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La compagnie aérienne à bas prix, l'une des plus lucratives de la planète, emploie plusieurs milliers de membres d'équipage originaires des quatre coins de l'Europe, et même bien au-delà. Pourtant, hôtesses de l'air et stewards sont de plus en plus nombreux à dénoncer leurs conditions de travail au sein de la compagnie.
Comme dans toutes les compagnies aériennes, le rôle des stewards et hôtesses, est d'accueillir les passagers, de préparer l'avion, d'assurer la sécurité, et bien sûr, de faire le service à bord.
Mais chez Ryanair, membres d'équipage et anciens salariés dénoncent une autre réalité: au-delà du bon déroulement des trajets, leur principale mission serait surtout de vendre à bord et à tout prix pendant le vol. "Après le décollage, dans les 10 minutes, on doit commencer le service. On commence par les sandwichs et les repas chauds...", témoigne Sara, ex-hôtesse de l'air. Avant de lâcher: "Les ventes à bord chez Ryanair, c'est vraiment indispensable pour l'entreprise, parce que vous payez des vols très peu chers, donc Ryanair doit faire des bénéfices quelque part."
Sur des vols de quatre heures, proposer un café ou un en-cas "c'est normal", estime Sara. Mais sur un court trajet, comme les nombreux que l'on trouve depuis les aéroports de Charleroi et Bruxelles? "Dans un vol de 45 minutes, nous, nous serons là pour nous assurer que certains passagers achètent un café", explique-t-elle. "Parfois, on pousse vraiment parce que nous sommes poussés à le faire et à encourager les passagers à acheter, peu importe le produit, mais acheter, dépenser de l'argent."
Interrogés discrètement sur les ventes à bord, deux stewards l'affirment: ils touchent des commissions sur les produits achetés par les passagers. Un gain intéressant? "Pas si mal", répondent-ils.
Une commission, mais aussi des objectifs à atteindre. À bord, les hôtesses et stewards encaissent leurs ventes sur un smartphone de la compagnie. Leur terminal a une particularité: il fixe le chiffre à atteindre par chacun des quatre membres de l'équipage. C'est ce qui est appelé une "target", dans le jargon.
Surveillés?
À la fin d'un vol, des émojis évaluent les vendeurs. "Je sais qu'avoir des chiffres rouges ou des smileys tristes, ça veut dire qu'on aura peut-être des problèmes avec nos superviseurs", reprend Sara, ex-employée. "On peut, par exemple, être contacté lors de nos jours de repos par nos superviseurs ou bien même par le siège de Dublin pour nous demander combien de barres chocolatées on a vendu pendant la semaine."
Selon Joao, steward, cette technique est une manière de tracker ses employés. "La compagnie a mis en place ces appareils individuels pour surveiller précisément combien on a vendu tel mois, tel jour, tel vol, à quelle heure... Pour la compagnie, c'est super, parce ça crée de la compétition: si je suis en compétition avec quelqu'un d'autre, je vais certainement vendre plus. Donc ça rapporte plus à la compagnie, mais la conséquence, c'est la concurrence au sein des équipages..."
"Certains n'en ont rien à faire "
Selon Sara, certains collègues iraient jusqu'à "voler" certaines ventes aux autres. "Par exemple, un passager te demande une barra chocolatée, mais tu n'en as pas dans le chariot avec toi. Donc tu vas lui en chercher un. Et à ton retour, ton collègue est là et te dit ' Non, j'étais là avant'", rapporte-elle. "Moi, je suis attentif à la sécurité des passagers, mais d'autres n'en ont rien à faire", raconte un employé pendant un trajet. "Certains veulent seulement vendre, vendre, vendre des trucs." D'autres achèteraient même eux-mêmes afin d'avoir de bons scores...
Le but de la compagnie serait donc d'avoir une compétition interne afin que les ventes augmentent, selon Felipe, chef de cabine. "Ce n'est pas la même chose vendre un café à 3 euros que vendre 15 parfums et faire 600 euros sur ta machine..." En plus des snacks, des boissons, des repas, des parfums et des cadeaux, il est aussi possible d'acheter des cartes à gratter à bord. Cinq pièces sont vendues cinq euros, par exemple. Une loterie "made in Ryanair"...
Au-delà de la paix de leurs supérieurs, que remportent ces "meilleurs vendeurs" mis sous pression? Pour ceux qui auront le plus vendu, ils seront invités à à une soirée de remise de prix. Ils y reçoivent des sacs, des tablettes, des voyages.