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Des loyers impayés et un appartement dégradé, Marc a vécu la hantise de tout propriétaire. La situation n'évoluant pas favorablement, ses locataires devenus "insolvables" ont finalement été expulsés. Le propriétaire peut-il espérer récupérer son argent?
Propriétaire d'un appartement à Tubize, Marc a partagé son désespoir après avoir retrouvé son bien dans un état "déplorable". Le bail conclu avec ses anciens locataires n'aura duré qu'un an. En juin dernier, ces derniers ont été expulsés avec l'accord d'un juge de paix à la suite de loyers impayés. Marc a ensuite découvert que le logement a été détériorié.
"Cet appartement avait été livré dans un état impeccable. Malheureusement, les gens qui sont restés pendant un an ont badigeonné les portes, les fenêtres… Ils ont tout laissé dans un état épouvantable", regrette-t-il.
Une odeur de putréfaction épouvantable
Marc a décrit les dégradations observées après l'expulsion des locataires. "La cuisine était dans un état déplorable. Il y avait encore de la nourriture. Ils ont badigeonné les meubles de la cuisine en noir. J’ai dû gratter les meubles pour les avoir dans un état d’origine. Il y avait des crasses dans le four. La toilette était dans un état épouvantable également. Pour la salle de bain, même chose, tout était dans un état déplorable. La poignée de porte et des prises ont été arrachées. L’état de la salle de bain était immonde. Elle n’a jamais été nettoyée en un an. Dans une pièce, il n’y avait que des ordures avec une odeur de putréfaction épouvantable. J’ai découvert ça quand l’huissier m’a remis les clés. Ce dernier m’a dit 'J’ai déjà connu des situations pires que celle-là, mais c’est pas mal'."
Le propriétaire raconte également comment la situation avec ses anciens locataires s'est progressivement dégradée ces derniers mois. "On a signé un bail en avril 2023. Ensuite, il y a eu des difficultés au niveau des paiements des loyers. J’ai été devant le juge de paix. En conciliation, on était tombé sur un accord d’un rattrapage des loyers en retard. Tout a bien fonctionné jusqu’à fin décembre 2023. A partir de là, ils ont tout coupé, et n’ont plus payé depuis lors. Malgré mes tentatives de conciliation… Je suis alors allé devant le juge de paix, au tribunal de Nivelles. Et le juge de paix a décidé immédiatement l’expulsion de mes locataires, le 18 juin dernier."
Comme les occupants de son logement sont "insolvables", Marc regrette de ne pas pouvoir récupérer son argent ("plusieurs loyers impayés et 4-5000 euros de frais" pour remettre son bien dans un bon état). "Ce que je dénonce, c’est que dans notre société, il y a des intouchables, des gens qui n’ont plus rien à perdre. Je ne suis absolument pas sûr de retrouver l’argent qu’ils me doivent. Plus tard, j’essaierai de savoir s’ils n’ont pas retrouvé un emploi, pour savoir s’il n’y a pas quelque chose qui est saisissable. J’ai essayé de tout faire pour eux, il ne faut pas me prendre pour un pigeon", conclut Marc.
Dans certains dossiers, on finit par récupérer les sommes dues
En Wallonie, 4 à 5.000 expulsions domiciliaires sont ordonnées chaque année. La principale cause: les loyers impayés.
La situation vécue par Marc est la crainte de chaque propriétaire. Que faire dans ces cas-là? Olivier Hamal, responsable du syndicat national des propriétaires, a répondu à nos questions.
"La première chose à faire lors de la location du bien est de bien choisir son locataire. Les deux critères majeurs qui doivent être pris en compte sont : voir si la charge de logement (loyer + charges) ne dépasse pas 30 à 40% de ses revenus. Et l’autre critère est de s’assurer que le candidat locataire sera quelqu’un qui va occuper les lieux de manière tout à fait opportune, en bon père de famille."
