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« Travail de sape » : des centaines de magistrats publient une lettre ouverte pour dénoncer le gouvernement

Par RTL info avec Belga
Des centaines de magistrats ont publié une lettre ouverte pour dénoncer ce qu’ils appellent le « travail de sape » du gouvernement actuel à leur encontre.

Depuis plus de 10 ans, des lois successives ont grignoté l’indépendance de la justice « de manière insidieuse et invisible, en aggravant lourdement les conditions de travail ». Les magistrats se doivent désormais de réagir : au-delà de la demande de conditions de travail correctes, il s’agit avant tout de défendre la démocratie et l’équilibre des pouvoirs, exposent-ils dans une carte blanche transmise mardi à l’agence de presse Belga et publiée sur la plateforme change.org. Plus de 350 magistrats appuient ce cri de colère, dont près de 300 juges.

Dans ce courrier de près de trois pages, les magistrats dénoncent un « travail de sape » des politiques à l’égard de la Justice, dont l’attaque sur les pensions ne constitue que le dernier élément.

« Les politiques ne conçoivent la justice que comme un ‘service au justiciable’ et non plus comme un pouvoir constitutionnel autonome garant de l’État de droit », peut-on lire dans ce courrier, initié par des juges et magistrats bruxellois. On en finit par oublier que le rôle du pouvoir judiciaire est aussi d’exercer « un contrôle sur les pouvoirs exécutif et législatif », de manière à garantir les « valeurs essentielles de l’État », et donc la démocratie, ajoute le texte.

« L’actualité politique internationale, notamment en provenance des États-Unis, nous rappelle à quel point il est impératif que l’action des élus soit encadrée par des institutions fortes », et donc une justice forte, poursuivent les signataires.

La volonté du gouvernement Arizona de diminuer la pension des magistrats a récemment mis le feu aux poudres, la Justice dénonçant depuis des années un sous-investissement chronique qui ne lui permet pas de fonctionner correctement.

Les pensions ne sont finalement que le révélateur de la « volonté du pouvoir exécutif d’affaiblir et de décrédibiliser le pouvoir judiciaire et de l’asservir progressivement au pouvoir exécutif », affirme la carte blanche publiée mardi.

Via les attaques successives aux conditions de travail, « depuis 2011 au moins », l’indépendance de la Justice a été sapée, assurent les magistrats : « la surcharge générée et le manque de moyens sont devenus tels que les juges en sont réduits à rendre la justice ‘à la chaîne’, (…) tandis que le Ministère public n’est plus en mesure de poursuivre et d’enquêter correctement ».

La conclusion est sombre, et l’appel à l’action des magistrats est clair : « le statu quo n’est plus possible (…) Il appartient aux magistrat.e.s d’agir dans le respect de leur déontologie, de sortir de leur réserve en faisant preuve de courage et de résistance (…) Il serait naïf de penser que la mobilisation à venir puisse se faire sans esclandre, sans remous et sans conséquence immédiate pour le justiciable ». Mais les actions « doivent dépasser les enjeux de l’indexation des pensions », précisent les auteurs, « et être pensées comme une nouvelle ère pour le monde judiciaire qui entend reprendre sa place et son rôle : celle de garantir la survie de notre démocratie (…) tout en défendant pour le futur, le droit du justiciable à une justice indépendante et de qualité ».

Parmi les signataires, au nombre de 369 selon une liste transmise par les initiateurs de la carte blanche, figurent 292 juges, mais aussi d’autres magistrats (substituts du procureur, avocats généraux…), ainsi que l’ASM (Association syndicale des magistrats) et l’UPM (Union professionnelle de la magistrature).

L’idée est de permettre désormais au grand public de soutenir le message, en transformant la lettre ouverte en pétition qui peut être signée en ligne par tout un chacun. « Il faut donner le signal au politique que ce n’est pas qu’une revendication des juges », souligne Oriana Simone, juge à la chambre du conseil de Bruxelles et initiatrice du courrier avec d’autres de ses collègues.

Si ce cri de colère était initialement local, destiné à rassembler essentiellement la magistrature bruxelloise, « il a eu un succès inattendu », avec énormément de réactions positives de toute la Belgique francophone, se réjouit-elle.

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