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Ses allocations sont trop élevées, ce couple d'invalides doit rembourser les impôts: "Le gouvernement donne d’un côté et reprend de l’autre!"

Ces dernières années, le gouvernement a augmenté les allocations pour les personnes invalides. Une bonne nouvelle. Mais qui peut avoir une conséquence inverse: la compagne invalide de Philippe, lui-même invalide, doit désormais remettre de l'argent à l'État après le décompte fiscal annuel.

Philippe (prénom d'emprunt afin de respecter le souhait d'anonymat), un habitant d’Havelange (Province de Namur), nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous pour nous faire part d'une situation qu'il juge "aberrante". Sa compagne, reconnue invalide, doit rembourser les impôts pour la deuxième année consécutive. Or, auparavant, depuis le début de son invalidité en 2009, il affirme qu'il n’en était rien. Pour Philippe, lui aussi invalide, le responsable est tout trouvé: des augmentations de leurs allocations octroyées par le gouvernement ces dernières années mais qui s'avèrent finalement des "cadeaux empoisonnés". Au final, sa compagne dépasserait un barème fiscal et basculerait dans une tranche supérieure qui la prive d'une réduction complémentaire d'impôts. "Le gouvernement donne d’un côté et reprend de l’autre. Ça ne sert à rien de faire des augmentations de revenus alors !", conclut Philippe.


Une santé qui se détériore

Philippe raconte que sa femme était femme de ménage dans une commune bruxelloise et a dû cesser son activité en 2009, présentant les symptômes de la fibromyalgie. Elle a été déclarée invalide par l'INAMI la même année. Philippe poursuit en déclarant qu'il a lui-même été déclaré invalide l'année suivante après un passage chez un médecin-conseil suite aux conséquences d'une chute: "À l’époque, je travaillais dans un magasin de chaussures. Je transportais une nouvelle collection quand soudain j’ai trébuché. Une collègue avait oublié une boite dans le couloir et j’ai perdu l’équilibre. J’ai subi une sorte du coup du lapin, car je suis tombé sur mon menton. J’ai été croqué comme on dit. Je souffrais à l’époque déjà de la présence de poches d’eau dans la colonne vertébrale" affirme-t-il.


"Un vol manifeste"

Invalide, le couple bénéficie désormais d’allocations de remplacement de revenus (ARR). Les ARR sont octroyées aux personnes handicapées de moins de 65 ans qui, en raison de leur situation physique ou mentale, peuvent gagner tout au plus 1/3 de ce qu'une personne valide peut gagner sur le marché du travail. Pour le calcul des allocations, "il est tenu compte de la personne avec qui elle forme un ménage", informe le ministère de la Santé.

Aujourd’hui, Isabelle qui a été déclarée cheffe de ménage nous indique recevoir un revenu de 1530 euros par mois. Philippe, lui, percevrait une indemnisation qui avoisine les 950 euros mensuels. Au total, le couple bénéficierait donc d'une enveloppe d'environ 2480 euros composée uniquement d’ARR. Un montant que Philippe juge trop faible pour subvenir aux besoins et aux soins du couple. D’autant plus que pour l’exercice d’imposition 2018, l’administration fiscale réclame à Isabelle 769 euros. "Et l'an dernier, elle a dû rembourser 689€", assure-t-il. "C'est une aberration et un vol manifeste. Nous n'avons aucune richesse et nos seules économies se sont envolées en frais médicaux depuis 2009. Pour l'un comme pour l'autre", rumine Philippe.


Isabelle n'a pas droit à une réduction d'impôt supplémentaire

Alors, comment expliquer qu’Isabelle doive rembourser l'État ? Que dit la fiscalité belge en matière d’impôt pour les personnes invalides ? Ouvrons le "Memento fiscal" belge, bible fiscale publiée par le ministère des Finances. Les personnes qui bénéficient d’ARR ont droit à une série de réductions d’impôts.

Une fois ces réductions calculées, lorsque l’ensemble des revenus nets consiste exclusivement en revenus de remplacement (ARR) et n’excède pas 15.568,12 euros, une réduction complémentaire amène l'impôt à zéro. Mais dans le cas d’Isabelle, avec un revenu avoisinant les 1500 euros par mois (1500x12=18.000 euros), ce montant est désormais dépassé. Isabelle n'a donc plus droit à la réduction complémentaire car aux yeux de l'administration fiscale, ses revenus sont trop importants.


Le principe des vases communicants

Isabelle n’est pas un cas isolé, d'autres personnes invalides sont dans la même position. Une problématique large qui s'inscrit dans un mécanisme de "piège au revenu" déjà évoqué sur notre site. Pour bien cerner la problématique, un bref retour en arrière est nécessaire.

  • En mai 2015, le pécule de vacances des malades de longue durée, invalides et des pensionnés avait été augmenté en vertu de l’accord social sur l’enveloppe bien-être. En apparence une très bonne nouvelle mais cependant des milliers de bénéficiaires avaient déjà vu leurs revenus diminués en raison de la ponction fiscale.
  • En septembre 2017, rebelote. Le projet d’accord interprofessionnel 2017-2018 avait prévu au calendrier de meilleures allocations. À nouveau, la problématique fiscale s'était posée.

Le problème a été évoqué à plusieurs reprises par l'opposition, les syndicats et les mutualités ces dernières années. Manon Cool est chargée de communication à l’ASPH (l'Association socialiste de la Personne Handicapée). Elle nous fait savoir: "La fiscalité des personnes invalides est une politique très pointue et complexe. C’est souvent l’incompréhension pour les personnes concernées. Nous recevons d’ailleurs de nombreux appels à ce sujet à notre call-center ".


Une solution attendue

"Cette problématique existe depuis longtemps. Un effort important a déjà été consenti par le gouvernement pour résoudre le piège aux revenus", dit Caroline Dujacquier, porte-parole du ministère des Finances. Un abaissement supplémentaire de la pression fiscale sur les revenus de remplacement doit être discuté au sein du gouvernement. Elle conclut: "Le ministre transmettra bientôt une proposition visant à réformer cette fiscalité complexe. Des choix devront néanmoins être faits en fonction du contexte budgétaire".

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