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Cette "Vénus" paléolithique qui nous parle de nos ancêtres chasseurs

On la retrouvera sans doute dans les manuels d'Histoire: une minuscule statuette féminine remarquablement conservée, sculptée dans un campement de chasseurs il y a 23.000 ans, a été découverte à Amiens, apportant un précieux témoignage sur la société de la fin du Paléolithique.

Sortie de terre cet été et révélée au public mercredi, cette nouvelle "Vénus" vient clore en beauté une série de 15 statuettes trouvées sur le gisement préhistorique de Renancourt, un quartier amiénois, fouillé depuis 2014. Elle se distingue des autres par son état de conservation - elle était entière - et sa qualité de finition.

"Comme toutes les belles découvertes, on l'a trouvée dans les derniers jours de fouilles, sur les derniers mètres carrés" de la parcelle en question, a raconté Clément Paris, directeur des fouilles pour l'Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives), lors d'une conférence de presse.

Quatre petits centimètres taillés dans la craie, représentant une femme nue "stéatopyge", aux fessier, seins et cuisses hypertrophiés mais aux bras simplement esquissés, et coupée au niveau des genoux. Son visage sans trait est encadré par une coiffe finement incisée en quadrillage, au silex: un détail stylistique qui fait écho aux célèbres dames à la capuche de Brassempouy (Landes) et de Willendorf (Autriche).

"Elle est magnifique!", s'est réjoui Alain Gest, président d'Amiens Métropole, qui va baptiser une rue du quartier "Vénus de Renancourt".

"C'est le genre de document qu'on retrouvera dans les manuels scolaires", avance Dominique Garcia, président de l'Inrap.

"On retrouve les canons de l'art de l'époque, ajoute-t-il. Ce qui frappe, c'est cette unité dans les représentations", identifiable dans les autres statuettes - toujours féminines - de style gravettien trouvées à travers l'Europe, des Pyrénées à la Sibérie.

La culture gravettienne s'est développée en Europe entre il y a 28.000 et 22.000 ans, au Paléolithique supérieur, une période très peu documentée. Le site de Renancourt constitue l'un des rares témoignages de la présence de l'homme moderne (Homo sapiens) dans le nord de la France, région connue pour ses richesses archéologiques malgré l'absence de grottes.

- Un atelier de fabrication ? -

Des chasseurs-cueilleurs nomades vivaient là, en campement. On était alors en pleine période glaciaire - le glacier scandinave se trouvait à une centaine de kilomètres seulement de la Somme - et les populations auraient profité d'une "micro-amélioration climatique" pour s'installer dans ces paysages steppiques peuplés de mammouths, de rhinocéros laineux, de lièvres....

Outre les statues, les archéologues ont mis au jour de nombreux vestiges sur ce gisement: ossements d'animaux, outils, parures... Tous très bien préservés à une profondeur de 4 mètres sous le sol grâce au limon.

Pourquoi ces chasseurs ont-il sculpté ces "Vénus" ? Plusieurs interprétations sont possibles, mais l'hypothèse mise en avant est celle d'un atelier de fabrication des objets sur place, qui expliquerait cette série. Le fait que les mêmes traits stylistiques se retrouvent ailleurs évoquent une diffusion, ou pour le moins des contacts entre populations.

Ces Vénus pourraient signifier "une expression symbolique de la femme et plus particulièrement de la fécondité", selon Clément Paris. Pour un rituel ? Là encore, rien n'est tranché.

Jusqu'en 2014, seules une quinzaine de statuettes sculptées par les Gravettiens avaient été trouvées en France - la dernière fouille remontait à 1959. Un site situé tout près de Renancourt avait été fouillé en 1910, mais la collection que le préhistorien Victor Commont avait récoltée fut égarée après sa mort.

"En quelques années on a doublé le nombre de statuettes", qui sont désormais une trentaine en France, et une centaine sur toute l'Europe, se félicite Clément Paris. Et contrairement aux fouilles des années 50 "faites de manière assez brutale", les techniques de fouilles modernes devraient permettre "de comprendre la place de ces objets au sein de l'habitat", espère l'archéologue.

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