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Absentéisme scolaire, hospitalisation, problème de mémoire : pourtant interdites, les cigarettes électroniques jetables continuent de faire des dégâts

Par RTL info avec Florent Vanden Bergh et Catherine Vanzeveren
Selon une enquête menée par Sciensano, 1 Belge sur 10 a déjà utilisé une cigarette électronique. Il peut s’agir de modèles rechargeables commercialisés légalement, mais aussi de cigarettes électroniques jetables. Celles-ci sont pourtant interdites à la vente depuis le 1er janvier dernier. Néanmoins, il est très facile de s’en procurer, en ligne ou dans certains commerces.

Pour mesurer l’ampleur du phénomène des cigarettes électroniques, nous avons suivi Romain, un contrôleur du SPF Santé publique. Sa mission du jour se passe dans un magasin de Saint-Josse en région bruxelloise.

Des produits illicites à peine cachés

Premier constat étonnant : la personne derrière le comptoir prétend ne pas faire partie du personnel. « On m’a juste demandé de surveiller », affirme-t-elle. Il ne faudra que quelques secondes à Romain pour mettre la main sur des produits illicites à peine cachés derrière la caisse. Dans les tiroirs, des dizaines de produits interdits à la vente : du miel aphrodisiaque, des cigarettes de contrebande et des boîtes contenant des nicotines pods…

« Ce sont de petits sachets de nicotine qu’on vient placer sous la gencive, il y en a beaucoup », observe Romain. Notre agent n’est pas au bout de ses surprises. C’est dans une cache, en dessous de l’étagère que sont stockés les produits qui l’intéressent. Une centaine de cigarettes électroniques non conformes. « Une cache parfaite où il y a tout un échantillonnage de produits qui n’ont rien à faire sur le marché, constate Romain. Je les classe par marque, quantité, volume de liquide… »

62 000 cigarettes non conformes saisies depuis début janvier

À l’arrivée du propriétaire, impossible d’en savoir plus sur la provenance de ces vapoteuses jetables. « Vous avez des factures des produits ? », demande Romain. « Non, il n’y a pas de facture », lui répond-on. Plusieurs sacs de produits seront saisis et acheminés vers un entrepôt du service public, en attente d’être détruits dans les prochains jours.

« Depuis début janvier, notre service a effectué plus de 1200 contrôles et plus de 470 infractions ont été constatées pour une saisie totale de 62 000 cigarettes non conformes », indique Mathieu Capouet, expert SPF Santé publique.

Parmi les trouvailles : des modèles très colorés, à la forme attractive. Certains sont munis d’un écran, d’autres font du bruit. Des concepts très éloignés de la promesse initiale des cigarettes électroniques. Mathieu Capouet explique que ces produits « attractifs sur le marché » attirent principalement des non-fumeurs, notamment des jeunes, « vers un produit qui est nocif pour la santé et qui en plus crée très très rapidement une forte addiction à la nicotine ».

Un jeune plongé dans le coma après avoir vapoté de façon excessive

En effet, ces produits ne sont pas sans conséquences pour la santé. Il y a plusieurs mois, Robin, un adolescent néerlandais a été plongé dans un coma artificiel après avoir craché du sang. « Comme il était gravement malade, nous avons mené une enquête très approfondie, raconte Renske Vorselaars, pneumologue à l’hôpital universitaire d’Utrecht. Nous avons examiné toutes sortes de causes. Nous n’avons rien trouvé d’autre qu’une consommation excessive de vapotage avant son admission ».

Tim a lui aussi été hospitalisé. Il tirait 1 000 bouffées par jour sur sa cigarette électronique. « J’ai ressenti une pression sur ma poitrine, raconte-t-il. Elle s’est propagée dans mes bras et dans mon cou. Puis j’ai entendu un étrange bruit sec près de mon cœur. Cela signifie qu’il y a de l’air près de votre cœur qui ne devrait pas s’y trouver ».

« Une fuite dans le sang de protéines spécifiques du poumon »

Dans les laboratoires de l’UCLouvain, le toxicologue Alfred Bernard a étudié les effets de la vapoteuse sur la santé : « On a surtout montré une toxicité sur les barrières qui protègent les poumons profonds. Ça se traduisait par une fuite dans le sang de protéines spécifiques du poumon. Ça, c’est très surprenant parce que je n’ai pas vu ça avec le tabac. J’ai vu ça avec d’autres substances toxiques comme l’ozone ou le chlore ».

Mangue, fraise, bubble gum… des centaines de liquide aux parfums alléchants ont envahi le marché ces dernières années. Certains peuvent être plus nocifs que d’autres. Le professeur Bernard déplore un manque de contrôle. « C’est pratiquement impossible à contrôler parce que vous avez tellement de produits différents… Pratiquement tous les jours, on peut créer d’autres produits avec des mélanges, explique-t-il. Donc le contrôle est extrêmement difficile si vous n’avez pas une réglementation qui interdit certaines substances. Encore faut-il savoir lesquelles il faut interdire ».

Des jeunes accros qui « se privent de manger pour acheter leur nicotine »

Des produits de plus en plus nombreux, accessibles, et particulièrement attractifs pour les jeunes. Chaque semaine, le tabacologue Martial Bodo rencontre une cinquantaine d’adolescents accro dans les écoles de Wallonie… « C’est quand même assez aguichant, reconnaît Martial Bodo. Il y a tout plein d’images. Là, il y a des goûts, il y a des saveurs, des odeurs. C’est très « stylé », comme ils disent. (…) Parfois, les jeunes me disent « Mon argent est limité, je me prive de manger parce que je préfère acheter ma nicotine ». Le jeune qui est en classe et ne peut pas consommer va voir ses fonctions de concentration et d’attention se détériorer au bout de trois heures. »

Selon une étude publiée ce jeudi par des chercheurs anglais et australiens, les adolescents sont plus sensibles aux effets des cigarettes électroniques. Sur le long terme, elles peuvent altérer leur capacité d’attention, leurs fonctions cognitives et leur mémoire.

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