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Médecins légistes, traducteurs ou experts automobiles : la justice peine à rémunérer ces spécialistes indispensables aux enquêtes, faute de budget. Une situation qui pourrait paralyser certaines affaires.
La justice est confrontée à une pénurie croissante d'experts, faute de moyens financiers.
Les traducteurs jurés, médecins légistes et autres spécialistes se détournent progressivement des dossiers judiciaires, car depuis novembre, l'enveloppe budgétaire destinée à leur rémunération est épuisée.
Un exemple frappant : le procès autour de la messagerie cryptée Sky ECC, qui a mobilisé plus de 120 prévenus et nécessité des investigations colossales.
"Les experts comme les traducteurs jurés ne sont plus payés parce qu'il n'y a plus d'argent au niveau des frais de justice", explique Thierry Mansvelt, expert judiciaire en informatique. "Il n'y a qu'un budget variable et ajustable : les frais de justice. Les autres ne le sont pas".
Des experts indispensables mais découragés
Psychologues, médecins légistes, experts automobiles : ces spécialistes fournissent des rapports essentiels pour faire avancer les enquêtes et résoudre des affaires complexes.
Pourtant, sans paiement dans les délais, beaucoup risquent de ne plus prioriser les dossiers judiciaires.
Les conclusions des experts sont fondamentales
Pour Henri Laquay, avocat spécialisé en droit pénal, la situation est critique : "Les conclusions de l'expert judiciaire sont fondamentales pour la solution d'un litige. Il serait donc impensable de ne plus pouvoir faire appel aux experts judiciaires, ce qui bloquerait nombre d'affaires en cours".
Un budget promis pour 2025
Face à l'urgence, des mesures commencent à être prises. Le SPF Justice a annoncé avoir débloqué 10 millions d'euros pour résorber les retards de paiement accumulés. Cette enveloppe vise à apaiser une situation qui, selon certains experts, reste fragile.
Thierry Mansvelt s'interroge toutefois sur l'équité du système : "Pourquoi c'est toujours nous qui devons payer les frais d'un manque de financement ? Pourquoi ne pas faire une alternance avec les magistrats ? Un mois c'est eux, un mois c'est nous. Il y aurait une juste répartition."
Un nouveau budget sera disponible en 2025 pour assurer la rémunération des travaux des experts judiciaires.