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Le théâtre baroque espagnol de Calderón dans l'écrin vert de Bussang

Dans son adaptation de "La vie est un rêve" de l'Espagnol Calderón, le metteur en scène Jean-Yves Ruf repousse les limites de la scène et fait jouer sa troupe dans la forêt, dans le décor naturel du Théâtre du Peuple à Bussang (Vosges).

"C'est magnifique ici, il faut en profiter", sourit le metteur en scène en balayant du regard le théâtre, dont le fond de scène s'ouvre sur la forêt vosgienne. Construit tout en bois en 1895 par l'homme de théâtre Maurice Pottecher (1867-1960) et classé monument historique depuis 1976, il dispose d'inconfortables bancs en bois pouvant accueilir 900 personnes.

Avec ce grand classique du "Siècle d'or" espagnol, M. Ruf interroge "la transmission" des pères, la filiation, l'honneur, le pouvoir et la mort, dit-il à l'AFP. "C'est un grand texte épique complexe à monter qui mêle drame, farce, philosophie et clown".

La pièce, écrite en 1635 par le poète et dramaturge espagnol Pedro Calderón de la Barca (1600-1681), débute par la rencontre entre une femme, Rosaura, et Sigismond, prince enchaîné et en guenilles, joué par un comédien amateur de 18 ans, Sylvain Macia.

Chaque été, le théâtre de Bussang mêle, dans son spectacle de l'après-midi, comédiens professionnels et amateurs, pour respecter le voeu du fondateur des lieux, M. Pottecher.

"C'est assez impressionnant et je suis fier de la confiance qu'on me donne pour tenir le rôle titre", dit en souriant le jeune homme au physique juvénile. La troupe a répété in situ pendant plusieurs semaines avant la première des 25 représentations.

"C'est très rare de jouer dans un lieu avec autant d'histoire et une vraie âme", glisse Léa Tissier, comédienne professionnelle de 28 ans qui interprète Rosaura.

- La forêt, un "personnage" -

Le père de Sigismond, Basile, roi de Pologne, a enfermé son fils depuis sa naissance dans une tour, avec pour seul contact son précepteur, Clothalde, pour échapper aux prédictions faisant de lui "le monarque le plus barbare".

"Pour voir si le savant a quelque emprise sur les étoiles", Basile décide de transporter Sigismond, plongé dans un profond sommeil, sur le trône et de le tester. Manteau doré sur le dos, le prince ne tarde pas à révéler son orgueil et sa cruauté.

Ramené dans sa geôle, il se lamente - "la vie est une folie, une illusion!" - quand les portes du fond de scène s'entrebâillent sur un ilot de verdure: le peuple est venu le chercher.

Alors, les battants s'ouvrent sur les feuillus du parc naturel régional du Ballon des Vosges.

La pièce se déroule à la fois dans la forêt, sur scène et dans les travées, donnant une profondeur inédite au plateau.

Dans ce drame baroque, le burlesque est incarné par le serviteur Clairon, qui multiplie les lazzi, joue avec les spectateurs, et "donne les plus grandes leçons de philosophie", dit M. Ruf.

Quand Rosaura apparaît sur un majestueux cheval noir parmi les arbres, une spectatrice ne peut retenir un "Waouh!", entre surprise et émerveillement.

"C'est très amusant: la scénographie mêle forêt et théâtre pour que l'on s'y perde", s’enthousiasme Sylvain Macia.

Alors qu'une guerre oppose les troupes de Basile à celles de Sigismond, le vent agite la végétation et la pluie se met à tomber pour de vrai, ajoutant une dimension dramatique à la pièce.

"L'irruption de la nature dans le jeu avec une lumière, très changeante selon la météo, fait l'originalité et l'attractivité du lieu", observe Simon Delétang, directeur du Théâtre du Peuple depuis 2017.

"La forêt devient presque le personnage principal et chaque metteur en scène se laisse inspirer", ajoute-t-il.

"La vie est un rêve", du jeudi au dimanche à 15H00, jusqu'au 7 septembre.

www.theatredupeuple.com

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