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Notre équipe s'est rendue au fort de Breendonk, un lieu de sinistre mémoire. Entre septembre 1940 et août 1944, les SS y enferment 3.600 personnes d'une vingtaine de nationalités différentes. Nous avons recueilli le témoignage poignant de Myriam Spira, fille d'un déporté qui retournait dans cette anti-chambre de la mort.
Myriam, fille de Joseph Spira, déporté à Auschwitz et l'historien Olivier van der Wildt, retournent dans le passé. Dès fin 1940, les SS transforment le fort de Breendonk en camp de prisonniers. Juifs, tsiganes, résistants, tous arrivent par ce tunnel sans connaître leur sort. Myriam se rend devant ce mur qui n'a pas changé depuis 80 ans: "Je vais faire une photo si c'est possible parce que là, c'est vraiment un lieu, je vais dire, assez émouvant."
Le 30 juillet 1942, Joseph et ses proches sont arrêtés à la gare du Midi alors qu'ils tentent d'obtenir de faux documents. "Il est là, c'est Joseph, son frère Maurice et deux de ses sœurs, Paulette et Berthe. Ils étaient à quatre, voilà. Ils sont arrivés tous les quatre ici à Breendonk", raconte Myriam.
Toute son enfance, elle vit avec cette anecdote racontée par son père, survivant des camps d'extermination nazis:
"Ils étaient alignés tout le long de ce mur et il y avait un SS belge, flamand. Il circulait en faisant claquer ses bottes derrière les gens et puis il faisait bouger son briquet. Au frictionnement de son briquet, l'un ou l'autre machinalement se retournait. À ce moment-là, il les écrasait de la manière contre le mur et la personne était ensanglantée, sanguinolente. C'est ce que mon père a raconté ici de Breendonk. Il a dit que c'était un avant-goût de l'horreur qui allait être encore bien pire à Auschwitz."
Olivier van der Wilt fait découvrir à Myriam l'histoire de ce lieu de sinistre mémoire, principal camp de transit de la police politique des SS: "À l'origine, on arrête des détenus juifs au début de la guerre. On arrête évidemment des socialistes, des communistes, tous les ennemis du régime. Il faut imaginer que le détenu dort sur cette planche. On relève la planche pendant la journée et donc le détenu est prié de rester debout toute la journée au milieu de sa cellule sans bouger."
Les prisonniers restent trois mois en moyenne avant d'être déportés. La cruauté physique est omniprésente. "Les détenus étaient dénudés, attachés les mains dans le dos et on les pendait, on les hissait au plafond. Parfois, on les laissait retomber sur les coins. Donc voilà, il faut imaginer l'horreur que ces gens ont vécu ici, évidemment", ajoute Olivier van der Wilt.
L'historien emmène Myriam à l'arrière du fort de Breendonk où se trouvent les poteaux d'exécution: "Ce sont les otages qui sont exécutés le long des poteaux. Donc, au total de la guerre, environ 165 personnes seront fusillées."
Durant cette période, 2.800 personnes sont déportées. Elles s'entassent dans des wagons à marchandises. La famille Spira fait partie du convoi 17 qui prend la direction d'Auschwitz le 1er novembre 1942.
"Et c'est là que son beau-frère Maurice est parti directement vers les chambres à gaz, qu'il a été séparé de ses trois sœurs et que lui et son frère ont été dans la bonne file", raconte Myriam.
Joseph survivra grâce à ses talents de violoniste. Et s'échappera lors de l'évacuation des camps d'Auschwitz-Birkenau. Quelques mois plus tôt, le 31 août 1944, les nazis évacuent le fort de Breendonk. Aujourd'hui, il reste le témoin de cette barbarie.