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"Zelensky est un peu sur une mer déchaînée": que peut-on attendre des discussions entre Ukrainiens et Russes à Istanbul?

La première réunion entre Ukrainiens et Russes depuis le printemps 2022 doit démarrer à 11h30 à Istanbul. Ce sont donc les premières négociations directes sur la guerre. Mais en l'absence des présidents Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky, les espoirs de progrès sont jugés minces.

 

Alors qu’Istanbul accueille ce vendredi une réunion internationale censée faire progresser les efforts vers un cessez-le-feu entre la Russie et l’Ukraine, le professeur de politique internationale Michel Hermans prévient d’emblée : "Il n’y a rien à attendre des réunions aujourd’hui". Pour ce spécialiste, le format même du sommet, sans la présence de Vladimir Poutine, Donald Trump ou Volodymyr Zelensky, révèle une absence de volonté réelle de faire avancer les négociations.

Le constat est clair : aucun des acteurs centraux du conflit ne fera le déplacement. "Trump a dit clairement que s’il n’y avait pas Poutine, il n’était pas question pour lui d’y aller non plus", rappelle Michel Hermans. L’ancien président américain, qui prétendait pouvoir régler le conflit "en un jour", a depuis reconnu qu’il s’agissait d’une "blague", et son retrait fragilise encore un peu plus le sérieux de la rencontre.

Vladimir Poutine, lui, ne veut ni rencontrer Zelensky, qu’il ne considère pas comme légitime, ni apparaître affaibli dans une réunion où il serait minoritaire face aux Occidentaux. "Il ne veut pas se retrouver face à deux ou trois interlocuteurs qui ne sont pas de son rang", estime Michel Hermans, qui voit dans cette posture une volonté d’éviter toute forme de pression.

Si des représentants russes et américains sont bien présents à Istanbul, ce sont des "second couteaux", comme les qualifie le professeur, bien qu’il nuance : "Ce n’est pas une délégation de façade, ce sont des hauts fonctionnaires. Mais ils ne sont pas là pour discuter d’égal à égal". Ces émissaires n’ont ni le mandat politique ni l’autorité nécessaire pour trancher sur des points cruciaux. Ce qui laisse présager des échanges vides de substance.

Un autre acteur absent du sommet est l’Union européenne. "L’Europe manque d’unité, il n’y a rien à faire", regrette Michel Hermans. Il évoque des pays plus proches de Moscou que de Bruxelles, une Commission européenne peu audible et une absence d’incarnation forte. "Zelensky est un peu sur une mer déchaînée entre Washington et Bruxelles, entre Bruxelles et Moscou, entre Moscou et Washington. Il se retrouve balloté, sans véritable soutien cohérent", déplore-t-il.

Zelensky croit encore à ce que Trump dit

Face à cette fragmentation occidentale, l’Ukraine se retrouve isolée. "Zelensky croit encore à ce que Trump dit, mais il change d’avis sans arrêt et n’a pas beaucoup d’estime pour lui non plus", ajoute le professeur. 

Sur le terrain, le conflit continue de faire rage sans perspective claire d’apaisement. "La guerre va encore continuer jusqu’à faute de combattants", prévient-il, soulignant l’usure humaine et militaire des deux camps. Il rappelle que malgré les efforts ukrainiens, "la Russie progresse, certes lentement, mais ne recule pas. Et les Ukrainiens, eux, sont épuisés".

Même en cas de trêve temporaire, Michel Hermans reste pessimiste : "Un cessez-le-feu de 30 jours, ce serait une pause, pas une solution. On risque de revivre un scénario à la 2014 ou 2022 : une accalmie suivie d’une reprise des combats".

Enfin, ce professeur s’inquiète des ambitions géopolitiques de Moscou : "Si Poutine trouve une solution en Ukraine, la Moldavie ou la Roumanie pourraient être les prochaines cibles. L’Europe sait qu’elle est menacée, mais elle ne parvient pas à constituer une force militaire unifiée crédible".

Sa conclusion est sans appel : "Tant que les dirigeants qui décident, Poutine, Trump, Zelensky, ne sont pas à la table, il n’y aura pas de vraie négociation. Aujourd’hui, ces réunions sont purement symboliques". 

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