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« Je trouve que c’est un scandale », déplore Nicolas. « Les moines, ou du moins l’entreprise qui gère l’abbaye de Maredsous, se fait de l’argent en dropshippant des accessoires chrétiens achetés sur Temu ou autre site chinois », dénonce ce jeune homme de 26 ans via le bouton orange Alertez-nous.
Début du mois de juillet, cet habitant de Nivelles a fait une retraite à l’abbaye de Maredsous, dans le Namurois. « J’en ai profité pour visiter l’abbaye et notamment la partie brasserie avec la boutique où ils vendent des objets chrétiens et des livres comme des bibles, des bouquins philosophiques, etc. », explique Nicolas.
Dans une vitrine, des bijoux et objets sont également exposés. « Ils sont censés valoir un peu plus. Il y a des petites croix en or, des bijoux, des chaînes, typiques de ce qu’on peut offrir lors d’un baptême ou d’un événement catholique. Il y a des chapelets. J’en ai acheté un à environ 30 euros », indique le jeune homme.

Il y a quelques jours, Nicolas fait une découverte surprenante : « Quelle ne fut pas ma surprise quand je découvre sur Temu le même chapelet à… 2,77 euros. Dix fois moins cher évidemment. Si ça c’est le dessus de l’Iceberg… jusqu’où va l’arnaque du marché chrétien ? », s’interroge-t-il.
Pour appuyer ses propos, Nicolas envoie une photo comparative. D’un côté, le chapelet acheté à Maredsous et, de l’autre, celui vendu sur le site chinois. En observant les détails, il est persuadé qu’il s’agit du même article. « Entre chaque boule, ce sont les mêmes petites pierres argentées. Même au niveau du nœud au bout du collier, c’est exactement le même. C’est assez flagrant que cela vient du même endroit. Il est assez typique. Pour moi, il n’y a pas de doute », estime le Nivellois.
Par contre, il revient sur l’implication directe de l’abbaye. « Est-ce que Maredsous achète directement à Temu, je n’irais pas jusqu’à dire ça, mais il y a un fournisseur dans l’histoire qui arrive à se faire beaucoup d’argent sur le dos des abbayes », pense-t-il.
Nous avons des fournisseurs européens
Le responsable de la boutique de souvenirs du Centre d’Accueil Saint-Joseph dément d’ailleurs tout achat d’articles sur un site en ligne. « Nous travaillons avec des fournisseurs qui sont originaires de plusieurs pays européens. Nous collaborons avec certains depuis plus de 30 ans », assure Jean-Pierre Depré.
Selon lui, certains chapelets sont réalisés à la main en France. D’autres sont fabriqués avec des matériaux de moindre qualité, notamment en Chine. « Les prix des chapelets que nous vendons varient de 2 à 100 euros environ. Tout dépend de la qualité, de la matière utilisée, des finitions. Certains peuvent être réalisés avec des pierres précieuses, du métal, en argent ou même plaqués or », explique le responsable. « Beaucoup de fournisseurs se laissent tenter par tout ce qui est fabriqué en Chine, même si les importateurs sont européens, le fabricateur peut être chinois », ajoute-t-il.
Jean-Pierre Depré épingle donc la différence de qualité qui peut exister entre deux articles présentant des similitudes au niveau du design.
Par ailleurs, le prix de vente peut être sensiblement différent sur un site comme Temu qui achète des articles en très grande quantité. « Si vous achetez 10 ou 1.000 chapelets à un fournisseur, ce ne sera pas le même prix », souligne le responsable. « Autre grande différence : quand vous achetez un article sur un site de vente en ligne, il est emballé par une machine et envoyé en 24h-48h. Ici, dans un magasin, il faut payer le bâtiment et le personnel. Les coûts sont donc plus importants et la marge bénéficiaire est moins élevée ».
« Je ne pense pas que ce soit le même article »
Le responsable de la boutique admet que la ressemblance entre le chapelet acheté par Nicolas et celui vendu sur le site chinois est troublante, mais il doute que ce soit exactement le même objet. « Je ne pense pas que ce soit le même. À ce prix-là, soit 30 euros, ce sont des pierres semi-précieuses montées sur bronze ou argent. En tout cas, si c’est exactement le même, je vais changer de fournisseur et les acheter sur Temu », ironise-t-il.
Jean-Pierre Depré conteste vivement le fait d’engendrer des bénéfices importants, en demandant un prix de vente beaucoup plus élevé que le prix d’achat. « On est obligés d’être en positif, mais nous sommes une asbl. Tout bénéfice est donc réinvesti dans notre structure », souligne le responsable de la boutique. « Si on faisait une telle plus-value, ce serait une mine d’or pour nous. Mais ce n’est pas le cas », assure-t-il.
Le responsable pointe plutôt du doigt la compétition assez rude pour les commerçants avec ce genre de site en ligne qui vend des produits à bas prix. « Si on fait l’apologie de ce genre de site, on peut fermer 90 % des magasins physiques », prévient-il.
Comme le suggère Nicolas, il est en revanche possible que l’un des fournisseurs de l’asbl réalise une marge bénéficiaire importante. Chaque intermédiaire entre la fabrication et la vente d’un article peut, en tout cas, pratiquer les prix qu’il souhaite. « Légalement, chaque maillon de la chaîne économique peut fixer librement son prix. Le consommateur doit être informé préalablement à l’achat du prix total du produit », indique Étienne Mignolet, porte-parole du SPF Économie. Il rappelle qu’il existe aussi une interdiction de réaliser des « bénéfices anormaux » en se basant sur les coûts et la marge. « C’est déterminé au cas par cas », précise le porte-parole.
Étienne Mignolet n’est pas surpris par cette situation. « On connaît ce genre de plateformes qui vendent des objets de mauvaise qualité fabriqués en Asie, avec parfois des produits toxiques. Ce n’est certainement pas le même objet. Il y a sûrement une différence au niveau des coûts et de la qualité », estime le porte-parole du SPF Économie. « Dans ces circonstances, cela me paraît difficile de prouver qu’il s’agisse d’une arnaque », conclut-il.


















