Partager:
C’est une réelle success-story. Noa, un jeune Montois de 20 ans s’est lancé dans la vente de vêtements de seconde main. Chaque mois, il vend plus de 20.000 vêtements sur des plateformes en ligne, avec à la clé… jusqu’à 35 000 euros de chiffre d’affaires mensuel.
« On a la petite étiquette à l’intérieur ici, Ralph Lauren, très très belle pièce, exclusive pour vous. », annonce Noa, 20 ans, en direct sur les réseaux sociaux à ses abonnés. Une demi-heure de rush en mode shopping : « On vous lance maintenant, un euro, prix de départ. On est sur une grosse puffer, Ralph Lauren, ça coûte plus de 300 euros en magasin. 50 euros tu coffres ça pour l’hiver ! »
Les enchères grimpent à distance : « un petit trench Burberry en cuir brun… 26 euros, 27 euros, 32 euros, 36 euros, 44 euros, 50 euros pour l’instant, il faut se battre ! » Nous assistons à des ventes express avec un article vendu à chaque minute.
Bilan : un bon millier d’euros dans la caisse. « Les gens n’ont plus beaucoup de temps, ils ont besoin de consommer rapidement. Avec le live shopping, on voit que les gens enchérissent, c’est ludique. Ils enchérissent avec leurs doigts, ils montent les enchères, les prix augmentent. Pour eux, c’est vraiment une sorte de jeu », analyse Noa. « Et pour nous, ça nous permet de vendre 35 articles en l’espace de 30 minutes, or qu’en boutique, en 30 minutes, on ne peut même pas en vendre un, et là on fait 1000 euros en 30 minutes, c’est assez incroyable. », admet le jeune homme.
Noa revend aussi via Vinted en professionnel. Les annonces sont créées avec l’intelligence artificielle. « Ça nous permet de prendre une photo et de créer directement l’annonce sur Vinted, avec la taille, l’article, la couleur. »
Sa source, ce sont des paquets achetés à des grossistes, 5 à 6000 vêtements par mois. Il faut trier dans un timing serré : 2 minutes 30 par article, car une partie du travail a déjà été faite ailleurs.
Et la planète dans tout ça ?
Portés par les Européens, les vêtements sont partis pour le tri au Pakistan, puis en Thaïlande. « On rachète en Thaïlande, ils reviennent en Europe, ils sont revendus en Europe. Donc d’un point de vue écologique, on pourrait dire que c’est assez conséquent, tous ces voyages, etc. Mais un vêtement neuf coûte beaucoup plus cher à produire que le seul circuit du vêtement de seconde main », assure-t-il.
L’excès, c’est quand on va acheter peut-être plus parce qu’on peut revendre
La friperie à l’échelle mondiale questionne. L’ASBL Eco-conso s’intéresse au choix de consommation. Selon l’association, quand l’économie circulaire fait le tour du globe, elle perd son sens. « L’excès, c’est quand on va acheter peut-être plus parce qu’on peut revendre, et donc on est moins culpabilisé par le fait d’acheter beaucoup », s’inquiète Jonas Moerman, conseiller énergie au sein de l’association. « En fait, on voit que globalement, on ne va pas produire moins, même si ce sont des plateformes qui permettent de revendre en seconde main. »
On parle ici de 130 milliards de vêtements chaque année. Nous ne portons que 30 % de notre garde-robe.
Noa a décidé d’arrêter ses études pour la vente. Deux amis l’aident et il brasse beaucoup de vêtements et d’argent. « Mercredi 28 mai, on a fait 5 000 euros de chiffre », nous dit-il.
Au total, 35 000 euros le mois dernier. Pourtant, Noa se verse 1 400 euros de salaire pour 10 à 12 heures de travail tous les jours. « Je ne me réveille pas un jour sans penser à ça. Tous les jours, c’est boulot, boulot, boulot. Penser aux fournisseurs, penser aux clients, penser aux colis, penser au live, etc. Ça prend vraiment beaucoup d’énergie », admet-il.
Un modèle rentable ?
Le modèle tient-il la route ? Pour l’économiste Julie Hermans, il y a des pièges. Les jeunes oublient parfois la rentabilité et s’épuisent dans leurs projets. Il y a aussi la question du partage : « Aujourd’hui, c’est un peu comme si on avait tous une grande garde-robe partagée. Et se pose la question maintenant de pouvoir se répartir la valeur de façon équitable pour éviter qu’on se retrouve dans des situations où la pression soit mise uniquement sur certains acteurs comme les Petits Riens ou les autres acteurs de l’économie sociale. Alors que d’autres, de façon peut-être plus opportuniste, sont en train de créer de la valeur mais qui ne permet pas d’être redistribuée ».
Noa poursuit son chemin. Son projet : ouvrir sa propre boutique en plein centre-ville. « C’est un modèle économique assez simple à réaliser. Vendre des vêtements, ce n’est pas compliqué, c’est facile. C’est un marché d’avenir et c’est ce qu’on pense. On va voir de plus en plus de friperies s’ouvrir au fil du long terme, au fil des années. »
Le business des bonnes affaires, c’est le choix de Noa qui en apprend tous les jours avec la force d’une communauté.


















