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Dix mois d'emprisonnement avec sursis et 15.000 euros d'amende ont été requis mercredi contre le ministre du Travail Olivier Dussopt, jugé depuis lundi pour des soupçons de favoritisme dans un marché public en 2009, lorsqu'il était maire d'Annonay (Ardèche).
Le parquet national financier (PNF) a par ailleurs demandé huit mois avec sursis et 15.000 euros d'amende contre Olivier Brousse, ex-directeur général de la Saur, poursuivi pour complicité de favoritisme.
Contre cette société de fourniture et de traitement de l'eau, il a réclamé une amende d'un million d'euros et une exclusion des marchés publics avec sursis, pendant trois ans, pour recel de favoritisme.
Fustigeant de graves "manquements" au "devoir d'exemplarité" des élus, dans l'espoir d'un "gain politique", le parquet n'a toutefois pas requis d'inéligibilité contre Olivier Dussopt, "au regard de l'ancienneté des faits".
Le tribunal correctionnel de Paris rendra sa décision le 17 janvier.
Les trois prévenus, qui demandent la relaxe, sont accusés d'une "rupture d'égalité entre les candidats" lors de l'attribution du marché d'exploitation de l'eau d'Annonay, en décembre 2009.
Ils "se sont efforcés de minimiser, de réinterpréter les documents qui fondent la poursuite", malgré "des éléments accablants", a estimé l'un des deux procureurs, Julien Augereau.
Lors d'une perquisition chez Olivier Dussopt, dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte en mai 2020 après un article de Mediapart, les enquêteurs avaient saisi le compte-rendu d'une réunion fin juillet 2009 entre Olivier Dussopt, alors député-maire PS, et Olivier Brousse.
Autre découverte: un mail de l'élu aux services municipaux, sollicitant la modification de clauses du cahier des charges et la diminution de l'importance accordée au prix dans l'évaluation des offres des candidats.
- "Rien à se reprocher" -
La défense soutient que les faits sont prescrits, mais l'accusation objecte qu'ils étaient "dissimulés" jusqu'à ce que le PNF en prenne connaissance, avec la perquisition.
"Ce garçon, c'est du cristal, il est incapable de dissimuler", a rétorqué Georges Holleaux, avocat d'Olivier Dussopt, dépeignant un maire d'à peine 30 ans "qui a agi pour le bien de sa commune".
Le dossier saisi n'était "pas caché derrière la cuvette des toilettes" mais "sur une étagère de la bibliothèque", "il aurait pu faire le ménage" mais "n'a rien à se reprocher", a-t-il plaidé.
Sur le fond, le PNF estime que la réunion de fin juillet a donné lieu à la communication d'"informations privilégiées" sur le marché, qu'"Olivier Dussopt est reparti avec une liste de courses sur les exigences" de la Saur, puis a "mis en branle les services de la commune pour traduire concrètement" ces demandes dans le cahier des charges.
La défense concède certaines "informations anticipées", mais estime que "les candidats sont remis sur un terrain d'égalité" lors de la publication de l'appel d'offres.
L'avocat du ministre souligne aussi que les deux clauses suggérées par Olivier Dussopt n'ont finalement pas été intégrées. Mais pour le PNF, avoir "tenté de procurer un avantage" suffit à caractériser l'infraction de favoritisme.
Accusation et défense se sont aussi opposées, chiffres à l'appui, pour savoir si la Saur aurait malgré tout remporté le contrat, si le poids accordé au prix était resté inchangé.
Dans tous les cas, "à aucun moment (...) je ne pouvais savoir qui serait candidat, et à quel prix", avait fait valoir Olivier Dussopt lundi.
Sans convaincre le PNF, qui souligne que son compte-rendu mentionne que la Saur craignait un "dumping" de concurrents.
Un argumentaire "grotesque", balaie Emmanuelle Kneusé, avocate d'Olivier Brousse, raillant la "ténacité du parquet" à s'accrocher à un dossier qui "s’est réduit comme peau de chagrin"
Lors de sa réunion avec Olivier Dussopt, le dirigeant "n'est pas du tout en situation de donner des instructions", estime-t-elle.
"On construit une accusation sur ce qui se serait peut-être dit dans une réunion (…) concernant un marché que la Saur n’aurait peut-être pas remporté" sans les modifications du cahier des charges, résume ensuite Arnaud Mailhos, l'un des avocats de la Saur, critiquant un "château de cartes qui vacille".
Ce procès intervient après celui d'un autre ministre en exercice, le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, jugé pour prise illégale d'intérêts, et qui a été déclaré "non coupable" et relaxé mercredi à Paris par la Cour de Justice de la République.