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La vidéo dure 25 secondes. On y voit un drapeau belge tenu par deux personnes au-dessus d’un feu. Alors qu’il se consume, il laisse apparaître derrière lui un autre drapeau, celui de l’association Vrienden van Breydel. Le tout sur une chanson réclamant la mort de la Belgique.
Publiée le 11 juillet dernier, jour de la fête de la Communauté flamande, cette vidéo a été découverte hier par Ludovic et Mathieu qui nous ont contactés via notre bouton orange Alertez-nous. « Est-ce normal que des fachos brûlent le drapeau belge en Belgique ? », se demande le premier. « Brûler le drapeau national n’est pas un délit en Belgique ? », se demande le second.
Aucune loi ne l’interdit
Sauf qu’en Belgique, il n’existe aucune loi interdisant ou réprimant le fait de brûler le drapeau d’un pays, y compris le sien. Du point de vue de la loi au sens strict, « je ne vois pas à partir de quel texte de loi les auteurs pourraient être poursuivis donc je vois mal comment on pourrait condamner quelqu’un qui brûle le drapeau belge », confirme Benjamin Biard, politologue au CRISP, le centre de recherche et d’information sociopolitiques.
Ce qui est poursuivable, c’est si cet acte peut être qualifié de trouble à l’ordre public ou d’incitation à la haine. Mais le premier nécessiterait de le faire en pleine rue avec pour résultat de déclencher une réaction violente, ce qui n’est pas le cas ici. Et le second demanderait de prouver une intention de nuire à un groupe précis et donc s’adressant directement à une communauté. Et, nous allons le voir, le message ici n’est pas une menace contre tous les citoyens belges, mais un symbole d’un souhait politique : voir la fin de la Belgique en tant que pays. Une sorte de représentation visuelle du célèbre slogan Belgïe Barst.
Une association d’extrême droite
L’association Vrienden van Breydel se décrit sur sa page Facebook comme « une association de Flamands libres, axée sur l’activisme, la camaraderie et le développement de la personnalité ». Ces « amis de Breydel » font référence à la figure historique de Jan Breydel, associé à la résistance envers l’autorité centrale au Moyen Âge.
Mais derrière ce patriotisme flamand se cache notamment une figure bien connue de l’extrême droite radicale flamande. Si les premiers posts de l’association sur Facebook datent de 2023, ceux-ci se sont intensifiés début avril de cette année. À ce moment, ils se lancent sur le réseau social X, anciennement Twitter, avec ce message : « Nous méritons une place sur cette autre plateforme majeure où notre liberté d’expression est défendue contre le régime ».
Le « régime », c’est le nom qu’ils donnent aux gouvernements belges et à la justice belge. L’establishment donc. Ils se mettent à republier des tweets extrémistes. Comme ceux de Tommy Robinson, un militant britannique d’extrême droite islamophobe issu de la mouvance hooligan condamné plusieurs fois. Mais aussi des tweets islamophobes, masculinistes, homophobes et transphobes. Des tweets mettant en doute le réchauffement climatique ou les énergies vertes. Ou encore, en vrac, contre le défunt pape François, contre Remco Evenepoel ou contre la gauche en général.
Rejointe par Tomas Boutens, néonazi condamné pour terrorisme

Avril, c’est aussi un mois après la dissolution de Project Thule, un groupe d’extrême droite fondé par Tomas Boutens, ancien militaire condamné pour activités néonazies et terroristes. Le groupe, directement inspiré d’une société secrète allemande et suprémaciste blanche, est accusé d’avoir formé une milice privée et d’avoir détenu illégalement des armes. Lors d’un rassemblement interdit en 2020, la police avait saisi des arbalètes, des symboles néonazis et du matériel de propagande. L’homme a été condamné par la cour d’appel de Gand pour participation à une milice privée, port et détention d’armes.
Et ce n’est pas la première fois. « Il est historiquement connu depuis 2006 pour avoir organisé avec d’autres membres de BBET (Bloed, Bodem, Eer en Trouw) un projet d’attentat contre Abou Jajah et Filip Dewinter », note Benjamin Biard. Le premier est un militant politique belgo-libanais fondateur de la Ligue arabe européenne et proche du Hezbollah. Le second est à l’époque une figure politique emblématique du Vlaams Blok, ancêtre du parti politique d’extrême droite flamand Vlaams Belang. Le but de ce double assassinat aurait été d’entraîner la Belgique dans une guerre civile « qui conduirait à l’avènement d’un État flamand », détaille le politologue spécialiste de l’extrême droite.
Condamné alors à 5 ans de prison pour terrorisme, formation de bande criminelle et possession d’armes prohibées, « il a été libéré depuis lors et on le voit réapparaître » régulièrement. Comme en 2021 quand il a soutenu le militaire Jürgen Conings qui avait menacé de mort le virologue Marc Van Ranst lors du Covid en 2021 et avait volé le 17 mai des armes lourdes dans la caserne de Bourg-Léopold. Il avait mis fin à ses jours dans un bois du Limbourg après une chasse à l’homme qui avait duré plus d’un mois. Ce 17 mai, Vrienden van Breydel s’est rendu sur les lieux où il a été retrouvé mort pour commémorer sa mémoire.
La Belgique mais aussi les immigrés en ligne de mire
Tomas Boutens, t-shirt de Vrienden van Breydel sur le dos, avait invité les proches de l’association à participer à leur fête annuelle ce 5 juillet. Il y a pris la parole tout comme Constant Kusters, un politicien néerlandais leader de la Nederlandse Volks-Unie (NVU), un parti reconnu pour ses idées néonazies. L’homme a été plusieurs fois condamné pour incitation à la haine raciale et pour des actes liés à la diffusion de propagande néonazie. Vrienden van Breydel reposte régulièrement des publications de la chaîne Youtube et de son parti.
Pas étonnant car l’un des chevaux de bataille de l’association d’extrême droite, outre la fin de la Belgique, est la lutte contre l’immigration. Le 7 avril dernier, Vrienden van Breydel a marché à Gand aux côtés de la Nationalistische Studentenvereniging (NSV, une fraternité étudiante flamande nationaliste régulièrement associée à des slogans racistes) lors d’une manifestation sous le slogan « Génération Remigration ». Elle avait donné lieu à des affrontements avec des contre-manifestants antifascistes et à des arrestations.


















