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C’était un mercredi après-midi comme les autres. Samuel, habitant de la région de Frameries, décide de partir en balade à moto avec son fils. Après avoir vécu tous deux une journée difficile, ils cherchent un moment de répit. « On est parti dans la région de Quévy aux alentours de 17h30, je n’ai pas l’habitude d’aller là-bas, » raconte-t-il. « On se balade tranquille, c’est une nationale à 90 km/h. »
Alors qu’ils roulent sur une ligne droite de la N563, la moto heurte un raccordement de chaussée en pavés « complètement déchaussés », selon Samuel, puis, un « soulèvement comme un dos d’âne » dans la voirie. « J’ai entendu un gros claquement dans ma fourche avant. J’étais surpris d’être encore debout, » se souvient-il. En décélérant pour se mettre sur le bas-côté, le pneu avant se dégonfle : « J’ai eu un guidonnage sévère, on est tombé sur le bas-côté. À part des ecchymoses, on n’a rien eu de cassé, mais on s’est dit qu’on a failli y passer », lance Samuel.
Le Framerisois ne peut pas s’empêcher d’imaginer les pires scénarios : « Si un véhicule venait en face, on pouvait se prendre un camion ou un tracteur… dans le fossé, on s’est dit qu’on l’avait échappé belle ». Heureusement, un automobiliste s’arrête pour aider le père et son fils à sortir la moto du fossé.


La moto, avec deux jantes et deux pneus hors d’usage, ainsi que sa fourche avant endommagée, est inutilisable en l’état. Samuel estime le coût des réparations à plus de 1500 euros. Mais le plus grand choc reste psychologique. « J’étais fort inquiet pour lui, » confie-t-il à propos de son fils. « L’impact l’a fait bondir d’une trentaine de centimètres. C’est un coup de bol qu’il n’a pas été éjecté. » Si un véhicule avait circulé en face, « c’était terminé, » se désole encore le père.

Cet incident pose question : pourquoi l’état de cette route était-il aussi dégradé ? Selon Serge Toussaint, porte-parole du SPW Mobilité et Infrastructures, le raccordement en pavés fait office de « joint entre deux types de revêtements, » une route en béton et une en goudron. Il explique que les variations de température peuvent « induire des dilatations et des rétractations des revêtements, » ce qui a créé un bourrelet. Il précise qu’une intervention a été effectuée fin juillet pour resceller les pavés, et que l’inspection n’avait alors pas relevé de déformation.
Des traces d’huile et une signalisation inexistante
Samuel, lui, reste indigné. « Il y a même des traces de griffes dans l’asphalte pour bien montrer que plusieurs véhicules ont déjà laissé leur carter sur place, » s’emporte-t-il. L’absence de signalisation est, selon lui, un grave manquement. « Si c’était la nuit, il n’y a pas d’éclairage, c’est pour finir sa vie dans le champ, » déplore-t-il. Il a contacté la police, qui lui a confirmé que la dangerosité de l’endroit était connue localement. Le bourgmestre de la commune avait même signalé le problème au SPW après la plainte d’un riverain, sans recevoir de retour. Pour Samuel, la négligence est inacceptable.
Quelles procédures d’indemnisation ?
Face à ce genre de situation, quelles sont les possibilités pour les victimes ? Serge Toussaint, du SPW, explique qu’une procédure d’indemnisation amiable est en place. « Il convient d’apporter des preuves permettant d’engager la responsabilité du gestionnaire de voirie, » indique le porte-parole. Cela inclut les constats de police, les témoignages ou les factures de dépannage.
Il est possible d’introduire une plainte sur le site du Service public de Wallonie ou en contactant le 1718. « On peut estimer à titre purement indicatif qu’un tiers des demandes aboutit à une proposition transactionnelle, » précise Serge Toussaint. Si cette procédure amiable échoue, le demandeur peut toujours porter l’affaire en justice.
Pour Samuel, l’indemnisation n’est pas la seule priorité. « J’espère au moins que cet accident sera un avertissement, » dit-il, avec l’espoir que des vies seront épargnées à l’avenir grâce à la réparation de cette portion de route. Pour l’heure, le SPW a annoncé qu’une signalisation a été installée et qu’une réparation est prévue pour la deuxième moitié de septembre, si la météo le permet.
Des chiffres qui alertent sur l’état du réseau routier
L’expérience de Samuel n’est malheureusement pas un cas isolé. Selon des données fournies par la Région wallonne, les plaintes liées à l’état des routes sont en hausse. En 2024, la région wallonne a reçu 638 plaintes (contre 512 en 2023 et 308 en 2022), dont 79 ont fait l’objet d’une transaction, pour un montant total de près de 108.000€.
La Région est parfois condamnée à payer d’importantes dans certains gros dossiers. Ces derniers sont souvent issus d’accidents menant à un handicap ou à un décès. En 2024, près de 2.846.000€ ont été payés après condamnation de la région wallonne.
Ces chiffres ne concernent que le réseau non structurant, géré par le SPW. Au-delà des dégâts matériels (pneus, jantes, carrosserie), les indemnisations peuvent concerner des préjudices corporels comme des blessures ou des incapacités de travail.
Rage et prise de conscience
Pour Samuel, la situation est un mélange d’émotions. « J’ai un mélange de prise de conscience et de rage qu’on puisse laisser des routes comme ça, » confie-t-il. « On est en période estivale, c’est un beau coin, on aurait été mort mon fils et moi, ça aurait été une rubrique nécrologique comme quoi on est des motards fous, mais le raccordement est pourri. » C’est pourquoi il se bat pour faire reconnaître la responsabilité des gestionnaires de voirie. « Heureusement que je suis en vie pour dire non-stop, ce n’est pas ma conduite qui est en cause. »



















