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« Coups de poignard dans le vagin, muscles cisaillés, douleurs non-stop… » : les bandelettes, solution miracle contre les fuites urinaires, détruisent des vies

Par RTL info avec Corentin Simon, Charlotte Simonart, Xavier Gérard et Kévin Joris
Elles sont vantées comme une solution miracle contre les fuites urinaires. Cinq à neuf mille femmes se font opérer chaque année en Belgique. Mais les bandelettes sous-urétrales (ou urinaires) sont aujourd’hui au cœur d’un scandale sanitaire. De nombreuses femmes souffrent de complications graves au point que plusieurs pays ont décidé de l’interdire. Mais chez nous, la pratique n’est toujours pas plus encadrée.

Elles sont chaque année des milliers à se faire opérer. Une bandelette placée sous l’urètre et l’incontinence n’est qu’un mauvais souvenir. « Mon gynécologue m’avait dit qu’il y avait une solution de confort, mais qui était vraiment très banale et rapide », témoigne une patiente venue rendre visite à deux autres victimes de la pratique à Aiseau-Presles.

Selon leurs médecins, « c‘est juste 20 minutes d’opération et après c’est miraculeux, vous allez voir », confirme Delphine Rabito, 51 ans, d’Oupeye : « Je suis sortie de la salle d’opératoire, je ne savais plus marcher de ma jambe. »

Si ces opérations chirurgicales sont dans la plupart des cas une réussite, il y a des échecs… qui détruisent des vies. « Si j’avais su que c’était ce genre de choses, mais jamais, au grand jamais, j’aurais subi cette intervention », confirme Carine Tedesco.

Placées sous l’urètre pour le soutenir

Ces trois femmes regrettent avoir fait confiance à leur gynécologue. Comme une femme sur cinq, elles étaient victimes de fuites urinaires vers 40 ans. Vendues comme la solution miracle, ces bandelettes sont placées sous l’urètre pour le soutenir et empêcher ces fuites urinaires.

Dans certains cas, comme chez nos trois témoins, les conséquences de l’opération ont été dramatiques. Pour l’une d’elles, impossible d’uriner normalement : « Tu devais te sonder régulièrement pour aller aux toilettes, tu ne savais plus aller aux toilettes naturellement ? » lui demande Carine. « Voilà, ça, c’étaient les premières complications postopératoires. Ça a fait énormément de dégâts, mes muscles ont été cisaillés. Ça a été des douleurs non-stop, dans les jambes, le dos. » « Même dans les relations intimes », renchérit Delphine. « Des coups de poignard dans le vagin, des brûlures, il y a de tout », conclut Carine.

Un document de consentement éclairé qu’elles n’ont jamais dû signer

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Opérée en 2018, Delphine ne sait par exemple toujours plus s’asseoir sans un coussin spécial. « Ça permet de ne pas faire pression sur mes nerfs obturateurs. » Elle, comme les deux autres victimes, disent avoir été trompées : « On est un peu ignorantes au départ. On fait confiance aux médecins, ils savent bien ce qu’ils font. Donc nous, on dit oui, OK, on m’a vendu du rêve, donc je vais le faire. Donc on suit, quoi. Mais après, quand on se rend compte des dégâts que ça fait… »

Un des problèmes est qu’aucune de ces femmes n’a signé de consentement éclairé, alors que ce document existe. Il est rédigé par la Société Belge d’Urologie. Est-ce qu’on informe assez les patientes des potentiels risques ? « Probablement, on ne le fait pas assez », reconnaît Emmanuel Dardenne, le président de la Société Belge d’Urologie. « Mais maintenant, en médecine, on est quand même beaucoup plus prudents que ce qu’on était il y a 15 ans. Et donc, en général, on passe en revue avec la patiente, lors de la consultation, toutes les complications possibles, on les informe. Et puis on met en balance, en gros, le bénéfice qu’elle pourrait tirer d’une intervention et les complications possibles. Il faut que ça en vaille la peine. »

Certains pays interdisent la pratique : plus vite 10 % de complications que 3 %

Dans le document de consentement éclairé, la bandelette est présentée comme l’intervention de référence avec un taux de réussite de 97 %. Toutes trois feraient donc partie des 3 % malchanceuses. Chaque année, en Belgique, on place entre 5 000 et 9 000 bandelettes depuis 30 ans. Combien entraînent réellement des complications ? Cela reste un mystère, mais les problèmes récurrents sont bien connus de Paolo Napoleone, l’ostéopathe chez qui Carine doit aller tous les trois mois pour soulager ses douleurs. « La bandelette irrite le nerf obturateur, et ce nerf obturateur est responsable de l’innervation sensitive et motrice de toute la face interne de la cuisse. Et donc, de nombreuses femmes qui sont porteuses de ces bandelettes viennent en consultation parce qu’elles ont des douleurs à la face interne de la cuisse », explique-t-il.

Plutôt que 3 %, des études internationales estiment aujourd’hui que les risques de complications dépassent les 10 %. Ce qui a poussé l’Écosse, le Royaume-Uni, l’Australie ou l’Irlande à carrément interdire ou suspendre l’utilisation des bandelettes. En France, leur utilisation est désormais mieux encadrée. Une petite victoire pour Anne-Laure Castelli, présidente de l’association française « balance ta bandelette » : « À un moment donné, il faut arrêter et développer d’autres techniques parce que ça détruit des vies. Il y a des femmes qui ont décidé d’en finir. J‘y ai pensé moi-même », témoigne-t-elle.

Aucune mesure prise en Belgique : la bandelette reste l’option la plus recommandée

En Belgique, il n’existe pas de mesure d’encadrement, rien. Thierry Roumeguère, professeur d’urologie à l’hôpital Erasme : « Chaque praticien vous dira qu’il a fait le nécessaire au préalable, qu’il n’y avait probablement pas beaucoup d’autres alternatives. Alors est-ce que ce sont d’autres alternatives qu’il ne possède pas ou auxquelles il n’a pas pensé ? Ça m’est difficile de répondre. » Mais pour lui, l’interdire serait une mauvaise idée : « Alors interdire, non. Je pense que c’est une très mauvaise chose. Recadrer, c’est-à-dire qu’on soit certain de la bonne formation théorique et pratique des praticiens, quelle que soit leur spécialité chirurgicale, avant la mise en place de ces bandelettes, me semble une très bonne chose. »

Et une fois placée, retirer la bandelette est non seulement très difficile, mais ce n’est pas remboursé par la Mutuelle, contrairement à son placement. Carine et Delphine ont décidé de le faire chez un spécialiste américain pour 20 000 euros. Le prix pour retrouver une vie sans douleur.

Pour Yves Coppieters, ministre wallon de la Santé, il y a encore du travail devant nous : « Je pense qu’on peut y travailler en 2026, tout ça prend du temps. Sur la formation des chirurgiens, des médecins en général, les informer des conséquences, travailler sur la pratique, la technique ».

Tandis qu’au niveau fédéral : « Comme pour toute intervention chirurgicale, des effets secondaires sont décrits. Il est important que les avantages et les inconvénients de la procédure soient clairement expliqués aux patients. Un suivi est en cours au niveau européen afin d’évaluer d’éventuelles mesures avec la participation active de la Belgique », indique Frank Vandenbroucke, ministre fédéral de la Santé.

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