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Nous sommes à Bonsin, en province de Namur. Il y a 11 ans, Kevin quittait la fête du village avec un ami lorsque leur route croise celle d’un policier, en civil, fortement alcoolisé. Ce dernier agresse verbalement son ami. Kevin tente d’intervenir.
« Moi j’avais porté secours à mon ami, qui avait été assommé avec son flingue. Je lui ai dit qu’on ne voulait pas d’ennuis. Et puis il arrive et il me tire à bout portant dedans », raconte Kevin.
Le policier s’enfuit alors en courant : « Ils sont partis en courant et ils m’ont laissé dans une mare de sang ici, comme un chien ». Plongé dans le coma, Kevin survit miraculeusement. Mais ses blessures marquent à jamais son quotidien.
Une reconstruction difficile, loin des autres
Aujourd’hui, Kevin vit reclus dans un chalet au cœur des bois. Un choix dicté par ses blessures invisibles : « J’ai un trouble d’adaptation aux personnes. Donc ce n’est pas évident d’interagir avec les gens… ici je me sens au calme, dans ma bulle de protection ».
Face au miroir, son corps raconte l’agression. « La balle est rentrée ici, est ressortie par le dos. On m’a mis une plaque en titane, une prothèse sous les abdos. À cause de ça, je ne peux plus porter certaines choses », détaille-t-il.

En 2019, le procès a enfin lieu. L’ancien policier est condamné à 5 ans de prison avec sursis, dont 4 mois ferme. Il doit aussi verser plus de 342 000 euros à Kevin.
Il a vendu sa maison à des gens qu’il connaissait. Maintenant, il est parti en Thaïlande
Mais ce dernier n’a quasiment rien perçu : l’homme s’est rendu insolvable. « Il a vendu sa maison à des gens qu’il connaissait. J’ai demandé qu’on gèle ses avoirs. On m’a répondu que tant qu’il avait la présomption d’innocence, on ne savait pas le faire. Maintenant, il est parti en Thaïlande », déplore Kevin.
« La justice vous tue une deuxième fois », ajoute-t-il. « Entre les reports d’audience, les non-lieux, la peine légère… la balance n’est pas équitable ».
Une attente interminable
À 45 ans, Kevin vit avec un taux d’invalidité de 66 %. Incapable de reprendre son métier de chauffeur de camion, il souffre aussi d’une maladie auto-immune liée au stress post-traumatique.
Il place désormais ses espoirs dans le fonds d’aide aux victimes, qui peut octroyer jusqu’à 125 000 euros. Mais la réponse tombe récemment : il ne recevra que 54 000 euros, soit sept fois moins que les montants dus.
Un nouveau coup dur, mais Kevin refuse d’abandonner. Il a écrit au ministre de l’Intérieur et poursuit ses démarches. « J’aimerais bien mettre un coup de pied dans la fourmilière pour que ça n’arrive plus à une autre victime », dit-il.
L’homme espère aujourd’hui pouvoir tourner la page. « 11 ans, c’est long. J’espère que ma maladie me lâchera un peu la grappe. Et pour mon fils, ce n’est pas évident non plus… Voir son père pleurer, ce n’est pas marrant ».


















