cache. "Je vois des mères, des femmes, des enfants, c'est pas possible en fait... Je ne peux pas faire ça, je ne peux pas tuer ces gens et je ne peux pas mourir en tuant ces gens".  

"Cela ne l'exonère pas", a nuancé Me Pinilla. "Si c'était le cas, j'aurais plaidé l'acquittement, mais Mohamed Abrini ne voulait pas la mort de ces gens, de la même manière qu'il ne voulait pas celle des victimes de Paris, de la même manière qu'il ne voulait pas la sienne."  

L'avocate a ensuite déroulé plusieurs arguments qui montrent que "tout dans son comportement est la preuve de son désaveu" et que, contrairement à ce que soutient l'accusation, il n'était pas déterminé à commettre ces attentats. Ainsi, sur les images des caméras de l'aéroport, il se tient constamment à l'écart (des deux autres kamikazes), il n'a pas d'arme, il ne regarde jamais son téléphone (censé être utilisé pour coordonner les attaques), il pousse le chariot près d'un mur et s'enfuit. Lors de son arrestation, il ne montre par ailleurs aucune résistance. "Sa vérité transparait partout dans le dossier", souligne-t-elle.  

Enfin, l'avocate a conclu sa plaidoirie en indiquant que son client souhaitait écrire un livre pour les jeunes de son quartier. "Afin que ce qui m'est arrivé ne leur arrive pas et pour que de tels actes ne se reproduisent pas. Peut-être serait-ce une façon pour moi d'apporter ma pierre à l'édifice", l'a-t-elle cité.

 

Contenus sponsorisés

À la une

Les plus lus