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Zhang Yifei, surnommée « Fifi », vit en Belgique depuis 36 ans et transmet avec conviction l’héritage d’Hergé et de son père au grand public. Elle est la fille de Tchang, un sculpteur chinois qui parlait français et qui a eu le privilège de devenir un grand ami d’Hergé. C’est lui qui lui a permis de trouver le ton juste pour écrire l’un de ses plus grands succès : le Lotus Bleu.
Tchang a permis à Hergé d’éviter la caricature qu’on lui reprochait dans ses précédents albums
En 1934, Hergé a déjà publié Tintin chez les soviets, au Congo, en Amérique. On lui reproche d’être simpliste et caricatural. Alors quand il décide d’expédier son personnage fétiche en Chine, un prêtre belge le prévient. « Il m’a dit ‘Si vous envoyez Tintin en Chine, il y a des tas de clichés que vous allez certainement utiliser : vous allez leur mettre des tresses à ces Chinois, leur faire manger des nids d’hirondelle et des petits chiens et dire qu’ils jettent leurs enfants à l’eau dès leur naissance, racontait Hergé dans une interview. Faites attention : vous allez nous faire un tort considérable. Comme ils m’avaient dit ça, j’ai répondu que je ne demandais qu’à m’instruire. C’est à ce moment-là qu’ils m’ont mis en contact avec un jeune Chinois ». Ce jeune homme n’est autre que Tchang, étudiant en peinture et en sculpture à l’académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, ayant le même âge qu’Hergé.

« On s’est bien amusés : on a créé une bande dessinée »
Tchang devient le mentor d’Hergé et son ami proche. Il devient aussi l’ami de Tintin, car le dessinateur en fait un personnage de l’album. Sa fille se souvient que son père lui en avait parlé : « Il m’avait dit ‘Avec Georges, on s’est bien amusé, on a fait une bande dessinée intitulée Le Lotus Bleu’ », raconte-t-elle.

Lorsqu’Hergé décède, en 1983, Tchang se rend sur le lieu de travail de sa fille pour le lui annoncer, en pleurs. « J’étais en réunion, se souvient-elle. Mes collègues me disent ‘Ton père t’attend’. Je le vois tristement assis. Et là, mon père me dit ‘Hergé est mort’, les larmes aux yeux. J’étais très ému de voir mon père en larmes devant tous mes collègues. Il m’a dit ‘Fifi, tu sais, c’est un grand artiste. C’est un ami très cher pour moi. Ce n’est pas un ami au sens général, c’est un ami très profond. Il faut que tu participes à transmettre son œuvre, nos échanges amicaux’ ».

Zhang Yifei arrive en Belgique en 1985 et découvre tous les albums de Tintin
C’est ainsi que Zhang Yifei arrivera en Belgique, deux ans plus tard, et postulera à la boutique Tintin située à la Grand-Place afin d’être en mesure de pouvoir lire tous les albums de la série. « C’est comme ça que je suis entrée dans cet univers, explique-t-elle. 36 ans après, je me rends compte que j’ai appris plein de choses dans la création d’Hergé. À travers Hergé, je vois un véritable échange culturel. Il faut soi-même beaucoup apprendre sur sa propre civilisation, son propre art, sa culture. C’est la base de l’échange entre les cultures. Le Lotus Bleu à beaucoup à nous apprendre sur nous-mêmes ». Pour Zhang Yifei, l’oeuvre d’Hergé n’a pas changé une personne, mais bien toute une génération.
Tchang est resté jusqu’à sa mort en 1998, un artiste prolifique, ses œuvres sont exposées à Shanghai, sa fille poursuit le devoir de mémoire au sein du musée Hergé, créant des passerelles en l’Orient et l’Occident.


















