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À la suite de l’attentat terroriste perpétré ce lundi à Bruxelles, les autorités décrivent Abdessalem Lassoued comme un "loup solitaire" ayant agi tout seul. Ce mardi soir, le groupe terroriste Etat islamique a pourtant revendiqué l'attaque. Pour Mohamed Fahmi, chercheur à l’ULB et spécialiste dans la propagande de l’État islamique, le groupe l'aurait revendiqué par "opportunisme" comme c'est déjà arrivé par le passé. Explications.
Abdessalem Lassoued, 45 ans et d'origine tunisienne, a perpétré et revendiqué l'attentat terroriste survenu ce lundi soir dans le centre de Bruxelles. 24h plus tard, c'était au tour du groupe terroriste Etat islamique de revendiquer l'attaque.
L'EI revendique-t-il l'attentat par opportunisme comme c'est déjà arrivé par le passé? L'assaillant avait-il vraiment des liens avec l'organisation terroriste? Pour y voir plus clair, Mohamed Fahmi, chercheur à l’ULB et spécialiste dans la propagande de l’État islamique, analyse la situation.
Il y a un décalage qui vient renforcer l’hypothèse d’opportunisme de l’Etat islamique
Contradictions entre la revendication de l'assaillant et du groupe Etat islamique
L'Etat islamique a revendiqué l'attaque via un communiqué qui tourne déjà sur les réseaux sociaux. "Un combattant de l’Etat islamique a mené une attaque contre des ressortissants suédois lundi", a notamment déclaré l'organisation terroriste dans un communiqué publié sur Amaq, l’organe de presse de l’organisation, ajoutant que "cette attaque survient dans le contexte d’opérations menées par l’EI pour cibler des ressortissants des pays de cette coalition".
Mohamed Fahmi a pu consulter ce communiqué: "Je pense que l’Etat islamique a revendiqué l'attentat de Bruxelles par opportunisme, notamment car il y a une contradiction entre la revendication de l’auteur et ce que dit l'Etat islamique", nous explique-t-il par téléphone.
"L'auteur dit s’en prendre à des Suédois pour venger les musulmans et venger les transgressions contre le Coran (ndlr, des Corans ont été brûlés à plusieurs reprises en Suède cet été). Alors que l'EI dit que cette attaque intervient suite à la demande du groupe de s'en prendre aux membres de la coalition internationale et que cette attaque survient dans ce contexte-là", développe le spécialiste.
Nous avons, d'une part, l’auteur des faits qui dit avoir agi dans un contexte particulier et, de l'autre, nous avons l'Etat islamique qui dit que cette attaque intervient dans un contexte général. "Si on regarde les contenus, il y a un décalage qui vient renforcer l’hypothèse d’opportunisme de l’Etat islamique", estime le chercheur. Cependant, l'enquête ne fait que commencer, "il faut donc attendre pour voir quels étaient les liens entre l'individu et l'EI", ajoute-t-il.
Ça participe à l’alimentation de la peur auprès de la population
Pourquoi revendiquer une attaque s'ils n'en sont pas les auteurs?
Il y a déjà eu des critiques par le passé concernant des revendications de l’EI par opportunisme sur des attaques qu'ils n'avaient finalement pas "organisées" ni perpétrées. Pour Mohamed Fahmi, "l’opportunisme est rentable pour l'EI au niveau communicationnel car ça leur permet de dire, au moins à leurs partisans, que cette organisation est toujours capable de frapper l’Europe, ça envoie comme signal: 'Nous sommes forts'", analyse le spécialiste de la propagande de l'EI.
Car l’objectif de l’Etat islamique, c'est de faire peur: "C'est en effet une de leur stratégie et un des objectifs du terrorisme: on démontre notre force et on dit à l’ennemi: 'Nous sommes capables de vous faire peur, de vous atteindre'. Ça participe à l’alimentation de la peur auprès de la population", analyse Mohamed Fahmi.
Revendiquer cette attaque, même s'ils n'en sont pas les commanditaires, permet également de "renforcer l'image de l'EI". Car depuis la chute de Baghouz (ndlr, leur dernier territoire) en 2019 et la perte de tous leurs territoires, "l'EI mène toujours des activités en Syrie et en Irak mais de beaucoup plus faible intensité en comparaison avec leur époque d'apogée". Leur "plan d'attaque" mais aussi leur image se sont donc affaiblis.
Revendiquer l'attentat de Bruxelles permet donc de montrer que l'EI est toujours là, partout et peut frapper à tout moment. C'est sa manière de montrer que l'organisation terroriste existe toujours, nous explique notamment Mohamed Fahmi.



















