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Que faire des avoirs russes gelés ? Le sommet européen devra trancher, voici les conditions de la Belgique

Par RTL info avec Belga
À la veille du sommet européen à Bruxelles, l’Ukraine pousse pour mobiliser les avoirs russes gelés afin de financer sa reconstruction, tandis que la Belgique et certains États restent prudents face aux risques juridiques et financiers. Le sommet doit permettre de dégager une solution rapide, alors que le pays agressé attend ses premières tranches de financement dès le deuxième trimestre 2026.

La Belgique, toujours très réticente à l’idée d’utiliser les actifs souverains russes immobilisés sur son territoire pour financer l’Ukraine ces deux prochaines années, est convaincue que le sommet européen qui s’ouvre ce jeudi matin à Bruxelles apportera une solution, entendait-on mercredi de sources européennes.

Signe de l’importance du moment, le président ukrainien Volodymyr Zelensky fera le déplacement à Bruxelles pour faire pression sur les chefs d’État et de gouvernement de l’UE, afin qu’ils utilisent ces actifs. Le financement européen est, pour le pays agressé, d’autant plus important que la politique transactionnelle de l’administration Trump rend imprévisible le soutien des États-Unis. Ces derniers lorgnent les actifs russes et font pression sur les pays européens pour qu’ils renoncent à l’idée de les utiliser, selon un haut fonctionnaire ukrainien.

La Belgique juge elle aussi « vital » pour l’Ukraine qu’une décision tombe lors de ce sommet, « même s’il faut négocier encore samedi, encore dimanche », entendait-on. « En tout état de cause, il y aura un soutien financier pour l’Ukraine » à l’issue du sommet, confirmait un autre diplomate, en ajoutant que l’idée de contourner la Belgique pour imposer le « prêt de réparation » n’avait « aucun sens ». « Tous les dirigeants sont très conscients de la part disproportionnée de la Belgique dans la solution du prêt de réparation, ainsi que des enjeux qui pèsent sur elle », ajoutait un troisième.

Pour 2026 et 2027, les besoins financiers de l’Ukraine ont été estimés à 137 milliards d’euros. La Commission européenne propose que l’UE en couvre près des deux tiers, soit 90 milliards d’euros. L’idée « classique » d’un emprunt commun garanti par le budget de l’UE a été écartée par la présidence danoise du Conseil de l’UE, faute de la nécessaire unanimité. La Hongrie et la Slovaquie y sont opposées de par leur positionnement pro-russe, mais certains pays dits « frugaux » sur le plan budgétaire, comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, y sont aussi récalcitrants. La Belgique se refuse toutefois à ce que cette piste soit totalement écartée.

L’idée « innovante », avancée par la présidente de la Commission Ursula von der Leyen en septembre dernier, ne nécessite quant à elle qu’une majorité qualifiée, mais elle épouvante la Belgique par les risques qu’elle comporte. C’est le fameux prêt dit « de réparation » ou de reconstruction de l’Ukraine agressée, qui serait adossé aux réserves de la Banque centrale russe immobilisées dans l’UE (environ 210 milliards d’euros), principalement chez le dépositaire international de titres Euroclear à Bruxelles (quelque 185 milliards), depuis l’agression russe de février 2022.

Ces actifs sont immunisés de toute confiscation par le droit international. La Commission assure que le montage envisagé ne consiste pas en une confiscation, mais elle n’a pas convaincu la Belgique jusqu’ici. Le pays rétorque qu’il se retrouverait au final bien seul à supporter les montants imprévisibles qu’un tribunal d’arbitrage russe, ou toute autre juridiction, pourrait imposer en cassant ce montage. La Belgique fait valoir les effets déstabilisateurs pour la finance européenne, ou encore des représailles russes en tout genre, qui ont déjà débuté puisque la Banque centrale russe attaque Euroclear en justice.

Pays réputé constructif dans l’Union, la Belgique est sous forte pression depuis plusieurs semaines, face à une « très large majorité » d’États membres intéressés par un montage qui ne pèserait pas sur le contribuable européen, selon la présentation qu’en fait la Commission. Le chancelier allemand Friedrich Merz a encore appelé ce mercredi à « intensifier la pression sur Poutine ».

Bart De Wever réclame des garanties

Le Premier ministre Bart De Wever, lui, réclame des garanties illimitées, puisque les risques sont incommensurables, ainsi qu’un partage de la charge par tous les États participant au montage. Il veut aussi que les liquidités soient disponibles immédiatement en cas de revers judiciaire, et que les États membres qui détiennent sur leur territoire d’autres actifs souverains russes immobilisés les impliquent dans le système (25 milliards d’euros au total), un point « qui évolue positivement », selon un diplomate.

Le chef du gouvernement fédéral a reçu un certain soutien la semaine dernière d’une poignée d’États membres, dont l’Italie, qui craint pour sa propre dette si elle s’associe au montage. Les négociations entre ambassadeurs des Vingt-sept ne s’arrêtent quasiment plus, nuits et jours. Elles devaient se poursuivre mercredi soir encore, mais sans perspective d’une percée décisive avant l’ouverture du sommet, jeudi à 10h.

« Il revient désormais aux chefs d’État et de gouvernement de donner des indications sur la manière de poursuivre le travail législatif », convergeaient les diplomates interrogés. L’échéance est connue : l’Ukraine doit recevoir ses premières tranches de financement au début du deuxième trimestre 2026. Mais pas question de sortir du sommet sans solution, pointaient-ils.

Jeudi matin, Bart De Wever se présentera à 8h à la Chambre, pour exposer aux parlementaires l’état de la situation. Il ne devrait pas manquer de rappeler les conditions belges, et le court laps de temps qui s’est écoulé depuis que la Commission a présenté sa proposition législative pour une piste aussi innovante et truffée de pièges.

L’hypothèse de recourir à l’article 122 du Traité sur le fonctionnement de l’UE, une procédure de crise utilisée la semaine dernière pour immobiliser les actifs russes à durée indéterminée, est évoquée pour un emprunt commun. « La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a dit la semaine dernière que si l’on utilisait l’article 122 pour le régime de sanctions, comme cela a été fait pour prolonger l’immobilisation des actifs, on pourrait certainement l’utiliser pour une dette commune », fait observer un diplomate. Mais les avis divergent sur la faisabilité juridique, dès lors qu’une telle décision, qui pourrait être prise à la majorité qualifiée (avec là un soutien de la Belgique), est liée à l’utilisation de la marge budgétaire de l’UE, sur laquelle l’unanimité prévaut. Si une solution pérenne devait rester hors de portée, des solutions transitoires pourraient émerger au cours des prochains jours.

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