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Plus que jamais à la merci des voix de la droite, Emmanuel Macron en a appelé lundi à la "responsabilité" des oppositions à trois jours d'un scrutin à suspense à l'Assemblée nationale sur sa réforme des retraites, qui déterminera en grande partie la suite de son quinquennat.
La mobilisation sociale face au projet semble s'essoufler, notamment dans les transports, mais elle a désormais des conséquences particulièrement désagréables dans plusieurs villes: des monceaux d'ordures jonchent les rues, 5.600 tonnes de déchets non ramassés rien qu'à Paris.
Le chef de l'Etat s'est invité lundi, fait rarissime, au début de la réunion hebdomadaire de coordination des cadres du camp présidentiel.
"Cette réforme est une nécessité absolue pour le financement de nos retraites et la solidité du pays", a-t-il martelé, selon plusieurs participants. "On doit porter ce discours et faire appel à la responsabilité des oppositions qui pourraient voter la réforme", a-t-il ajouté.
Après l'adoption du texte au Sénat samedi soir, l'ultime séquence parlementaire s'ouvrira mercredi par la convocation d'une commission mixte paritaire (CMP), réunissant des élus des deux chambres.
En cas d'accord sur un texte de compromis sur la réforme, celui-ci sera soumis jeudi au Sénat puis à l'Assemblée nationale, où le gouvernement est loin d'être sûr de disposer d'une majorité.
- "L'envie" du 49.3 -
La Première ministre Elisabeth Borne écarte à ce stade le recours à l'article 49.3 de la Constitution qui permet de passer en force, sans vote de l'Assemblée, car il est souvent vu comme "brutal" ou "antidémocratique".
"Aujourd'hui, on ne voit pas pourquoi il faudrait (l') utiliser", a commenté Gabriel Attal, ministre délégué aux Comptes publics. "Si chacun est cohérent avec les engagements, les déclarations qu’il a faites devant les Français (...) il y a une majorité pour voter le texte."
Être obligé d'avoir recours à cet article serait perçu comme un signe politique ravageur, susceptible d'attiser les tensions sociales. D'autant que, sur cette réforme très controversée qui fait reculer de 62 à 64 ans l'âge de départ en retraite, le gouvernement a déjà choisi de restreindre à 50 jours le débat au Parlement et de dégainer au Sénat un outil lui permettant un vote unique sur l'ensemble du texte.
Dans ce contexte inflammable, la chasse aux voix reste cruciale pour l'exécutif.
Dans le camp présidentiel, "s'il nous (en) manquait, ce serait véritablement anecdotique", a assuré Olivier Véran.
Mais l'incertitude régnait toujours sur le choix de plusieurs députés Les Républicains, le parti de droite tablant sur une quinzaine de votes contre.
"Chez LR, il y a l’envie d’aller au 49.3. Comme ça ils taperaient à nouveau sur la fragilité du gouvernement, montreraient qu’ils sont pivots plus que jamais", relève un député de la majorité.
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a mis la pression sur son ancien parti. "Ce serait lunaire d'avoir un parti qui vote un texte au Sénat et qui ne le vote pas à l'Assemblée nationale", a-t-il souligné sur franceinfo.
Au final, pour le député Renaissance Eric Woerth, le 49.3 ne serait "pas un aveu de faiblesse" mais "un aveu de réalisme et de pragmatisme".
- "Aveu d'échec" -
Ce serait un "terrible aveu d'échec de ce gouvernement", a au contraire mis en garde le président du groupe écologiste au Sénat, Guillaume Gontard; le patron de la CFDT Laurent Berger, dénonçant lui "une forme de vice démocratique".
"Moi ça me paraîtrait délirant", a dit Marine Le Pen, cheffe de file des députés du Rassemblement national. Elle a ajouté que son groupe déposerait une motion de censure en cas de recours au 49.3 et voterait "l'intégralité" des autres motions de censure.
Massivement hostiles à la réforme, les Français sont eux convaincus qu'elle sera votée et appliquée, d'après les derniers sondages.
Sur le front social, une huitième journée de mobilisation est prévue mercredi dans toute la France, alors que la dernière samedi a attiré moins de monde.
La circulation des trains est "en nette amélioration", mais reste perturbée sur la plupart des lignes, a indiqué la direction de la SNCF. Elle le sera encore mardi.
La grève se poursuit dans plusieurs raffineries notamment celle d'Esso-ExxonMobil de Fos-sur-Mer et de PétroIneos de Lavera (Bouches-du-Rhône), ainsi que sur les installations du groupe TotalEnergies.
bur-el-sde-hr/are/bat