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La maladie de Crohn est une des maladies inflammatoires des intestins parfois encore mal comprise. Sophie Vieujean, gastro-entérologue aux cliniques universitaires à Saint-Luc, nous explique comment en reconnaître les symptômes et qui sont les patients les plus impactés.
Tout d’abord, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin sont des maladies chroniques. « Ça veut dire qu’une fois que le patient a développé la maladie, il doit vivre avec », précise d’emblée Sophie Vieujean. Cette pathologie provoque une inflammation au niveau de l’intestin : « C’est en quelque sorte le système immunitaire, le système de défense de l’organisme qui se met à attaquer l’intestin au lieu de le défendre », développe la gastro-entérologue.
Symptômes similaires
La maladie de Crohn touche l’intestin en profondeur au niveau de la paroi, soit en totalité (de la bouche à l’anus), soit des segments en particulier. Il s’agit en outre d’une pathologie douloureuse pour le patient, souligne l’experte : « En effet, les patients peuvent avoir des douleurs abdominales, des diarrhées, de la fatigue, une perte de poids, et parfois même de la fièvre. » Autant de symptômes qui doivent nous alerter au même titre que des atteintes aux articulations, aux yeux ou à la peau.
Attention cependant à ne pas confondre la maladie de Crohn avec le syndrome du colon (ou de l’intestin) irritable, même si les symptômes sont similaires. Selon Sophie Vieujean, on distingue aisément la différence grâce à une coloscopie, un examen médical qui consiste à insérer une petite caméra dans l’intestin. « Lorsqu’on a un syndrome de l’intestin irritable, on ne voit aucune lésion, aucune inflammation avec la caméra. Dans le cas d’une maladie de Crohn, c’est l’inverse. On observe de vraies lésions sur la paroi », avance l’experte.
Augmentation constante
« Le syndrome du côlon irritable, c’est l’intestin qui ne fonctionne pas bien. Il va se contracter trop vite ou trop lentement. D’autres patients vont aussi avoir un seuil abaissé de la sensibilité pour la douleur », clarifie Sophie Vieujean. Ce sont ces symptômes que l’on peut aussi ressentir quand on a une maladie de Crohn.
Aujourd’hui, 80.000 personnes sont touchées par la maladie de Crohn en Belgique. C’est deux fois plus qu’il y a 20 ans, et cela doit nous interpeller, alerte Sophie Vieujean : « Ça doit nous inquiéter parce que les études montrent que l’incidence est en constante augmentation. On sait que d’ici 2030, on aura environ 1 % de la population qui sera atteinte. Donc ça veut dire un patient sur 100 qui sera touché par la maladie ».
Une question de mode de vie
Selon l’experte, cette augmentation peut être liée à notre mode de vie occidental, et notamment à ce que l’on consomme dans nos assiettes. En effet, certains aliments favorisent cette maladie. « Ce sont des maladies dans lesquelles l’alimentation joue un rôle important. Par exemple, aujourd’hui on incrimine de plus en plus tout ce qui relève des aliments ultratransformés ».
Parmi les facteurs de risque, on peut également citer l’influence prépondérante de la génétique, avec plus de 300 gènes incriminés selon la gastro-entérologue. Pour terminer, « la prise de certains médicaments, comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens à base d’hormones, les infections intestinales et le tabac favorise aussi la survenue de ces maladies », affirme Sophie Vieujean.
Le pic d’incidence se trouve chez le jeune adulte entre 20 et 30 ans
En plus des facteurs de risque, nous ne sommes pas tous égaux face à cette maladie en raison de notre âge. « Ce sont des maladies qui peuvent nous toucher tout au long de notre vie. Ça peut être chez l’enfant, comme chez la personne âgée. Mais le pic d’incidence se trouve chez le jeune adulte entre 20 et 30 ans », affirme la gastro-entérologue. Dès lors, il est recommandé d’être plus attentif dès la vingtaine.
On le néglige souvent, mais l’experte insiste : il ne faut jamais hésiter à analyser nos selles, à regarder à quoi elles ressemblent. « Si vous avez du sang dans les selles, c’est un symptôme d’alerte. À ce moment-là, il ne faut pas hésiter à aller consulter », ajoute-t-elle.
Espoir et traitement
Il est encore difficile de prévenir la maladie de Crohn. Le dépistage en phase préclinique reste compliqué selon Sophie Vieujean. « Quand on sait qu’on a des parents qui sont atteints de la maladie, on essaie parfois de doser préventivement le taux d’inflammation dans les selles », explique la gastro-entérologue. Changer son mode de vie est donc le seul vrai levier sur lequel on peut agir.
Cependant, il existe beaucoup de traitements. Un progrès scientifique que Sophie Vieujean tient à souligner : « Au cours de ces 20 dernières années, l’arsenal thérapeutique s’est largement développé. On a des traitements qu’on peut donner par la bouche dans les formes légères. Pour les formes plus sévères, on doit parfois avoir recours aux traitements injectables, par injection sous-cutanée ou par Baxter. »

















