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Le parti pro-russe Harmonie a remporté les élections législatives de samedi en Lettonie, devant les populistes dont certains n'excluent pas de former une coalition gouvernementale avec lui, mais ce pari est loin d'être gagné.
Selon les résultats quasi définitifs publiés dimanche matin, Harmonie arrive premier avec 19,9% des voix, devant les populistes du KPV LV (14,06%) - qui disent pouvoir collaborer avec toutes les formations, sans "ligne rouge" - et ceux du Nouveau Parti Conservateur (13,6%).
Ils sont suivis par une nouvelle alliance libérale Développement/FOR, avec 12,0%, l'Alliance nationale (droite) 11,0%, les Verts et les Paysans (centre-droit) du Premier ministre sortant Maris Kucinskis, 10,0%) et Nouvelle Unité (centre-droit) 6,7%.
Selon les projections de la télévision publique en termes de sièges, Harmonie devrait en obtenir 24, et le KPV LV, considéré comme son partenaire potentiel, 15, ce qui, avec un total de 39, serait loin de leur donner la majorité requise de 51 députés dans une chambre qui en compte 100.
Harmonie, populaire au sein de l'importante minorité russophone et qui remporte son quatrième scrutin législatif, n'a pas pu former de gouvernement lors des trois précédents.
Aucun autre parti politique n'a accepté par le passé de s'allier avec cette formation qui avait dans le passé conclu un accord de coopération avec le parti Russie Unie de Vladimir Poutine - mais elle en est sortie discrètement l'an dernier.
Le chef d'Harmonie, le maire de Riga, Nils Ushakovs, a dès samedi soir affiché son ambition de réussir, cette fois-ci, à faire entrer son parti au gouvernement.
- "Aucune coalition sans Harmonie" -
"Aucune formule de coalition qui puisse paraître stable et capable (de gouverner) n’est possible sans Harmonie", a déclaré Ushakovs à l’agence LETA, commentant les résultats. "Sinon, vous pourriez avoir une coalition de xénophobes et de partisans des droits des homosexuels, et un tel gouvernement ne tiendrait pas plus de deux ou trois semaines".
Mais une chambre divisée entre sept partis offre de multiples possibilités de coalition, qui feront l'objet d'abord de contacts informels entre leurs leaders.
Les analystes, prudents, pensent qu'un gouvernement comprenant Harmonie et le KPV LV est moins probable que la reconduction de la coalition sortante de centre-droit, selon la formule à trouver avec les nouveaux partis politiquement proches.
Le président des Verts et Paysans, Augusts Brigmanis, a déclaré samedi soir que "l'initiative d'engager des pourparlers en vue d'une coalition devait venir du centre droit", selon l'agence LETA.
"Le nouveau parlement est très fragmenté", a dit à l'AFP le politologue Filips Rajevskis.
"Je pense qu'un nouveau cabinet ne verra pas le jour avant la mi-novembre. On aura des fuites et des révélations de nouveaux scandales, le processus de formation du gouvernement ne sera pas beau à voir", a-t-il pronostiqué.
"Les partis ayant de l'expérience devront donner quelques leçons aux nouveaux arrivants" qui devront apprendre à faire des concessions par rapport à leur rhétorique électorale.
- Solution de continuité -
Lorsque la nouvelle chambre entrera en session début novembre, le président Raimonds Vejonis devra charger une personne de former le gouvernement. Comme le chef de l'Etat a laissé entendre avant les élections qu'il opterait volontiers pour une solution de continuité, il semble peu probable qu'il choisisse le candidat d'Harmonie Vjaceslavs Dombrovskis ou celui du KPV LV, le juriste Aldis Gobzems.
Mais le Premier ministre sortant Maris Kucinskis ne paraît pas non plus un choix facile, son parti, les Verts et les Paysans ayant à peine atteint 10% des suffrages. Ce qui pourrait donner une chance à l'ancien ministre des Affaires étrangères et de la Défense Artis Pabriks, candidat présenté par les libéraux de Développement/FOR.
Le déroulement du scrutin a été accompagné, mais non perturbé, par une cyberattaque contre le principal réseau social letton Draugiem.lv.
Ses utilisateurs ont vu apparaître sur leurs écrans un message d'apparence pro-Kremlin, en russe: "Camarades lettons, cela vous concerne. Les frontières de la Russie n'ont pas de limites".
La crainte d'un rapprochement avec Moscou était sensible chez certains électeurs interrogés par l'AFP dans ce pays balte de 1,9 million d'habitants dont l'histoire est marquée par des relations difficiles avec le grand voisin russe, dont un demi-siècle d'occupation soviétique.
"Harmonie s'adjugeant le prochain gouvernement avec les populistes - cette menace est réelle", avait assuré à l'AFP Aigars Karklins, devant son bureau de vote à Rezekne, dans l'est du pays.