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"Je vais péter une durite", s’énerve Sebastien. Cet ancien détenu de 47 ans est sorti de prison il y a 3 ans. Depuis peu, il rencontre des difficultés financières qui l’empêchent de se réinsérer de manière durable. À bout de nerfs, il décide de presser le bouton orange Alertez-nous pour raconter son histoire.
Sebastien, 47 ans, est sorti de détention en 2021, après une peine de 25 ans d’emprisonnement. Quand il est relâché, il s’installe à Malmedy, petite ville située dans la province de Liège. Il y vit pendant deux ans, grâce à une aide de 1.300€ du Centre publique d’action sociale (CPAS). "Je n’avais aucune dette, je savais m’en sortir comme ça", dit-il.
En 2023, c’est autour de la femme dont il est tombé amoureux en prison, d’être libérée. Quelques mois plus tard, le couple se marie et emménage sous le même toit. La femme, actuellement âgée de 52 ans, est atteinte de plusieurs problèmes de santé. Afin de pouvoir disposer de sa pension au moment venu, elle renouvelle son droit d’invalidité à la mutuelle.
Si cette aide financière était supposée être la bienvenue pour le couple d’anciens détenus, elle fût plutôt source de problèmes… "Mon épouse est cheffe de famille, elle m’a pris à sa charge", raconte Sebastien. "Elle reçoit un revenu pour nous deux", ajoute-t-il.
60 000 euros de dettes
Jusqu’ici, rien d’anormal… Mais là où le bât blesse, c’est que la quinquagénaire est mère de cinq enfants pour lesquels elle doit rembourser la pension alimentaire qu’elle n’a pas pu honorer lors de sa détention.
Il ne nous reste plus rien pour vivre
À cela s’ajoutent les frais de justice, ainsi que le dédommagement de leurs victimes respectives. "On en a pour 60 000 euros de dettes", déplore notre alerteur. Tout ceci sans même compter le loyer, ni les dépenses courantes…
Pour rembourser leurs dettes tout en gardant un revenu leur permettant de vivre décemment, le couple a introduit une demande de règlement collectif de dettes (RDC). Il s’agit d’un service de médiation adapté au remboursement des impayés selon le revenu, grâce à la mise en place d’un budget mensuel.
Leur demande a été approuvée à la fin du mois de juillet. Pourtant, au début du mois d’août, le SECAL, entité du SPF Finance qui s’occupe des créances alimentaires, a prélevé la totalité des ressources disponibles sur leur compte en banque. "Il ne nous reste plus rien pour vivre", témoigne l’homme.
Que s’est-il passé?
Ce problème est visiblement dû à un manque de communication entre le service de règlement collectif de dettes, le SECAL, et la mutuelle. En envoyant l’argent directement sur le compte bancaire de la quinquagénaire, la mutuelle a rempli le réservoir dans lequel se sert le SECAL pour rembourser les pensions alimentaires impayées.
Or, l’argent devait être, en premier lieu, adressé à l’avocat chargé du recouvrement des dettes. Celui-ci devait utiliser une partie du budget pour rembourser les créanciers, et verser le reste de la somme au couple, pour qu’il puisse vivre décemment.
À court d’argent, Sebastien et sa femme ont fait appel au CPAS pour subvenir à leurs besoins ce mois-ci. "On leur a demandé pitié mais ils ne veulent rien nous donner", raconte l’homme. Pourtant, l’organisme sait qu’il s’agit d’un prêt, et qu’il sera remboursé lorsque le règlement collectif de dettes sera bien mis en place.
Mais rien n’y fait… "On a reçu 75 euros de bon alimentaire sur le mois, 150 euros en liquide et 75 euros de crédit à la pharmacie. Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse, à deux, avec ça? ", ajoute-t-il.
La solution, c’est que je retourne en prison?
À l’heure actuelle, les anciens détenus ne sont pas en mesure de payer leur loyer. Désespéré, Sebastien nous confie ses craintes:"J’essaye de me réinsérer et ma femme aussi, mais on nous créé des problèmes. On nous prend tout notre argent sans rien nous laisser. Je dois retourner voler ou dealer, c’est ça? La solution, c’est que je retourne en prison? Voilà pourquoi il y a autant de récidives".
Réponse des services compétents
Anne Lignoul, présidente du CPAS de Trois-Ponts, où réside le couple, explique que la décision d’attribution d’une aide ne lui appartient pas. "Les CPAS sont encadrés par la loi qui les régit. Il y a un processus particulier dans le cas d’une demande d’aide financière. Les assistantes sociales reçoivent les demandeurs, puis une analyse sociale est effectuée, avant que la demande soit présentée au conseil. C’est très encadré et c’est une décision collective", dit-elle.
Elle ajoute ensuite que des bénéficiaires n’étant pas satisfait de la décision prise par le conseil peuvent se tourner vers le tribunal du travail compétent.
Le porte-parole du SECAL, lui, n’est pas en mesure de proposer une solution au problème du couple. "Une fois que l’argent figure sur le compte, il s’agit d’un avoir que la personne a auprès de la banque. Nous avons le droit de saisir toute ressource mise à disposition", révèle-t-il.
Sébastien commence un nouveau travail le mois prochain. En attendant,, le couple n’a vraisemblablement pas d’autre choix que de se serrer la ceinture. Pour son loyer, l'homme espère trouver un arrangement avec son propriétaire. "Je lui donnerai 50 euros en plus, chaque mois, jusqu’à ce qu’il soit remboursé", dit-il.