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Les paquebots de croisière émettent beaucoup de CO2 mais aussi d’autres polluants comme de l’oxyde de souffre ou d’azote. Mais certaines compagnies développent des motorisations alternatives, comme le navire hybride dédié à l’exploration polaire, le "Commandant Charcot". Mais est-ce vraiment la solution pour rendre les croisières plus propres ? Réponse dans Planète Avenir.
Dans le soleil couchant, le "Commandant Charcot" largue les amarres. Son navire termine sa saison antarctique. Après une escale technique à Zeebrugge, il est prêt pour passer l’été dans les glaces du Pôle-Nord. "Il est puissant, robuste mais c'est surtout un navire d'exploration", explique fièrement son commandant Patrick Marchesseau. "Là où on va, les autres ne peuvent pas y aller."
L’expérience de l’aventure sous des latitudes extrêmes, confortablement installé à bord d’un paquebot de luxe. "Je suis sur un nuage", s'enthousiasme une cliente. "C'est l'apothéose d'une vie, tout simplement", complète son époux.
Champagne et caviar
Vers 18h vient l’heure pour le Chef de préparer l’apéritif. C'est champagne et caviar au menu dans le grand salon.
Ce jour-là, à bord, on compte 150 invités. Des clients fidèles et des agents de voyages. Thomas et Gauthier en sont et font l’expérience du navire pour mieux le vendre auprès de leurs clients.
"Malheureusement on n'en vend pas beaucoup", note Gauthier Goossens, agent de voyage à Tournai. "On aimerait mais ça se résume à une croisière par an, pour une clientèle qui cherche vraiment quelque chose d'authentique, hors du commun, mais c'est vrai qu'il faut un budget pour se permettre ce genre de croisière."
Pour 10 jours au Groenland, en cabine standard, comptez un peu plus de 15.000€ par personne. Pour un séjour dans la suite la plus luxueuse du navire, chaque passager débousera au minimum 52.000€... Le prix du luxe et d’une expérience unique, selon le président de la compagnie Hervé Gastinel. "C'est un voyage très transformant, c'est souvent le voyage d'une vie", affirme ce dernier. "Nos passagers ne s'attendent pas à ce qu'ils vont découvrir. Souvent, ils sont un peu inquiets, ils sont très curieux, ils se demandent ce que l'on peut faire pendant ces longues journées à traverser la glace… En réalité, c'est une découverte permanente", raconte Hervé Gastinel.
Quel impact environnemental?
La découverte débute dans les coulisses. C'est Richard Vito, le chef mécanicien du navire, qui se charge de la visite guidée. "Le navire est grand, il faut un peu de temps pour se faire au plan", concède-t-il.
Depuis plusieurs années, l’impact environnemental des bateaux de croisière est pointé du doigt. Ils émettent des gaz à effet de serre mais aussi d’autres polluants comme les oxydes d’azote et de souffre. Pour se distinguer des méga-paquebots, le commandant Charcot mise sur la technologie.
"Les moteurs de propulsion sont électriques", montre Richard Vito. "On produit cette électricité à partir de moteurs thermiques qui peuvent être alimentés soit par du gaz naturel, soit par du gazole."
Le navire embarque 50 tonnes de batteries qui stockent les surplus d’énergie. Les soutes contiennent assez de gaz naturel pour naviguer 2 mois en autonomie. L’ensemble du système permet de réduire l’impact environnemental du bateau. "Pour le gaz liquéfié, on a 80% d'oxyde d'azote en moins, 25% de CO2 en moins et plus de particules fines puisque la combustion du gaz liquéfié n'en produit pas", poursuit le chef mécanicien.
Des économies d'énergies "mangées"
Jean Michel Decroly est professeur de géographie et de tourisme à l’ULB. Il rappelle qu’avant de démarrer leur croisière, les 200 passagers ont dû se rendre, en avion, dans des régions polaires.
"C'est 25% de réduction, très bien, mais ils sont mangés avant même qu'on arrive sur le bateau par des émissions liées au déplacement jusqu'au bateau", nuance Jean Michel Decroly.
Le tourisme polaire est en pleine expansion. Un type de voyage qui est, par essence très polluant. En Europe, un touriste moyen est responsable de 50 kg d’émissions de gaz à effet de serre par jour. Pour participer à une croisière en Antarctique, chaque passager émettra 400 kg de CO2 par jour.
"On a là un tourisme qui a un impact environnemental individuel très important qui est réservé à une toute petite élite", poursuit le professeur Jean Michel Decroly. "Donc, quelle est sa justification, sa raison d'être aujourd'hui alors même que nous sommes collectivement responsables de devoir réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre…"
On comptait en 1990, 3.000 touristes en Antarctique. En 2019, avant la crise sanitaire ils étaient près de 75.000.