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Un fromage casse-croûte pour enfant, une bière sans alcool, des pâtes… Ces trois produits ont un point commun : ils sont « enrichis » en protéine. Et très franchement, on ne comprend pas pourquoi.
Manger des protéines, c’est devenu une philosophie d’alimentation dans les supermarchés. Pratiquement dans chaque rayon, on retrouve des quantités de produits avec le mot magique. « Ça montre l’intérêt grandissant pour ce genre de produits, constate Karima Ghozzi, porte-parole de Delhaize. C’est une demande qu’on voit se traduire dans les chiffres de volumes de vente. »
Ce supermarché a d’ailleurs commercialisé sa propre référence dans le rayon céréales. Cette enseigne note une hausse de 500 % des volumes de vente de produits protéinés. Les protéines sont incontournables.
« On voit même les marques qui sont déjà des produits protéinés naturellement, qui rajoutent la mention protéines sur leur packaging », observe Karima Ghozzi. L’intérêt d’ajouter la mention magique, on le comprend rapidement pour les marques, c’est satisfaire une demande croissante.
« Les protéines restent un outil essentiel dont notre corps a besoin pour supporter la musculature, la santé de l’os et la fonction immunitaire. On voit que la demande est en croissance », raconte Roser Gomez Roig, responsable des affaires scientifiques et en nutrition chez Danone Belgique.
Et une demande en croissance, ça intéresse les industriels. D’autant que ces produits protéinés qui offrent une soi-disant plus value, ils peuvent les vendre plus cher. C’est une pratique connue.
« Les yaourts avec le bifidus actif, personne ne sait ce que c’est. Mais tout à coup, le yaourt devenait plus cher, explique Gino Van Ossel, professeur de marketing. Ils essayent de vendre des produits à valeur ajoutée, des pâtes ou des bières ou du fromage avec des protéines ajoutées avec une marge supérieure. On vend les pâtes plus cher parce que ils contiennent des protéines ».

Ces pâtes sont le parfait exemple. Les Penne classiques coûtent 3€78 le kilo. C’est 7€98 pour les enrichies en protéines de petits pois. Ajouter la mention fait doubler le prix. « C’est la même expérience de pâtes, mais avec un apport des protéines de 20 grammes pour cinq grammes, soit 40 % de l’apport protéique journalière recommandée », souligne Giulia Becuzzi, directrice marketing de Barilla Europe de l’ouest.
Ça semble intéressant, mais pour les professionnels de la santé, voir tant de références protéinées, c’est plutôt inquiétant. « C’est vraiment du pur marketing, estime Pascale Robience, diététicienne. C’est simplement parce que les protéines sont à la mode et que les gens estiment que s’ils en mangent beaucoup, ils vont manger correctement ».
Et ce pur marketing est même potentiellement dangereux pour les reins des consommateurs. « C’est terriblement dangereux, affirme Pascale Robience. Depuis des années, je prône que les protéines et même cette poudre que l’on peut rajouter qu’on appelle ‘Wey’ que l’on trouve dans les commerces courants, je prône pour qu’elles ne soient plus en vente libre et qu’elles ne soient plus délivrées que sur prescription médicale ».
La recommandation du Conseil supérieur de la santé, c’est 0,83 grammes de protéines par kilo. Si j’en pèse 80, j’ai besoin de 66 grammes de protéines chaque jour. Imaginons 200 grammes de ces pâtes, quatre de ces fromages et la bière et je dépasse déjà mon apport quotidien. Et une surcharge de protéines est dangereuse pour les reins. Malgré ce qu’en disent les réseaux sociaux.
Les protéines sont utilisées pour des régimes ou pour se muscler. Fan de sport, Roger en a consommé beaucoup, jusqu’à endommager son corps. Il souffre d’insuffisance rénale. « À un moment donné, j’ai exagéré, témoigne-t-il. À l’époque, je faisais 95 kilos. Je prenais 200, 250 grammes par jour. J’aurais dû faire plus attention que ça ».
Il en consomme toujours, mais moins et tient à alerter du risque de ces produits : « Si quelqu’un a un problème latent quelque part, ça peut l’aggraver ». On estime que 12 % de la population belge souffre d’une maladie rénale et 6 % l’ignorent. Plus on mange des protéines, plus le rein doit travailler pour éliminer des déchets, ce qui peut entraîner une surcharge.
« Les petites unités qui filtrent le sang vont à force de travailler, s’abîmer, explique Frédéric Debelle, néphtologue au Centre Hospitalier EpiCURA Baudour. Et on aura une deuxième phase où là on aura une diminution de la filtration agglomérée. Il y a un risque à la longue, des années après, d’avoir un stade terminal où là on ne peut pas vivre sans ses reins et on doit recourir à la dialyse ou à la transplantation rénale ».
Les protéines sont des nutriments essentiels et peuvent être utiles aux sportifs ou pour un régime. Mais tout est dans la mesure. Il est déconseillé d’augmenter leur prise sans suivi médical.

















