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« Elle est devenue monstrueuse » : connaissez-vous l’histoire derrière cette célèbre photo ?

Par RTL info avec Emmanuel Dupond et Regjep Ahmetaj
Ce cliché iconique s’appelle Le Baiser de l’hôtel de ville. Il a été pris en 1950 à Paris par Robert Doisneau, l’un des photographes français les plus célèbres et aussi les plus prolifiques. Une rétrospective d’envergure se tient en ce moment au musée de la Boverie à Liège. L’occasion de rencontrer les deux filles du photographe, qui nous racontent pourquoi cette photo a fait plus de mal que de bien à leur père.

Dans le Paris des années 50, une photo fait le tour du monde. Elle montre deux amoureux devant l’Hôtel de Ville, photographiés depuis la terrasse d’un bistrot. Un baiser devenu légendaire mais qui agace profondément les filles du photographe.

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« Cette photo, elle est devenue monstrueuse parce que tout d’un coup, elle a occulté le fait qu’il avait fait autre chose que de photographier des gens qui s’embrassaient dans la rue », regrette Francine Deroudille, la fille de Robert Doisneau. « Stop ! », confirme Annette Doisneau, son autre fille. « Notre père a fait plus de 450.000 autres photos qui sont vraiment très bonnes aussi. Sortons de ce baiser. »

Pour une fois, il avait engagé des acteurs

Le Baiser de l’hôtel de ville est un sujet qui fâche, car il est l’arbre qui cache la forêt. D’autant plus qu’il ne représente en rien les habitudes et pratiques professionnelles de Robert Doisneau. Mandaté en 1950 par un journal américain, il devait illustrer l’amour à Paris et pour une fois, il avait dérogé à ses habitudes… et engagé des comédiens.

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« C’est dangereux quand même de photographier des gens qu’on ne connaît pas parce qu’ils s’embrassent dans Paris », rappelle Annette Doisneau. Il pourrait s’agir par exemple d’un « couple illégitime peut-être… on ne sait pas. Et pour éviter tout problème, mon père est allé dans une école de diction, de comédiens, et a dit : ‘voilà, j’ai une proposition, une journée à Paris pour se promener et s’embrasser’. Évidemment, c’était une proposition formidable. Donc ce couple, qui était déjà un couple au sein de cette école de théâtre, a dit : ‘nous, nous, nous’, et ils y sont allés. »

La photo n’a donc rien de spontanée, et quand le couple se sépare, une plainte est même déposée par la comédienne pour violation de la vie privée. Elle est rejetée.

Le Baiser de l’hôtel de ville, aussi réducteur soit-il du travail de Robert Doisneau, a traversé les décennies comme un symbole de romance et de liberté. Et comme tout symbole fort, il a été détourné, comme pendant les attentats de Paris ou le Covid.

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Pour autant, Robert Doisneau n’a jamais cherché le spectaculaire, au contraire. Il a toujours voulu capter les fragments de la vie ordinaire, comme celle d’enfants dans la rue, lui qui a connu une enfance difficile.

« Oh la la, il a eu une enfance terrible », s’exclame Annette Doisneau. « Il est né en 1912 d’abord. Ce n’était pas une bonne date parce que deux ans après, c’est la guerre de 14 qui démarre. Son père part à la guerre. Il va à Verdun, dans des endroits où il se passe des choses. Et il revient de la guerre en 1918 seulement. Donc quatre ans sans père et dans un climat de pays en guerre. Et quand son père revient, un an après, sa mère meurt de la tuberculose », raconte Francine Deroudille.

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« Cette espèce d’enfance manquée, toute sa vie il a couru après. Sa pratique de la photographie a été une pratique de désobéissant. C’est-à-dire que quand on lui dit ‘circulez, il n’y a rien à voir’, c’est là qu’il va aller », ajoute-t-elle. « Il se mettait toujours à la place des autres, vraiment », confirme Annette Doisneau. « Et puis il allait plutôt vers les humbles que les gens chics. C’est pour ça que son contrat pour Vogue qu’il a eu quelques années, ce n’était pas du tout son truc. Mais il a laissé des belles traces et des belles photos. »

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Pour le magazine de mode, Robert Doisneau fréquente le milieu mondain. Il photographie la somptuosité des bals. Il rencontre des artistes, des écrivains et découvre un monde dont il finit par se délecter. « C’était un enfant devant l’arbre de Noël », résume Francine Deroudille. « Je crois que c’est vrai parce qu’il ne pactisait pas avec ce milieu-là, qu’il trouvait très égoïste, très autocentré. Mais en même temps, il savait qu’il avait devant lui les plus belles femmes du monde dans un milieu d’un luxe inouï, dans des châteaux sublimes, avec des bals somptueux. C’était l’après-guerre, il fallait que l’argent se montre. »

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Quatre cents photographies de celui qu’elles ont « toujours connu avec au bout de sa main un appareil photo » sont à voir au musée de la Boverie jusqu’en avril prochain.

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