Partager:
Chaque jour en Belgique, 30 arrêts cardiaques surviennent en dehors des hôpitaux. En cas de malaise, chaque seconde est cruciale. Selon la Croix-Rouge, 4 belges sur 10 ont déjà été confrontés à une situation d'urgence. Un problème de santé dont l'issue est parfois dramatique, à cause, d'un manque de connaissances.
Arnaud, un jeune homme ayant survécu à un arrêt cardiaque survenu lors d'un match de football, illustre la nécessité d'une intervention rapide et maîtrisée. L'incident s'est déroulé à la 60e minute du match, lorsqu'Arnaud s'est soudainement écroulé. "Je suis tombé sur le terrain, la tête la première dans la boue... Je suis devenu tout blanc, tout mauve," témoigne-t-il. Pendant six longues minutes, son cœur s'est arrêté. Heureusement, deux de ses adversaires formés aux premiers secours se sont précipités pour lui porter secours, utilisant rapidement un défibrillateur placé à proximité. Grâce à leur intervention, le cœur d'Arnaud a été relancé et il a pu reprendre une vie normale. "J'ai ma petite qui est là, qui a bientôt deux ans," confie-t-il avec émotion, conscient de la chance qu'il a eue. Ce témoignage met en lumière un élément crucial : la disponibilité d'un défibrillateur et la compétence des secouristes peuvent décidément sauver des vies.
Albert, président de club sportif, témoigne des bénéfices de ces actions préventives ainsi que de la présence d'un défibrilateur : "Je m'étais toujours dit qu'on n'aurait jamais besoin de ça, mais je pense que ça aurait été une catastrophe, j'en suis persuadé."
Seuls 25% des Belges comptent se former
Ulysse, l'un des sauveteurs d'Arnaud, n'a pas hésité à utiliser le défibrillateur : "Je suis prof d'éducation physique... J'ai eu cette formation grâce au BSSA, brevet supérieur de sauvetage aquatique." Passionné et engagé, Ulysse continue de suivre des recyclages réguliers pour maintenir ses compétences. Mais son cas reste une exception en comparaison avec la situation générale en Belgique. En effet, un sondage de la Croix-Rouge révèle que seuls 25 % des Belges envisagent de se former aux gestes de premiers secours, un chiffre bien inférieur aux attentes, surtout lorsque l'on sait que chaque minute sans réanimation réduit les chances de survie de 10 à 12 %. Ce constat est d'autant plus préoccupant que la Belgique compte pas moins de 19.000 défibrillateurs automatiques externes accessibles au public. Leur efficacité dépend pourtant d'une condition primordiale : celle d'oser les utiliser et de savoir comment s'y prendre.
Il faut payer 75 euros... et il faut en effet se libérer deux jours
La Croix-Rouge de Belgique multiplie les efforts pour pallier ce manque, en proposant des formations accessibles au plus grand nombre. Il est possible, par exemple, d'obtenir un brevet européen des premiers secours (BEPS) après 15 heures de cours intensifs. Pourtant, les freins à l'inscription sont multiples. "D'une part, il faut payer 75 euros... et il faut en effet se libérer deux jours," explique un formateur. Des considérations financières et organisationnelles en dissuadent plus d’un, malgré le remboursement partiel proposé par certaines mutuelles. "En BEPS, ça dure 15 heures. Donc bon, c'est soit le week-end, soit parfois, il faut prendre congé," détaille-t-il. Pourtant, ces formations apportent des compétences essentielles pour augmenter les chances de survie sans séquelles graves. Comme le rappellent des soignants aux cliniques Saint-Luc, "plus le cerveau souffre d'un manque d'oxygène, moins la probabilité de récupération va être bonne".
Face à ce constat, certaines initiatives voient le jour pour inverser la tendance. En Belgique, des écoles ont intégré des initiations au secourisme via le tronc commun du nouveau référentiel éducatif. Ce dispositif devrait permettre aux jeunes générations d'apprendre dès le plus jeune âge à réagir efficacement en cas d'urgence. Ces cours, intégrés dans les programmes d'éducation physique et à la santé, visent à sensibiliser les élèves à l'importance d'assurer leur sécurité et celle des autres. Cette approche s'inspire directement de modèles scandinaves. "Dans nos pays voisins, les pays scandinaves, ils ont un taux de survie beaucoup plus élevé... Parce que la population, justement, est formée dès le plus jeune âge," souligne un expert. Dans ces pays, où les formations sont obligatoires dès l'école, les taux de survie en cas d'arrêt cardiaque atteignent parfois 50 %, un chiffre impressionnant qui devrait inspirer la Belgique.
L'apprentissage de ces gestes, dès l'enfance
Au-delà du milieu scolaire, d'autres initiatives mettent également l'accent sur la formation aux gestes de premiers secours. À Bruxelles, par exemple, l'obtention du permis de conduire est conditionnée par une initiation à ces gestes de survie. Certaines entreprises participent également à cette dynamique en formant leurs employés, une démarche particulièrement pertinente dans le cadre de collectifs confrontés à des risques accrus. Conscientes de l'importance de telles initiatives, certaines ASBL comme "Des Vies à Sauver" multiplient leurs efforts pour sensibiliser, notamment à travers des formations interactives proposées au grand public ou directement dans les entreprises.
C'est simple comme bonjour
Malgré ces avancées, le chemin à parcourir reste encore long pour transformer la Belgique en nation exemplaire en termes de secourisme. Outre la sensibilisation des adultes, l'éducation des plus jeunes est une clé de succès à long terme pour améliorer les taux de survie dans le pays. "C'est simple comme bonjour," affirme un formateur, traduisant un message crucial pour encourager la démocratisation de gestes salvateurs. À l'image des pays prospères en la matière, une stratégie nationale ambitieuse pourrait aider chaque citoyen à se sentir compétent et prêt à intervenir. En tant que société, promouvoir un tel apprentissage constitue un acte de solidarité et de responsabilité collective, capable de sauver des vies au quotidien.
Alors que chaque jour, 30 arrêts cardiaques surviennent en dehors des hôpitaux en Belgique, il est vital de mieux informer et équiper la population pour faire face. La multiplication des défibrillateurs, la généralisation des formations et une meilleure accessibilité financière sont autant de pistes concrètes pour réduire les obstacles actuels. En attendant une action renforcée des pouvoirs publics, chaque initiative individuelle ou collective comptant pour renforcer cette chaîne de survie reste un geste crucial. Dans une situation critique, la bonne réaction d'un citoyen formé peut changer le cours de la vie de quelqu'un, à l'image d'Arnaud qui, grâce à ses sauveurs, a pu retrouver une vie normale et une famille qui, comme il le raconte, "n'était qu'un rêve" le jour de son arrêt cardiaque.


















