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TotalEnergies a-t-il induit en erreur ses clients en vantant sa « neutralité carbone » ? Jugement très attendu jeudi à Paris

Le tribunal judiciaire de Paris doit trancher, ce jeudi, une affaire emblématique d’écoblanchiment visant TotalEnergies. Accusé par plusieurs ONG d’avoir trompé le public avec une communication vantant sa « neutralité carbone » tout en poursuivant l’exploitation des énergies fossiles, le géant pétrolier pourrait faire face à une décision aux répercussions majeures pour la publicité environnementale en Europe.

Le groupe pétrolier TotalEnergies a-t-il induit en erreur ses clients en clamant contribuer à « préserver la planète » et viser la « neutralité carbone » ? Le tribunal de Paris rend jeudi une décision très scrutée dans une affaire d’écoblanchiment qui pourrait avoir des répercussions dans le monde.

Le tribunal judiciaire, saisi en 2022 au civil par les ONG Greenpeace France, Les Amis de la Terre France et Notre Affaire à Tous, doit dire si TotalEnergies a diffusé des publicités mensongères en laissant croire qu’elle pourrait devenir un « acteur majeur de la transition énergétique » tout en continuant à produire du pétrole et du gaz.

Attendu dans les milieux économiques et chez les défenseurs du climat, ce jugement pourrait créer un précédent judiciaire non seulement en France, mais dans la jurisprudence naissante en Europe sur la communication environnementale des entreprises.

Le greenwashing, ou le fait de se présenter exagérément vertueux sur l’environnement, n’existant pas spécifiquement en droit, les militants ont invoqué les règles relatives aux pratiques commerciales trompeuses, prévues par le droit de la consommation français et européen.

Au cœur de l’affaire : la campagne de communication du groupe déployée à partir de mai 2021 sur son site internet, dans la presse, sur les réseaux sociaux et à la télévision.

À l’époque, Total venait de se rebaptiser TotalEnergies pour souligner ses nouveaux investissements bas carbone et son ambition d’être « la compagnie de toutes les énergies », du pétrole à l’électricité éolienne et solaire.

Le groupe affichait alors son objectif de « neutralité carbone d’ici 2050, ensemble avec la société » et vantait le gaz comme « l’énergie fossile la moins émettrice de gaz à effet de serre », malgré son bilan climatique contesté en raison des fuites de méthane, très réchauffant pour l’atmosphère.

Une communication « trompeuse » pour les associations : « il y a un grand écart entre la réalité de leur activité, encore profondément fondée sur les énergies fossiles (…) et leur communication tournée vers la neutralité carbone et la promotion du gaz et des agro-carburants comme des énergies propres », dit à l’AFP Juliette Renaud, chez Les Amis de la Terre.

Une quarantaine de messages, dont la plupart ne sont plus activement utilisés mais certains encore visibles en ligne, sont épinglés. Les associations demandent leur retrait sous astreinte et l’obligation d’insérer des mentions informatives dans les communications commerciales futures recourant à des termes comme « neutralité carbone ».

Effet domino

Ces messages rendent, « pour un consommateur moyen, impossible de comprendre que TotalEnergies est en train d’étendre sa production d’énergies fossiles », avait martelé Clémentine Baldon, l’avocate des associations, à l’audience en juin.

En face, le groupe défend la réalité de ses investissements dans les renouvelables. Et il avance que ces messages n’étaient pas des publicités mais relevaient d’une « communication institutionnelle » et générale, encadrée par le code monétaire et financier.

Cette affaire est « une instrumentalisation du droit de la consommation pour critiquer la stratégie de la société », affirme encore le groupe à l’AFP.

Longtemps, les entreprises ont librement communiqué sur leurs engagements environnementaux, multipliant les promesses derrière des termes vagues comme « verts », « durables » ou « écoresponsables ».

Mais ces pratiques commencent à être sanctionnées par les régulateurs de la publicité et de la concurrence, ainsi que par les tribunaux.

Des tribunaux européens ont épinglé pour écoblanchiment les compagnies aériennes KLM en 2024 et Lufthansa en mars, amenant le secteur à adopter une communication juridiquement plus étroite.

À Paris, « un résultat positif mettrait en garde » l’industrie pétrogazière, « contre le fait de prétendre viser la neutralité carbone d’ici 2050 tout en augmentant la production de combustibles fossiles, ou de promouvoir le gaz comme solution climatique », explique à l’AFP Johnny White, juriste spécialiste de ces affaires chez l’ONG ClientEarth.

L’affaire établira un « précédent (…) dans le droit de la protection des consommateurs de l’UE » et servira de référence pour les tribunaux et régulateurs européens, et même au-delà, dans des pays aux législations similaires, dit-il.

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