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L'entente cordiale au procès Balkany: "Il n'y a pas de corruption"

En se plongeant dans le méga-projet immobilier situé au coeur des accusations qui visent le maire LR de Levallois-Perret et un milliardaire saoudien, le procès des époux Balkany à Paris a réussi mardi la gageure de mettre tous les prévenus d'accord: "Il n'y a pas de corruption".

Après les débats - houleux - sur la propriété du riad de Marrakech dont les Balkany sont soupçonnés d'être les réels détenteurs, place à la question de son financement.

Aux yeux de l'accusation, le prix de vente officiel de cette villa, 2,75 millions d'euros, a été payé par l'argent de la corruption: un cadeau à Patrick Balkany de l'homme d'affaires saoudien Mohamed Al Jaber, contre des délais de paiement supplémentaires pour un projet de tours jumelles à Levallois.

Sur le banc des prévenus où la défense s'écharpe depuis une semaine, ces accusations de corruption sur fond de Monopoly grandeur nature ont la vertu de mettre temporairement tout le monde du même côté.

Levallois avait placé en 2008-2009 tous ses espoirs dans le milliardaire saoudien pour la réalisation des "Tours de Levallois", un projet à 800 millions d'euros, dont 243 millions de droits à construire. Mais en dépit d'un échéancier rendu plus favorable selon l'accusation, le promoteur n'honorera pas ses engagements : le projet tombe à l'eau.

La corruption, "ça ne tient pas la route", assure Jean-Pierre Aubry, éternel homme de confiance des Balkany, alors directeur général de la Société d'économie mixte de la ville (Semarelp). Il en veut pour preuve le prix des droits à construire qui n'a jamais varié. Les délais de paiement, "c'est l'option qu'on avait pour ne pas casser la vente".

"Y'a pas de corruption !" répète-t-il à l'avocat de Mohamed Al Jaber - jugé pour corruption active - Hervé Temime. Lequel doit lui rappeler qu'ils sont d'accord sur ce point: "Je ne veux pas démontrer qu'il y a corruption!"

Même son de cloche du côté d'Arnaud Claude, alors avocat de la Semarelp, jugé comme M. Aubry pour "complicité" de la corruption passive imputée à Patrick Balkany. Il explique que l'échéancier n'était pas spécialement favorable au Saoudien. Patrick Balkany est "heureux" d'insister: "Il n'y a jamais eu d'avantage fait à M. Al Jaber".

- "Yes yes, take my plane !" -

Jean-Pierre Aubry et Arnaud Claude jurent que leur vain acharnement à faire aboutir ce projet n'a "aucune connexion" avec leur implication au même moment dans les savants montages offshore entourant la villa de Marrakech.

Au risque d'être incohérents: le riad appartenant selon eux au Saoudien, ils l'auraient donc aidé à acquérir discrètement cette villa alors même que les "Tours" battaient de l'aile.

Mohamed Al Jaber, qui nie être propriétaire de la villa, sera entendu mercredi. Pendant l'instruction, il avait accusé son ancien homme de confiance Salim Khoury d'avoir géré la négociation des "Tours". Mais aussi effectué des virements à son insu vers les comptes du notaire chargé de la vente du riad.

Restent les autres manifestations de la "corruption" évoquée par l'accusation.

Fin 2008, M. Aubry avait reçu une montre d'une valeur de 15.000 euros, cadeau selon lui du Saoudien, qui nie. "C'est un homme généreux", constatait-il la semaine dernière.

Quant au jet privé mis à disposition par M. Al Jaber, "je pense que c'est dans la culture de ces gens-là", affirme Jean-Pierre Aubry.

Patrick Balkany, plus explicite, singe l'anglais mâtiné d'accent saoudien du promoteur: "Yes yes, take my plane, take it take it!", et explique avoir emprunté le jet "pour ne pas le vexer", "peut-être deux fois, pour les Antilles et pour Marrakech".

"Votre qualité de maire et de parlementaire aurait pu vous faire renoncer, observe le président.

- Il n'y avait aucune contrepartie", insiste Patrick Balkany.

L'édile répète n'avoir "jamais été corrompu par personne": l'avocat du Saoudien est ravi.

L'avocat de Patrick Balkany, Eric Dupond-Moretti, souligne que l'accusation "ne pourra pas démontrer" l'existence d'un "pacte de corruption" avec Mohamed Al Jaber, nécessaire pour caractériser l'infraction. C'est selon lui la raison pour laquelle son client est aussi jugé pour "prise illégale d'intérêts", "un aveu de faiblesse" des poursuites pour corruption.

La question du financement d'une seconde moitié, occulte, du prix du riad, sera examinée mercredi.

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