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C’est le rêve de tout dictateur : agir en silence, derrière de hauts murs. Or, Israël n’est pas une dictature : l’État hébreu se proclame régulièrement comme la seule vraie démocratie du Moyen-Orient. Sur le plan du fonctionnement des institutions, c’est vrai – même si la guerre peut justifier une forme de censure pour des raisons de sécurité.
Mais il y a une différence énorme entre un pays qui laisse des correspondants de guerre travailler sur le terrain, et la situation actuelle, où Israël veut limiter l’information aux seules déclarations des porte-paroles de son armée.
Quant aux journalistes gazaouis – dont beaucoup travaillent pour des médias internationaux comme l’agence Reuters, la chaîne Al Jazeera ou Radio France Internationale – ils ne bénéficient d’aucune protection liée à leur statut. Ils sont même parfois directement ciblés, sous prétexte qu’ils seraient des agents du Hamas.
Actuellement, 1 500 journalistes de 60 pays demandent à avoir accès à Gaza, en vain. Pourtant, le regard d’une presse indépendante serait la meilleure manière de mettre un terme aux polémiques qui entourent les combats, l’aide humanitaire, la famine ou encore la situation sanitaire à Gaza.
Même les États-Unis, pourtant très soucieux de leur image, ont accepté des journalistes sur le terrain, au Vietnam, où leur présence a probablement précipité la fin de la guerre. Échaudés par les images de combats diffusées chaque jour, les gouvernements américains ont ensuite durci les règles, mais sans jamais interdire la presse. Ainsi, en Irak, les reporters ont pu accompagner les troupes, à condition d’être embedded, c’est-à-dire embarqués. Il vaut mieux être embedded qu’absent.
En Israël, actuellement, il n’y a pas d’embedded. Pour autant, la guerre n’est pas invisible, car aujourd’hui, grâce aux smartphones, il existe des moyens de filmer et de transmettre des images beaucoup plus facilement qu’autrefois. Mais ces images ne bénéficient pas de la légitimité que leur conférerait le statut de journaliste professionnel.
La carte de presse n’est pas qu’un titre honorifique. Elle signifie que son porteur respecte un code déontologique international, défini par l’accord de Munich en 1971. En interdisant l’accès à Gaza à des journalistes, ne serait-ce qu’embarqués, Benjamin Netanyahu crée la confusion, laisse la porte ouverte à toutes les dérives… et se donne un bon prétexte pour bombarder sans scrupule les Palestiniens qui essayent de faire ce travail, au risque de leur vie.
Le Premier ministre israélien, qui s’estime chef d’un État démocratique, oublie que Winston Churchill, lui-même en temps de guerre, a déclaré : « Là où les institutions libres sont enracinées, la presse continuera d’être le Quatrième Pouvoir, le gardien vigilant des droits du citoyen ordinaire. »


















