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"Il nous a ouvert les portes du Vatican": avez-vous connaissance de la proximité inattendue du pape François avec les personnes transgenres?

Depuis son élection en 2013, le pape François a marqué l'Église catholique par son engagement en faveur des plus marginalisés. Parmi eux, un groupe de femmes trans latino-américaines. Un geste qui illustre plus largement sa volonté d'ouvrir l'Église à ceux qui en étaient exclus. Retour sur ses 12 années de pontificat. 

C’est une proximité que peu auraient imaginée : depuis plusieurs années, François entretient un lien fort avec un groupe de prostituées trans latinoaméricaines vivant à Torvaianica, une ville côtière proche de Rome. Un engagement qui dépasse les simples paroles.

"Le pape François nous a ouvert ses portes. Je n'aurais jamais pensé être avec lui au Vatican, parler avec lui (...) Qu'on nous accepte dans l'Église est un trésor pour moi", confie Andrea Paola Torres, une Colombienne de 54 ans connue sous le prénom de Consuelo.

Tout commence en 2020, en pleine pandémie de Covid-19. Privées de clients et sans ressources, ces femmes trouvent refuge dans l'église locale. Le prêtre, Andrea Conocchia, les encourage à écrire au pape pour lui raconter leurs difficultés. Entre "larmes" et "honte", elles s’exécutent.

La réponse ne tarde pas : François leur envoie de l’argent pour acheter de la nourriture et payer leur loyer. Plus tard, il financera leur vaccination contre le Covid-19 et le rapatriement au Pérou du corps d’une des leurs, décédée en 2024.

Une reconnaissance attendue

Pour ces femmes, cette reconnaissance va bien au-delà de l’aide matérielle. "Nous sommes ainsi, mais nous aimons Dieu", insiste Consuelo, qui continue de se prostituer "pour survivre".

Malgré ces gestes d’ouverture, certaines associations LGBT+ estiment que l’Église catholique n’a pas assez évolué. En 2023, elle a autorisé les personnes trans à être parrains et marraines de baptême, mais en 2024, elle a aussi affirmé que le changement de sexe "porte atteinte à la dignité unique" de la personne.

Malgré ces contradictions, le lien entre François et ces femmes trans reste fort. À chaque rencontre, Claudia, une Argentine de 58 ans, lui apporte des empanadas. "Le pape a dit à celui qui était à côté de lui : 'Ça, vous me le laissez ici, parce que je l'emporte à Sainte-Marthe pour le manger après'", raconte-t-elle avec fierté.

Mais aujourd’hui, alors que François, hospitalisé depuis le 14 février pour des problèmes respiratoires, fête ses 12 ans de pontificat, cette communauté craint un retour en arrière si un nouveau pape plus conservateur lui succède.

Douze ans de réformes et de combats

Depuis son élection en 2013, Jorge Bergoglio, premier pape latino-américain de l’histoire, a voulu moderniser l’Église et la rapprocher des plus démunis.

L’un des défis majeurs de son pontificat a été la lutte contre les violences sexuelles dans l’Église. Après un voyage chaotique au Chili en 2018, où il avait défendu un évêque accusé de complicité avant de revenir sur ses propos, François a multiplié les excuses et les rencontres avec les victimes.

Il a aussi pris des mesures fortes, comme la levée du secret pontifical sur les affaires de violences sexuelles et l’obligation pour les religieux de signaler tout cas à leur hiérarchie.

Cependant, certaines associations jugent ces réformes insuffisantes. "Structurellement, elles conservent tous les éléments de dissimulation, de manque de transparence et d'absence de sanctions sévères", déplorait en 2024 la militante Anne Barrett Doyle.

Une diplomatie tournée vers les "périphéries"

Avec 47 voyages à l’étranger, François a donné la priorité aux pays en difficulté plutôt qu’aux bastions catholiques traditionnels. Il s’est rendu en Irak en 2021 pour prôner le dialogue avec l’islam et a joué un rôle clé dans le rapprochement historique entre Cuba et les États-Unis en 2014.

Mais sur d’autres fronts, il a rencontré des résistances. En Ukraine, ses appels à la paix sont restés lettre morte, et en 2024, il a provoqué un tollé en suggérant à Kiev de "hisser le drapeau blanc" et de négocier avec la Russie.

L’ouverture aux migrants et aux LGBT+

Dès le début de son pontificat, François a affiché sa volonté d’une Église ouverte à tous, comme en témoigne sa célèbre phrase prononcée en 2013 : "Qui suis-je pour juger ?" en réponse à une question sur l’homosexualité.

Il a ensuite multiplié les gestes envers la communauté LGBT+, autorisant notamment en 2023 la bénédiction des couples de même sexe, une décision qui a provoqué une levée de boucliers parmi les conservateurs.

En parallèle, il a défendu sans relâche les migrants. À Lampedusa, à Lesbos ou encore à Marseille, il a dénoncé les politiques anti-immigration et appelé à un accueil sans distinction.

Réformes internes et lutte contre la corruption

Au sein du Vatican, François a entrepris de moderniser l’institution. Il a réorganisé la Curie romaine en 2022, renforçant le rôle des laïcs et des femmes.

Il a aussi assaini les finances du Saint-Siège, en imposant des règles strictes contre la corruption et en fermant 5.000 comptes suspects à la Banque du Vatican.

Mais ces réformes lui ont valu des critiques, notamment lorsqu’il a restreint l’usage de la messe en latin en 2021, provoquant la colère des traditionalistes.

Quel avenir pour son héritage ?

Alors qu’il est hospitalisé et affaibli à 88 ans, la question de sa succession se pose de plus en plus. Son pontificat a été marqué par de profondes réformes, mais aussi par de vives oppositions en interne.

Ses gestes envers les plus marginalisés, comme les femmes trans de Rome, marquent un tournant dans l’histoire de l’Église. Pourtant, l’institution reste divisée. Si François disparaît, son successeur poursuivra-t-il son ouverture ou reviendra-t-il à une ligne plus conservatrice ?

Pour ces femmes trans soutenues par le pape, l’inquiétude est réelle. "Je ne sais pas si le prochain pape sera comme lui. Cela me fait peur", confie Debora.

Mais pour Consuelo, une certitude demeure : "L’homosexualité continuera d’exister. Le pape a ouvert les portes de l’Église pour montrer que nous avons une identité. Nous sommes ainsi, mais nous aimons Dieu". 

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