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Ce vendredi matin, au Square Jacques Franck à Saint-Gilles, l’atmosphère est plutôt calme. Pourtant, il y a à peine un an, au même endroit, les dealers faisaient leur loi.
Manuel est un habitant du quartier. Il a pu constater l’évolution du trafic de drogue. « C’était vraiment la cour des miracles au niveau des usagers de la drogue, mais aussi au niveau de l’organisation. C’était une organisation comme on peut voir dans des films ou des reportages télé à Marseille. »
Témoin depuis sa fenêtre : un vendeur, des guetteurs et un « service de sécurité »
Un système très bien organisé que Manuel a pu observer depuis sa fenêtre. « Il y avait la personne qui vendait, il y avait la personne qui les amenait, il y avait les guetteurs. Il y en avait plusieurs ici pour guetter si la police vient et crier « Arah », ce qui est le signe, le cri de dire la police arrive, comme ça, ils peuvent déguerpir et planquer leur drogue. Et il y avait aussi ce qu’on appelle un service de sécurité qui était en charge notamment d’éviter que les personnes qui consomment de la drogue consomment tout près du dealer. »
Une hiérarchie bien définie avec le moins de risques au sommet
Le réseau est structuré autour d’une hiérarchie claire où chaque membre a un rôle spécifique dans la chaîne du trafic.

Le chef du réseau est la tête pensante. Il gère le réseau depuis l’étranger ou en prison. Il est en contact direct avec les fournisseurs qui produisent et fournissent la drogue. En haut de la chaîne, les relations publiques. Leur rôle, blanchir les milliers d’euros gagnés. « Ceux qui ont le plus de pouvoir sont ceux qui encaissent le plus de bénéfices, mais ce sont ceux aussi qui prennent le moins de risques parce qu’ils s’éloignent au fur et à mesure qu’ils montent dans la hiérarchie au niveau du terrain », analyse Michaël Dantinne, professeur de criminologie à l’Université de Liège.
Viennent ensuite les petites mains. Tout commence avec les nourrices. Leur but : stocker la drogue proche du lieu de deal. Ce sont des personnes ordinaires, une dame âgée ou un jeune couple. Le dealer réceptionne ensuite la drogue chez la nourrice pour la revendre sur le terrain. Il est accompagné de guetteurs, jeunes, souvent inexpérimentés. Leur rôle est de prévenir le dealer en cas de présence policière. Ils sont engagés à la journée avec une rémunération avoisinant les 30 euros par jour. Enfin, il y a également un dispositif de sécurité. Ces jeunes sont chargés d’éviter tout débordement au sein du hotspot.
Des « intérimaires » interchangeable qui prennent le plus de risque
Tous ces rôles sont appelés les intérimaires car ils sont facilement interchangeables. « C’est un modèle d’entreprise », explique Michaël Dantinne « Au moins la tâche est qualifiée, au plus il y a une grande interchangeabilité. Quelqu’un qui fait simplement le guetteur, c’est quelqu’un qu’on pourra vite former et qui sera relativement remplaçable. C’est pour ça qu’on parle souvent de chair à canon. C’est aussi les gens qui prennent le plus de risques parce que ce sont les plus visibles et ceux qui vont se faire le plus facilement arrêter, voire atteindre même par la violence au niveau des concurrents. » Des petites mains aux conditions précaires, motivées par l’espoir de monter dans la hiérarchie.
Au total, 19 hotspots ont été identifiés dans la capitale, chacun avec une organisation structurée qui peut facilement changer de quartier. Une flexibilité qui complique encore plus leur démantèlement définitif.


















