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« Cela va être très dur » : Dina sera bientôt exclue du chômage, combien de personnes de plus de 55 ans sont concernées par cette mesure ?

Par RTL info avec Corentin Simon et Guillaume Wils
À deux jours de la grande manifestation prévue à Bruxelles pour contester les mesures du fédéral liées à l’emploi, nous abordons à nouveau la réforme du chômage. Les 55 ans et plus pensaient qu’ils n’allaient pas être impactés. La mesure prévoit une exception pour eux. Mais les conditions à respecter font que plus de la moitié… sera quand même exclue. Combien de personnes sont concernées ? Fallait-il davantage protéger les 55 ans et plus, dont l’âge rend la recherche d’emploi plus difficile ?

Quelques heures par semaine, Dina enfile son uniforme de gardienne de la paix. Un emploi qui lui apporte un complément de 100 à 200 euros à ses allocations mensuelles de 700 euros. « On est sociable avec tout le monde et il y a beaucoup de gens qui nous apprécient à notre juste valeur », confie cette femme de 57 ans.

Je ne sais pas comment est-ce qu’on va faire pour joindre les deux bouts

Cette somme lui permet de faire face aux dépenses courantes, bien qu’elle se dise déjà dans une situation financière tendue. Or, Dina va perdre cette allocation de chômage dès le mois de janvier. Elle a reçu la lettre envoyée aux exclus. Élevant seule ses quatre enfants, elle accuse un manque de qualifications qui rend difficile sa réintégration sur le marché de l’emploi. Et Dina craint de se retrouver dans la pauvreté. « Je ne sais pas comment est-ce qu’on va faire pour joindre les deux bouts, ça va être très dur. Je pensais qu’ils allaient quand même avoir un peu de compassion pour les gens de plus de 55 ans », confie Dina.

La réforme des allocations de chômage prévoit effectivement une exception pour les plus de 55 ans. « Pour les personnes qui ont plus de 55 ans, le chômage pourra rester indéfini dans le temps. Cependant, pour en bénéficier, il faut quand même avoir une carrière de 30 ans de travail », souligne David Clarinval, ministre de l’Emploi et de l’Économie.

Et cette exigence évoluera au fil des années : à partir de 2030, ce seuil passera à 35 ans de carrière. Une situation qui bouleverse des milliers de personnes ayant mal saisi ou sous-estimé les implications de ces nouvelles règles au moment où elles s’apprêtent à en ressentir les effets. Dina fait partie de cette catégorie et regrette un manque de clarté et de compréhension dans les informations reçues.

54 % ne remplissent pas les conditions

Cette condition fait toute la différence. Actuellement, près de 70.000 (68.628) personnes de plus de 55 ans sont au chômage, d’après les chiffres de l’ONEM (Office national de l’emploi). 54 % d’entre eux ne remplissent pas les conditions. Soit 37.000 personnes de cette catégorie d’âge qui seront bel et bien exclues.

« Les personnes qui n’ont pas les 30 ans recevront une lettre de l’ONEM pour les informer de la date à laquelle leurs allocations s’achèveront. Et les personnes qui ont atteint les 30 ans de passé professionnel ne seront pas contactées. Et donc, elles continueront à bénéficier des allocations », explique Daniel Boulot, porte-parole de l’ONEM.

C’est l’incertitude qui est très pénible

Dans les antennes d’Actiris à Bruxelles, Michèle vient spontanément à notre rencontre. À 55 ans, elle est au chômage depuis quelques semaines et n’est pas certaine d’entrer dans les conditions. « Aujourd’hui, est-ce que je vais rentrer avec 29 ans et 6 mois ou 30 ans et 6 mois, je ne sais pas. Donc, c’est l’incertitude qui est très pénible. Ce qui veut dire que je vais continuer à chercher du travail et que j’espère bien en trouver », assure-t-elle.

Mais Michèle sait que son âge est un problème. Perdre son droit au chômage est une épreuve. Mais lorsqu’on a plus de 55 ans, c’est sans doute encore plus difficile. « On sait que l’âge est un facteur discriminant. Donc, il y a des craintes au niveau du monde de l’entreprise sur la capacité de ces personnes à être aussi performantes, aussi flexibles que des personnes plus jeunes qu’elles », souligne Stéphane Laloux, directeur stratégique d’Actiris.

Une autre témoin, qui veut rester anonyme, a 56 ans. Elle a travaillé dans le secteur de la petite enfance et cherche un emploi depuis plusieurs années. Elle sera exclue du chômage. « Je suis allée partout où il fallait aller, les formations, dans les métiers en pénurie. J’ai fait tout ça et je vais me retrouver dans la précarité alors que je n’ai pas cherché ça. Il faut connaître la réalité des gens. C’est un peu facile de faire des généralités », estime cette femme.

Cette réalité pose une question. Fallait-il davantage protéger les plus anciens ? « On prend cette mesure-là pour forcer les gens, inciter en tout cas les gens à retravailler. Or, les personnes qui ont 55 ans et plus sont les plus difficilement réinsérables sur le marché de l’emploi », assure Thierry Bodson, président de la FGTB.

On m’a dit clairement, je suis trop vieux

S’ils sont ciblés, c’est aussi pour augmenter le taux d’emploi. Pour les 55 ans et plus, la situation s’est nettement améliorée. Il est passé de 26 % en 2000 à 62 % aujourd’hui. Selon un économiste, cette mesure pourrait avoir un impact. « Il y avait cette idée qu’après 55 ans, on pouvait être chômeur, âgé, sans obligation de recherche d’emploi. Oui, ça aura un impact forcément. Contraindre les gens, ça s’est déjà vu pour les reports des âges d’accès à la pension anticipée ou des prépensions. Tout ça a effectivement remonté les taux d’emploi », indique Jean Hindriks, professeur d’économie à l’UCL.

Encore faut-il trouver un emploi. Dans une cellule de reconversion à Châtelet, des anciens d’Audi Forest sont présents. David, 50 ans, 28 ans de carrière. Il cherche du boulot depuis 6 mois. « On m’a dit clairement, je suis trop vieux. Vous êtes trop vieux, on cherche un jeune », déplore-t-il. S’il ne trouve pas d’ici 2 ans, il sera exclu du chômage. « Les gens qui ont profité du système pendant 20 ans, qu’on les écarte. Les gens qui ont travaillé pendant 30 ans et cotisé pour des gens, c’est quelque chose qui n’est pas acceptable », estime David.

Les plus de 55 ans sont pessimistes

Une enquête d’une entreprise de ressources humaines montre que les plus de 55 ans sont pessimistes. 70 % considèrent qu’il sera difficile de retrouver un travail parce qu’on les imagine toujours plus lents, fatigués et dépassés. « Ces clichés existent encore », assure François Lombard, consultant RH chez SD Work. Pourtant, les plus âgés présentent un atout très intéressant pour les employeurs, la fidélité. Une qualité qui, aujourd’hui, a tendance à disparaître.

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