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« Je ne pouvais plus m’en passer » : pendant près de 30 ans, John a consommé des stupéfiants sur son lieu de travail… et il n’est pas un cas isolé

Par RTL info avec Florent Vanden Bergh et Catherine Vanzeveren
La drogue n’épargne aucun milieu social et s’infiltre a parfois dans nos vies professionnelles. Quelle est l’ampleur de la consommation de stupéfiants au travail ? Que font les entreprises pour lutter contre ce phénomène et aider leurs employés ?

Plus de fois par semaine, John se rend dans un centre qui accompagne les travailleurs dans leur processus de sevrage. Abstinent depuis 3 mois, il a consommé du cannabis pendant près 30 ans. « Je suis soudeur, j’ai toujours consommé sur mon lieu de travail, raconte-t-il. Ça faisait partie de mon mode de vie. Je ne pouvais pas m’en passer. Cela m’aidait simplement à rester calme et à me concentrer sur mon travail ».

Aujourd’hui, il témoigne anonymement par peur d’être reconnu par ses employeurs. La consommation de stupéfiants est très tabou, nous dit-il, tant elle peut entraîner de lourdes conséquences sur la vie professionnelle. « J’ai fait plein de boulots différents. J’arrivais et je partais tout le temps, j’arrivais souvent très en retard, et parfois je ne me présentais pas du tout au boulot ».

« Ouvriers, avocats, indépendants »

Le fondateur du centre de désintoxication est lui aussi ancien consommateur. Dans sa vie de représentant commercial, David prenait plusieurs doses de cocaïne par jour. « Au début, c’était samedi ou vendredi, raconte-t-il. Mais après, c’était vendredi, samedi et dimanche. Puis lundi, mardi et mercredi, ça continuait. Dans la journée, de temps en temps, je consommais pour fonctionner ».

Pour aider les travailleurs à s’en sortir, David organise des thérapies de groupe. Lors de ces échanges, il le constate : désormais la drogue n’épargne aucune profession et aucun milieu social. « J’ai un peu de tout en fait : ouvriers, avocats, indépendants. Tous ces gens qui ont du boulot, des sociétés, ces gens qui gèrent leur vie. Mais au fur et à mesure ça augmente, la consommation augmente et on commence à avoir des problèmes à gauche, à droite ».

Difficile à quantifier

Un constat difficile à quantifier. Lors de recherches, nous n’avons trouvé aucune donnée récente sur la consommation de drogue au travail. Il faut dire que la frontière entre vie privée et vie professionnelle est de plus en plus floue, notamment à cause du télétravail. « On ne sait pas toujours si la consommation est liée au travail, à la pression du travail ou si c’est lié à des histoires plutôt familiales ou sociales, loisirs et avec des dérives », constate Dominique Lamy, addictologue.

Aujourd’hui, le phénomène est encore tabou, tant du côté des employés que des employeurs. Une omerta étonnante quand on sait qu’une convention collective de travail a été adoptée il y a 15 ans avec un objectif très clair. « La convention n’entend pas proposer une politique toute faite en matière d’alcool et de drogues […] Elle se borne à poser les limites d’une politique conçue par chaque entreprise », peut-on y lire.

Ce texte est censé aider les entreprises à gérer les dysfonctionnements liés à la consommation de stupéfiants. Mais les mesures proposées sont jugées peu concrètes par certains acteurs du secteur professionnel. « Tous ces documents sont en général des documents dans lesquels des lignes d’intention sont notées, des objectifs et des finalités, explique Pablo Nicaise, coordinateur adjoint de la cellule générale de politique en matière de drogue. Mais très rarement des éléments concrets de mise en œuvre. Cela reste entre les mains des entreprises, des employeurs et de la médecine du travail. »

L’importance d’une personne de confiance

De son côté, la médecine du travail nous expliquer se rendre sur le terrain pour aider certaines sociétés à réagir en cas d’incident. Parmi les conseils : la désignation de personne de confiance. « Il faut désigner des membres de l’entreprise, qui sont vraiment prévus pour arrêter le travailleur dans son poste, le mettre en sécurité, indique Alexandre Michaux, conseiller en prévention en charge des assuétudes. Ce qui mettrait en sécurité aussi évidemment, ses collègues. Organiser son rapatriement, et puis il y a cette taxe capitale de l’entretien du travailleur qui est en dysfonctionnement ».

À l’heure actuelle, ces formations s’organisent uniquement sur demande des entreprises et souvent après un incident. Selon une étude de l’organisme de ressource humaine Attentia, seule une entreprise sur 5 appliquerait une tolérance zéro en matière d’alcool et de drogue.

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