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Certaines affaires judiciaires dévoilent des réalités familiales si extrêmes qu’elles dépassent l’entendement et interrogent sur les mécanismes de domination qui peuvent s’installer derrière des portes closes. Makhete Mare, décrit par certaines de ses compagnes comme un « gourou » et un « pervers narcissique », a été condamné ce mercredi à 30 ans de réclusion par la cour d’assises du Gers, près de Toulouse. Né en Côte d’Ivoire et reconnu « paranoïaque » par les experts, il était jugé pour viols sur ses compagnes et violences aggravées sur 28 de ses 29 enfants présumés. Parmi les actes les plus graves, il a notamment été reconnu coupable de torture et barbarie sur deux de ses fils âgés de moins de 20 mois.
Ces violences ont été confirmées par des témoignages concordants, décrivant par exemple comment il aurait soulevé ses enfants « par les oreilles jusqu’au sang » ou les aurait plongés violemment dans l’eau pour faire cesser leurs pleurs. Les cicatrices constatées autour des oreilles de certains enfants sont venues appuyer ces déclarations. Ce climat de brutalité s’inscrivait, selon les documents judiciaires, dans un système de « violence généralisée » imposé aux femmes et aux enfants du foyer.
Cette atmosphère d’emprise se retrouvait également dans les objets utilisés pour frapper : mains, pieds ou même un tuyau retrouvé au domicile. Lors de l’ouverture du procès, l’effroi qu’il inspirait était encore visible : « énormément de sanglots et de pleurs » se sont fait entendre à son entrée dans la salle, a raconté l’avocat Jean-François Renaudie. Cette réaction a donné le ton d’un procès marqué par des récits de souffrance, sur lesquels se sont ensuite greffés les 21 chefs d’accusation retenus contre lui.
La religion comme justification de ses actes
Trois de ses quatre compagnes, également poursuivies pour violences, ont finalement été acquittées car jugées pénalement irresponsables. C’est l’une d’elles qui, en prenant la fuite début 2022, a alerté les autorités et déclenché l’enquête. L’accusé a été placé en détention en avril de la même année, tandis que ses 27 enfants mineurs ont été immédiatement pris en charge et placés.
Le comportement de Makhete Mare était aussi marqué par une pratique religieuse décrite comme « particulièrement exigeante et rigoureuse ». Il avait vidé le domicile de la plupart des meubles et calfeutré les fenêtres pour, selon les enquêteurs, « empêcher le diable d’entrer ». Pourtant, face à la justice, il est resté presque constamment silencieux. « Il y a une certaine frustration », a expliqué Me Renaudie, son avocat, évoquant une défense qu’il n’a jamais été autorisé à présenter.
Malgré ses dénégations, l’ensemble des enfants le reconnaissaient comme leur père ou comme une figure paternelle, même si aucun test ADN n’a été réalisé. Le procès a enfin révélé que l’homme avait menti sur son âge à son arrivée en France : il ne s’agissait pas d’un adolescent de 16 ans, comme il l’affirmait alors, mais d’un jeune adulte déjà dans la vingtaine – et aujourd’hui dans la cinquantaine. Une trajectoire faite de mensonges, de violences et de silence, qui s’achève désormais derrière les barreaux. Dans cette « maison de l’horreur », le silence régnait en maître ; désormais, seule la justice aura le dernier mot.



















