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Sam Touzani parle d'identité dans un nouveau livre: "Dès qu’on la réduit à une seule chose, elle devient problématique"

Sam Touzani publie un livre intitulé "Dis c'est quoi l'identité ?". Il y répond à une jeune fille qui critique la manière dont il parle des musulmans dans ses spectacles. L’humoriste était l’invité du RTL INFO Avec Vous ce mardi. Il a répondu aux questions d’Olivier Schoonejans.


 

Votre point de vue de départ, c'est qu'on ne peut pas résumer son identité à une chose. Dire "Je suis blanc", "Je suis musulman", ce n'est pas une identité.

"C’est, en substance, ce qu’il y a dans le livre, parce que l’identité est selon moi une question universelle, elle a les défauts de ses qualités, et je pense que l’identité ne peut être qu’écrite au pluriel. Dès qu’on réduit l’identité à une seule chose, elle devient problématique, mortifère. C’est comme ça, d’ailleurs, que se constituent les blocs identitaires, comme les suprémacistes ou les fondamentalistes de tout poil. D'ailleurs, ils n’aiment pas, les fondamentalistes, qu’on ait une identité plurielle, ils veulent vous restreindre à résidence religieuse ou ethnique. Je l’ai déjà dit souvent, l’enjeu du 21e siècle, c’est de pouvoir être choqué par ce qui est dit, tant qu’on ne fait pas appel à la violence. Je suis un grand partisan de la paix, donc je suis pour la force de l’échange et contre la force de la violence".

Vous racontez une histoire dans votre livre, celle de votre mère... Vous étiez venu l'année passée parler de votre spectacle sur le pouvoir de dire non. Vous aviez, dans l’interview, évoqué votre maman. Mais vous n'aviez pas expliqué ce qui lui était arrivé... A l'ambassade du Maroc, quand elle avait osé dire non.

"Ma maman fait partie de ces femmes très courageuses qui ont eu cette capacité et cette chance de pouvoir dire non. Ce non a été un non constitutif parce que ma maman s’est fait agresser dans un consulat marocain en 1972, parce qu’elle refusait de donner du bakchich. Elle disait non, il n’en est pas question. C’était d’usage, sous l’époque hassanienne, despote éclairé de droit divin, s’il en est. Et ma mère a refusé. Elle a dit, non, je n’ai pas à vous graisser la patte. J’ai besoin de cet argent-là pour l’éducation de mes parents. Moi, j’ai quatre ans quand cette histoire-là arrive

Elle se fait tabasser dans le consulat même, il y a trois sbires qui débarquent, ils la descendent à la cave. Ma grande sœur Fatima et ma mère, Rama, se font tabasser à sang, elles crient tellement fort que les voisins d’en face appellent la police, la police débarque. Les gens du consulat les jettent sur le trottoir. Heureusement, il y a quand même une belle issue à cette histoire, c’est que ma mère a toujours dit merci à la justice belge, parce qu’elle a condamné le consul, et le consul a été limogé. Donc, nous avons gagné le procès. Imaginez, j’ai quatre ans, et j’entends ma mère dire non. Et je grandis avec ce non, il ne m’a pas quitté".

Ça construit votre identité, ça fait partie de vous… Vous dites, on a plusieurs identités façonnées par plusieurs choses. Mais la famille, les valeurs que vous enseigne la famille font partie de votre identité, même lorsque ce sont des valeurs qui sont étriquées.

"C’est très bien les valeurs de la famille, l’éducation, tant que vous n’êtes pas dans une éducation, une culture, ou une religion qui vous enchaîne. A partir du moment où vous avez la capacité de penser par vous-même, de vous libérer de vos chaînes, quelles qu’elles soient. Il n’y a pas que la religion, il y a le fondamentalisme, l’idéologie. Elle est imperméable aux faits, l’idéologie ne veut pas voir la réalité telle qu’elle est. Et donc, c’est difficile de grandir et de penser par soi-même. Pour ça, normalement, l’école et l’éducation aident".

Sortir de la pression familiale, ce n’est pas facile non plus. Faire des choses qui ne sont pas admises généralement dans la famille, ce n’est pas simple, faire des choses qui ne sont pas admises à l’école non plus. Finalement, vous dites, l’éducation aide à sortir ce ça. Mais finalement, la pression sociale de l’environnement peut vous enfermer. Comment on peut sortir de ça ?

"Il faut sortir du communautarisme. C’est ce que je dénonce et que je déplore. Le communautarisme est un échec total et on l’a vu, ces quarante dernières années. Le communautarisme ne nous permet pas de respirer un autre air, d’échanger".

Un mot des manifestations d'il y a 2 semaines pour dénoncer des violences policières. Les violences, le racisme, c'est une réalité, selon vous ?

"Oui, c’est une réalité. N’oublions pas que nous sommes dans un Etat de droit, pas en Afrique du Sud sous de Klerk ou Botha, nous ne sommes pas dans une ségrégation. Il est déplorable de voir des violences policières et je les condamne, mais je n’ai pas l’impression que ce soit notre quotidien. Il y a une pénibilité chez les policiers eux-mêmes, qui ont des salaires très bas, des horaires pas possibles. Je ne veux pas me faire le grand défenseur de la police, mais je pense que nous ne prenons pas assez conscience du pays de cocagne et de l’Etat de droit dans lequel nous vivons. Ça ne veut pas dire que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, je pense qu’il faut manifester. Mais Black Lives Matter, ce n’est pas trop ma tasse de thé. Je pense qu’il ne faut pas communautariser le combat antiraciste. Il ne faut pas que les Noirs revendiquent des droits pour les Noirs, les musulmans pour les musulmans. Non, notre socle commun, c’est la citoyenneté. Notre socle commun, c’est la Belgique, c’est ce qui nous permet de dialoguer. Il y a une structure, et c’est un Etat de droit".

C’est un long combat, il n’est pas gagné ?

"Non, mais il est loin d’être perdu".

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