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« Chaque Bruxellois peut prendre une balle perdue » : 20 fusillades dans la capitale cet été, le procureur du Roi sonne l’alarme

Par RTL info avec Corentin Simon
Avec 20 fusillades au compteur depuis le 5 juillet, dont deux mortelles, Bruxelles est en état d’alerte. Une situation inacceptable, selon Julien Moinil, procureur du Roi de Bruxelles.

La recrudescence des fusillades à Bruxelles est un phénomène inquiétant qui s’est intensifié cet été. Julien Moinil, le procureur du Roi du parquet de Bruxelles, alerte sur le fait que ces violences ne sont pas uniquement l’apanage des bandes rivales. Des citoyens innocents sont directement menacés.

Pour appuyer ses propos, le procureur cite deux exemples frappants : une mère qui circulait en voiture avec son enfant de 9 ans a vu une balle atteindre son pare-brise, tandis qu’une autre balle perdue a atterri dans la fenêtre d’une habitation en plein après-midi. « Ce n’est donc pas qu’un problème entre bande rivales », martèle Julien Moinil. « Est-ce qu’on va attendre qu’il y ait des victimes civiles innocentes pour réagir et fournir les moyens nécessaires ? »

« Considérer cela comme une guerre entre narcotrafiquants est totalement inexact. Chaque Bruxellois qui circule à Bruxelles peut prendre une balle perdue, que ce soit dans son pare-brise ou en marchant sur le trottoir. C’est totalement inadmissible », souligne-t-il.

Sur les 20 fusillades recensées cet été, quatre se sont déroulées dans la zone de Bruxelles-Ixelles et ne seraient pas liées à des affaires de drogue. Les 16 autres, dont deux mortelles, sont encore sous investigation.

Des failles systémiques et des moyens insuffisants

Selon le procureur du Roi, plusieurs défaillances expliquent en partie cette situation. Il dénonce un manque de moyens et des pratiques qui favorisent le crime organisé.

Le contrôle des délinquants : Julien Moinil affirme que de nombreux chefs de gangs, bien qu’incarcérés, continuent de gérer leurs affaires depuis leur cellule. Il est « urgent de les placer sous un régime de haute sécurité », car « des faits sont commis tous les jours ». De plus, il déplore que les criminels sortent trop facilement de prison, soulignant que sur les messageries cryptées, la Belgique est considérée comme un territoire attractif, car « on sort après 1/3 » de sa peine.

La « main-d’œuvre clandestine » : Le procureur pointe du doigt la gestion des criminels en situation irrégulière. Depuis le début de l’année, 4 595 personnes ont été arrêtées par la police, mais 91 % d’entre elles sont relâchées par l’Office des Étrangers, faute de places dans les centres fermés. Moinil qualifie cela de « main-d’œuvre clandestine » pour le crime organisé et réclame plus de moyens pour l’Office des Étrangers.

Le problème des mineurs : Plus de 100 mineurs se trouvent sur une liste d’attente pour être placés dans des institutions, obligeant les juges de la jeunesse à les relâcher sans apporter de solution adéquate.

Les lacunes techniques : L’encodage des expertises balistiques accuse un retard de 400 dossiers, parfois jusqu’à deux ans pour certains cas, ce qui entrave les enquêtes. De plus, l’absence de caméras dans certains quartiers pose un problème majeur pour l’identification des suspects.

Pour lutter contre ces violences liées à la drogue, Julien Moinil estime que les moyens alloués sont loin d’être suffisants. «Je ne vais pas remercier l’État de suivre la loi. On m’a donné deux magistrats supplémentaires, mais ils ne font que remplir le cadre prévu par la loi. Pour les fusillades, nous n’avons rien reçu, il n’y a aucun moyen supplémentaire. Je suis entendu, mais je ne reçois pas de moyens», a-t-il lancé.  Le procureur a reconnu que trente enquêteurs supplémentaires avaient été transférés à la police judiciaire fédérale (PJF) de Bruxelles, mais juge cette mesure insuffisante : «On pourrait travailler mieux si le gouvernement nous donnait des moyens supplémentaires. Si déjà on pouvait remplir le cadre réglementaire de la police qui date de 2001…», a-t-il poursuivi.

Des mesures quotidiennes pour limiter les dégâts

Malgré ces difficultés, le parquet de Bruxelles assure agir au quotidien pour endiguer le phénomène. Des réunions sont organisées chaque semaine avec les zones de police locale, et des actions sont menées quotidiennement sur les points de deal. La prochaine réunion est d’ailleurs prévue jeudi. Elles auront lieu hebdomadairement durant les six prochains mois.

L’heure est venue de prendre ses responsabilités
Bourgmestre de Molenbeek

L’image que le procureur du Roi de Bruxelles a donnée ce mardi est «inquiétante», a réagi la bourgmestre faisant fonction de Molenbeek, Saliha Raïss (Vooruit). «Ce n’est pas le moment de jouer à des jeux politiques. L’heure est venue de prendre ses responsabilités», a-t-elle affirmé.

«Je salue sa volonté de renforcer les capacités judiciaires et policières, un message que je défends depuis longtemps», a-t-elle dit. Selon la bourgmestre, le trafic de drogue et d’armes ainsi que la criminalité qui touchent aujourd’hui Bruxelles «trouvent leur origine dans d’autres grandes villes du pays». «Il est donc logique que le niveau fédéral tienne parole en créant une task force pour Bruxelles.»

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