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La Justice n’a tellement plus de moyens que des avocats doivent se transformer bénévolement en juges

Par Charlotte Simonart, Benjamin Samyn, Xavier Preyat et Charline Peeters
C’était la rentrée judiciaire ce 1er septembre. L’occasion pour tous les acteurs de notre système judiciaire de transmettre leurs revendications au gouvernement De Wever. Et si les gouvernements se succèdent, ces revendications, elles, restent les mêmes : un manque criant de moyens et de personnel.

La justice belge, « si elle n’est pas déjà en faillite, elle est en phase de l’être », résume la procureure générale de la Cour d’appel de Mons, Ingrid Godart. Alors que son institution fêtait aujourd’hui ses 50 ans en présence de la ministre de la Justice Annelies Verlinden, elle a rappelé à celle-ci que « nous sommes dans une situation particulièrement obérée (en faillite potentielle, NDLR) qui est absolument irrespectueuse pour les représentants que nous sommes. Et quand je dis ‘nous sommes’, il y a les magistrats bien sûr, mais il y a l’ensemble des membres du personnel judiciaire. »

Le premier président de la Cour d’appel de Mons, Philippe Morandini, dit espérer que ses demandes ont été entendues : « Le nœud de la guerre, c’est qu’au niveau financier, nous avons besoin d’avoir un effectif complet. Nous attendons les moyens à ce niveau-là, on nous les promet, donc ça devrait pour le futur être rencontré. »

Des avocats pour remédier au manque de juges

Même son de cloche à Bruxelles, où on remédie au manque de juges en sollicitant les avocats… bénévolement ! « Nous sommes très régulièrement sollicités, l’ensemble des juges suppléants au tribunal de première instance. Et il m’arrive certainement au moins une fois par mois de siéger dans une chambre à trois juges », révèle Yves Oschinsky, qui est avocat au barreau de Bruxelles.

Ces avocats en tirent tout de même quelques bénéfices, ce qui explique leur participation au système, selon Me Oschinsky : « Le métier d’avocat, c’est de convaincre des magistrats. Alors pour un avocat, c’est extrêmement intéressant d’être du côté du siège et de délibérer avec d’autres magistrats. On voit exactement comment ça se passe. »

« On a toujours fait appel à des avocats pour assister des magistrats », explique Denis Goeman, juge au tribunal correctionnel de Bruxelles. « Maintenant, effectivement, ça se passe de manière beaucoup plus fréquente, notamment lorsqu’il y a des sièges à trois juges, qui sont nécessaires de par la loi. Je pense aux affaires de mœurs ou aux affaires de tentatives d’assassinats. »

Une solution au départ temporaire qui est devenue au fil des années indispensable pour empêcher le système judiciaire de couler totalement, mais pas de résorber son retard.

Résultat du manque de juges : 15 000 dossiers sont en attente à la Cour d’appel de Bruxelles et des justiciables patientent plus de sept ans avant de voir leur affaire clôturée.

Un investissement du gouvernement qui ne sera pas suffisant

Que répond la ministre de la Justice à cela ? « Il y a des plans au niveau de la justice pour investir dans des tribunaux de la famille, de la jeunesse, pour engager des magistrats et du personnel », confirme Annelies Verlinden. « Mais il y aura également du travail à faire dans la société pour avoir des idées de plans holistiques (qui s’intéressent à la globalité du phénomène, NDLR). C’est aussi un phénomène sociétal et donc la justice seule ne peut pas donner des réponses globales ou complètes et donc il faut aussi investir dans l’éducation, la formation, la prévention, également la problématique des drogues est très présente. Et donc il faut investir ensemble avec les collègues car la justice est à la fin de la chaîne et il faut donc aussi investir dans la prévention », a-t-elle nuancé.

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