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En Ariège, le camp anti-ours s'offre une démonstration de force

Pour que l'ours ne devienne pas "le patron des montagnes", le camp des anti s'est offert samedi une démonstration de force en Ariège, après l'abattage d'un spécimen qui a relancé le conflit avec les défenseurs de la biodiversité.

"Nous c'est pas l'ours qu'on veut voir, c'est des moutons, des sangliers, des mouflons, des bêtes inoffensives": pour Claude Durand, président du groupement pastoral d'Oust, présent au rendez-vous, l'enjeu est d'empêcher "le grand prédateur" de "devenir le patron des montagnes".

Avec lui, environ 1.800 personnes selon la préfecture, éleveurs, élus, syndicalistes agricoles... sont venus en famille participer à un pique-nique géant sur les rives de l’étang de Lers, à 1.264 m d’altitude, au milieu des estives.

Certains arrivent du Vercors, Béarn, Lozère, Alpes, Pays Basque.

"C'est un message à l'Etat et un signal d'alerte (...) l'Etat doit dire s'il préfère les ours ou les humains", lance la présidente socialiste du conseil départemental de l'Ariège, Christine Téqui.

Aujourd'hui "c'est toute la ruralité qui parle" pour défendre "notre capacité à utiliser les espaces montagnards", fait écho Clémence Biard, présidente des Jeunes agriculteurs de l'Ariège, fief de la cinquantaine d'ours recensés dans le massif.

Dans le même temps, 150 personnes soutenues par 14.000 pétitionnaires en ligne manifestaient à Toulouse, pour réclamer le remplacement de l'ours tué et la poursuite des réintroductions de plantigrades actuellement gelées.

- "La boule au ventre" -

"L'ours, il faut le repousser en zone ensauvagée", prône au contraire Alain Servat, maire d'Ustou, commune près de laquelle le mâle de quatre ans tué par balles a été retrouvé le 9 juin.

L'Etat et 20 associations ont porté plainte, une prime de 45.000 euros a été offerte par l'ONG Sea Sepherd mais l'enquête n'a jusque-là pas abouti.

Face aux prédations, "les éleveurs baissent les bras, ne veulent plus monter en montagne. Si demain on perd le pastoralisme, on perdra notre biodiversité", s'indigne le maire.

L'émotion monte dans la foule quand le chef de file des anti-ours et président de la Chambre d'agriculture ariégeoise, Philippe Lacube, annonce que 16 nouvelles brebis viennent d'être retrouvées mortes.

Les dépouilles d'une vingtaine d'autres, du même troupeau, avaient déjà été découvertes après un dérochement le 30 juin. Pour tous, la responsabilité de l'ours ne fait aucun doute.

Cécile Gipoureau, une éleveuse de 58 ans, en a les larmes aux yeux: "je suis stressée à chaque fois que j'appelle mon berger, j'ai la boule au ventre tous les jours".

Elle s'indigne que des brebis soient "bouffées" sans "que personne ne s'en inquiète alors qu'on parle du bien-être animal".

Pour les pro-ours, la clé de la cohabitation réside dans la mise en place de mesures anti-prédation, subventionnées, de bergers, chiens de protection et parcs électrifiés.

Les indemnisations pour les brebis victimes de l'ours ou présumées telles --plus de 800.000 euros en 2019 pour un millier de bêtes-- doivent être conditionnées à leur déploiement pour chaque élevage à partir de 2021.

- "Regagner du terrain" -

"C'est facile de décider depuis un bureau en ville, mais ces mesures ça ne fonctionne pas", objecte Mme Gipoureau.

"Les ours slovènes", réintroduits par la France depuis la fin des années 90 en respect de ses obligations européennes "n'ont pas peur de l'homme", il faudrait les "effaroucher de manière sérieuse", plaide une autre éleveuse, Sophie Alzieu, 38 ans.

"A chaque brebis prédatée, l'ours gagne du terrain, nous on veut le regagner", dit aussi M. Durand.

Côté chasseurs, pas question non plus d'aller "mettre un chrysanthème" là où l'ours tué a été retrouvé, selon Jean-Luc Fernandez, président de la Fédération des chasseurs de l'Ariège.

Dans la guerre récurrente avec les défenseurs de la biodiversité, M. Lacube, président de la chambre d'Agriculture de l'Ariège, juge "comique" la mobilisation toulousaine.

Parmi les manifestants toulousains, Nicolas Defaveri, un illustrateur naturaliste de 47 ans voit pour sa part dans la mobilisation ariégeoise l'action d'une "minorité bruyante et menaçante" qui impose sa loi dans les Pyrénées.

Pour tenter malgré tout de faire cohabiter les deux camps, ainsi que les ours et brebis, 10 millions d'euros seront mobilisés en 2020, a annoncé jeudi le préfet d'Occitanie

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