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Des milliers de personnes, principalement venues des régions pauvres des Andes, ont manifesté pour réclamer la démission de la présidente péruvienne Dina Boluarte jeudi dans le centre de Lima, où de violents heurts ont éclaté entre protestataires et policiers.
Les affrontements ont fait deux nouveaux morts dans le Sud. A Arequipa, la deuxième ville du Pérou, des violents heurts autour de l'aéroport se sont soldés par un mort - un homme d'une trentaine d'années - et dix blessés, selon le bureau du Médiateur du peuple.
Un peu plus tôt, le bureau avait fait part du décès d'un autre homme, blessé la veille dans des heurts à Macusani, près de Puno (sud) à la frontière bolivienne.
Un total de 45 personnes, dont un policier, ont perdu la vie dans les troubles au Pérou depuis le début de la crise le 7 décembre.
A Lima, une grande partie des manifestants ont défilé dans le calme. "Dina assassine", "Dina écoute le peuple te répudie", ont-ils notamment scandé.
Mais deux heures durant dans le centre-ville, des manifestants ont lancé pierres, pavés et bouteilles sur les forces de l'ordre, ou ont frappé leurs boucliers et leurs casques à coups de bâton.
Dans plusieurs points du centre-ville, la police reculé sous la pression avant de reprendre position, et a largement fait usage de gaz lacrymogène. Un journaliste de l'AFP a vu au moins deux blessés, et assisté à plusieurs arrestations.
Le ministre de l'Intérieur Vicente Romero a fait état de 16 policiers blessés dans le pays, sans différencier Lima et la province.
Un immeuble près de la Plaza San Martin, épicentre des manifestations à Lima, a pris feu pour des causes encore inconnues peu avant 20H00 locales (01H00 GMT).
Quelque 11.800 policiers avaient été mobilisés pour cette journée cruciale, selon les autorités.
"On est ici pour lutter pour une juste cause. On veut la dissolution du Parlement. On nous marginalise, on dit que nous sommes des vandales, des terroristes. Nous sommes ici pour revendiquer nos droits", a expliqué Ayda Aroni, arrivée de région d'Ayacucho (sud), en tenue traditionnelle et brandissant un drapeau péruvien dont les bandes rouges avaient été remplacées par du noir en signe de deuil.
"Prendre Lima"
Les protestataires, qui réclament de nouvelles élections au Pérou, entendaient "prendre Lima" et frapper les esprits.
"Je suis à Lima pour défendre la patrie parce qu'il y a trop de corruption. Dina ne nous représente pas. On va rester une semaine pour continuer les manifestations", a assuré en soirée Demetrio Jimenez, venu de Puno, près de la frontière bolivienne.
Des manifestants ont tenté de prendre les aéroports de Puno et de Cuzco, la capitale touristique du pays, qui ont été fermés temporairement.
En soirée, la présidente, entourée de toute l'équipe gouvernementale, a une nouvelle fois appelé au calme à la télévision.
"Au peuple péruvien, à ceux qui veulent travailler en paix (...) et à ceux qui protestent: je ne me lasserai pas de les appeler au bon dialogue, de leur dire que le pays a besoin de solutions pour l'eau, la santé, l'éducation, l'agriculture, l'élevage, plus de ponts, plus de routes..."
Mais, elle a aussi menacé ceux "qui génèrent les actes de violence", promettant que les services de sécurité agiront "avec fermeté".
Elle s'est interrogée sur "qui finance?" les manifestations et a assuré que l'attaque simultanée des trois aéroports (Cuzco, Arequipa, Puno) ne "pouvait être une simple coïncidence".
Ces derniers jours, les autorités ont accusé à plusieurs reprises les manifestants d'être "manipulés" et financés par le narco-trafic et/ou les exploitations minières illégales.
Le gouvernement avait décrété dimanche l'état d'urgence pour 30 jours à Lima, Cuzco, Callao et Puno, ce qui permet à l'armée d'intervenir pour maintenir l'ordre et suspend les libertés de réunion et de circulation. Jeudi, l'état d'urgence a été étendu à trois autres départements: l'Amazonie (est), Libertad (nord) et Tacna (sud).
Les troubles au Pérou ont éclaté après la destitution et l'arrestation le 7 décembre du président de gauche Pedro Castillo, accusé d'avoir tenté un coup d'Etat en voulant dissoudre le Parlement qui s'apprêtait à le chasser du pouvoir.
La crise est aussi le reflet de l'énorme fossé entre la capitale et les provinces pauvres qui soutenaient le président Castillo, d'origine amérindienne, et voyaient son élection comme une revanche sur le mépris de Lima.
Mme Boluarte, qui était la vice-présidente de M. Castillo, lui a succédé conformément à la Constitution. Elle est issue du même parti que lui mais les manifestants voient en elle une "traîtresse".