Et d'ajouter: "Lors des visites des candidats locataires, il faut essayer d’avoir un dialogue qui soit le plus précis possible. Et d’inciter le candidat locataire à apporter toute information utile permettant de vérifier si les conditions voulues sont remplies. C’est au candidat locataire à établir qu’il sera à même de respecter ses obligations de paiement du loyer et d’entretien du bien. Le locataire a également tout intérêt, dans le cadre de son contact avec son futur propriétaire, à donner les coordonnées de l’ancien propriétaire pour que le bailleur puisse s’adresser à cet ancien bailleur, pour voir si les relations se sont passées normalement entre eux, en termes de paiement des loyers mais également en termes d’entretien des lieux."
Si le locataire ne paie pas son loyer, quelles sont les solutions ?
"Dès qu’un mois n’est pas payé, il faut interpeller le locataire que ce soit par téléphone ou par écrit (cela peut être un courrier ou un mail). Dès qu’on arrive au deuxième mois non payé, à partir du moment où le locataire ne réagit pas, il faut aller immédiatement devant le juge de paix. Les juges de paix, généralement, à partir du 3e mois de loyer, acceptent de résilier le bail. A partir du moment où le locataire persiste dans le non-paiement des loyers, le bail sera résilié, permettant au bailleur de récupérer son bien. Soit parce que le locataire défaillant va le quitter spontanément, soit parce qu’il y aura recours à un huissier qui va expulser."
Est-il possible de récupérer les mois de loyers impayés quand les locataires sont insolvables?
"Un cas n’est pas l’autre. Dans certains dossiers, c’est peine perdue, mais dans d’autres, en faisant preuve de patience, on finit par récupérer les sommes dues. Il y a tous les jours des situations de contentieux locatif qui peuvent naître. Maintenant dire qu’il y en a plus ou moins qu’avant, je suis incapable de le préciser. C’est un phénomène qui existe et qui est regrettable pour toutes les parties. Pour le bailleur avec les loyers non payés, et pour le locataire, car il va s’exposer à une expulsion."
Que faire quand l’appartement est abîmé?
"Dans ce genre de situation, où les lieux sont laissés dans un état déplorable, il faut que des constatations contradictoires puissent être faites. Que ce soit entre les parties directement, mais c’est plus douteux. Ou encore en demandant au juge de paix de désigner un expert. Ou en demandant au juge de paix de venir avec un expert pour constater et évaluer l’ensemble des coûts de remise en état des lieux. Pour ce qui est de la récupération de l'argent, tout va dépendre de la solvabilité du locataire. Et en fonction des circonstances, en fonction des situations, soit c’est peine perdue et il faut faire son deuil. Soit il y aura, avec un peu de patience, la possibilité de tout récupérer."
On a l’impression que le propriétaire est d’office riche
Pour Gilles Oliviers, avocat spécialisé dans le droit immobilier, également interrogé après le témoignage de Marc, le propriétaire devra sans doute être "très patient" pour récupérer son argent.
"Le jugement obtenu est un jugement qui vaut pendant 10 ans. Donc il peut être patient. Il y a par ailleurs deux types d’assurance qui peuvent aider un propriétaire. La première assurance est la protection juridique. L’assureur a déjà payé les frais pour récupérer l’argent. La deuxième assurance, est moins commune. C’est une assurance revenus garantis. Cela permet au propriétaire d’être remboursé, par l’assurance, et de toucher l'argent des loyers qui seraient impayés. Évidemment, il y a toute une série de conditions et tout un screen qui est fait par la compagnie d’assurance, car elle ne l’accorde pas automatiquement. Les deux assurances doivent obligatoirement être souscrites avant que le sinistre ne survienne, c’est le principe d’une assurance."
Selon l'avocat, des propriétaires se retrouvent "souvent" dans des situations où des locataires éprouvent des difficultés financières.
"Cela arrive très souvent et on a l’impression que le propriétaire est d’office riche, qu’il peut assumer le problème de son locataire. Mais ça n’est pas toujours le cas. Parfois, il y a des personnes qui sont dans un home de repos et qui doivent avoir ce loyer pour pouvoir payer leur home de repos. Malheureusement, il n’y a pas de solution miracle. Si la personne est insolvable, elle le restera longtemps. Certains avaient proposé de faire un listing des mauvais locataires, mais ça n’existe pas à l’heure actuelle. Cela a été beaucoup critiqué", conclut Gilles Oliviers.