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Crise du logement en Espagne: le Premier ministre veut surtaxer les achats immobiliers des étrangers

Pedro Sánchez propose de taxer jusqu'à 100% l'achat de biens immobiliers par des étrangers hors UE non résidents pour lutter contre la crise du logement en Espagne.

Le souhait du Premier ministre espagnol de taxer jusqu'à 100% l'acquisition de biens immobiliers par des étrangers originaires de pays hors de l'Union européenne et qui ne résident pas en Espagne a une forte portée symbolique, même si ses conséquences concrètes sont difficiles à évaluer.

La mesure annoncée par Pedro Sánchez, destinée parmi d'autres à lutter contre la crise du logement et qui doit encore être adoptée par le Parlement, fait écho à l'abandon déjà annoncé des "Golden visas" accordés aux ressortissants étrangers effectuant un investissement de 500.000 euros au moins dans l'immobilier ou une entreprise.

Combien de logements sont concernés?

Selon le Premier ministre socialiste, "en 2023, les non-résidents hors Union européenne ont acheté environ 27.000 maisons et appartements en Espagne". Cette année-là, 638.552 transactions immobilières ont été enregistrées, dont 123.159 réalisées par des étrangers, qu'ils soient résidents ou non, et originaires ou non de l'UE, soit 19,3% du total, selon les chiffres du ministère du Logement.

"Vous rendez plus difficile l'achat de maisons pour les non-Européens mais cela ne rendra pas automatiquement le logement moins cher, parce que le pourcentage d'achats provenant de ce public n'est pas très élevé", pointe Joan Carles Amaro, professeur spécialisé dans l'immobilier à l'école de commerce de l'Esade, basée à Barcelone.

Dans certaines régions toutefois, et plus particulièrement dans les zones côtières ou les archipels du pays, le pourcentage de logements acquis par des étrangers (sans distinction) est nettement plus élevé qu'au niveau national: en 2023, il atteignait 31,5% dans les Baléares, 29,2% dans la région de Valence ou 28,6% dans les Canaries. En revanche, ce taux s'établissait à 6,3% dans la communauté de Madrid, où la crise immobilière est également très prégnante.

Qui sont les acheteurs étrangers?

D'après les données du registre immobilier, les Britanniques, ressortissants extracommunautaires depuis le Brexit, étaient en 2023 en tête des acquéreurs étrangers de biens immobiliers, avec 9,5% du total des transactions réalisées par des étrangers. Derrière eux, les Allemands (7,2%) et les Français (6,7%), exclus de fait des mesures envisagées par le gouvernement du fait de l'appartenance de leurs pays à l'UE, puis les Marocains (5,4%) et d'autres Européens (Belges, Italiens, Roumains, Néerlandais).

Un système similaire existe-t-il dans d'autres pays?

Aujourd'hui en Espagne, outre des frais de notaire et des frais juridiques, il faut payer un droit de mutation de 6% à 11% du prix d'achat pour l'achat d'un logement ancien ou une TVA de 10% pour un bien neuf, sans distinction selon l'origine de l'acheteur.

En présentant sa mesure, Pedro Sánchez a expliqué vouloir s'inspirer de dispositifs similaires existant au Danemark et au Canada. Le gouvernement canadien interdit en effet l'achat de logements par des étrangers non résidents afin "d'utiliser tous les moyens possibles pour rendre le logement plus abordable", selon le ministère des Finances. La mesure, mise en œuvre début 2023, a été prorogée en début d'année jusqu'au 1er janvier 2027.

Au Danemark, acheter un bien pour un étranger non résident est quasiment impossible : l'accès à la propriété est réservé aux personnes vivant depuis au moins cinq ans dans le pays et ayant obtenu une autorisation spéciale de la chancellerie -- des conditions toutefois allégées pour les citoyens de l'UE.

Comment la mesure est-elle accueillie?

Dans une des zones où la part d'acheteurs étrangers est la plus importante, à Majorque, aux Baléares, Bernd Kunze, associé dans une agence immobilière, est sceptique: "Cette loi n'aiderait pas les citoyens espagnols car ils ont besoin d'espaces bon marché à louer", et non des biens luxueux dans lesquels son agence est spécialisée, résume-t-il.

"Du côté du propriétaire ou du promoteur qui vend ces logements à ces acheteurs, je ne pense pas qu'ils se diront 'Eh bien puisque je ne vais pas pouvoir le vendre à un non-européen, je vais le mettre en location abordable'", abonde l'économiste Joan Carles Amaro.

Au Royaume-Uni, dont quelque 100.000 ressortissants retraités seraient installés en Espagne, selon des chiffres avancés par Richard Donnell, un dirigeant du site britannique de petites annonces immobilières Zoopla, l'annonce de Pedro Sánchez n'est pas passée inaperçue.

"Des centaines de milliers de Britanniques, retraités ou qui travaillent encore, quittent le Royaume-Uni pour des climats plus chauds en Europe", rappelle Stephen Abletshauser, avocat du cabinet Spencer West.

Et au-delà des difficultés pour eux à choisir l'Espagne comme destination si la mesure entrait en vigueur, le plan de Pedro Sánchez peut soulever d'autres inquiétudes : "La simple introduction d'une telle taxe draconienne suggère la possibilité de taxes supplémentaires sur les propriétaires immobiliers déjà en Espagne, en particulier ceux qui ne sont pas de l'UE", redoute-t-il.

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